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Rémond  -  Daguerre  -  Falconet

Importante paire de candélabres à cinq lumières en bronze finement ciselé, patiné ou doré et marbre bleu turquin

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Attribuée à François Rémond

Réalisée sous la supervision de Dominique Daguerre

Les groupes d’après Etienne-Maurice Falconet

Paris, époque Louis XVI, vers 1785

Hauteur99 Largeur43 Profondeur29.5

Provenance :

– Collection du Prince Marc de Beauvau-Craon (1816-1883) dans le Grand Salon de son hôtel parisien de l’Avenue Montaigne : « Deux candélabres à figures bronzées, modèle dit de Garde-à-vous, sur socles en marbre bleu turquin et à cinq branches porte-lumières en bronze doré 18 000 francs ».

– Par descendance, collection des Princes de Beauvau-Craon au Château d’Haroué.

 

Entièrement réalisé en bronze très finement ciselé, patiné « à l’antique » et doré à l’or mat ou à l’or bruni, chaque candélabre est agrémenté d’un groupe allégorique représentant, pour l’un, une jeune fille assise sur un tertre tenant un arc sur son côté droit, allégorie de l’Innocence, pour l’autre, un putto ailé également assis portant l’index de sa main droite devant sa bouche, allégorie de l’Amour menaçant. A l’arrière de chaque figure se développe le bouquet de lumières émergeant de feuillages à fût en torche, à cannelures droites ou torses et terminé en motif enflammé, sur lequel viennent se rattacher les cinq bras de lumières curvilignes étagés sur deux rangs à fûts cannelés ou torsadés rythmés de bagues moulurées, soulignés d’enroulements centrés de rosaces et portant les bassins à godrons et binets à frises perlées. L’ensemble repose sur de hautes bases quadrangulaires en marbre bleu turquin à façades arrondies soulignées de frises de canaux ou feuilles et agrémentées de panneaux brettés ou en léger relief représentant des jeux d’enfants ailés dans des nuées dans le goût du sculpteur parisien Clodion.

La composition originale de cette importante paire de candélabres a été rattachée en toute certitude à l’œuvre du ciseleur-doreur François Rémond par Peter Hugues et Christian Baulez, notamment sur la base du dessin particulier des bouquets de lumières caractéristique du travail de ce célèbre artisan parisien. Daté de 1785 par ces deux spécialistes des arts décoratifs français du XVIIIe siècle, ils intègrent des groupes en bronze patiné qui s’inspirent directement de deux œuvres du sculpteur Etienne-Maurice Falconet. Ainsi, le groupe au putto ailé en marbre a été commandé en 1755, puis exposé au Salon deux ans plus tard : « 130 Une figure de marbre qui représente un amour. Elle appartient à Madame la Marquise de Pompadour » ; tandis que le modèle en plâtre de l’Innocence, jamais réalisé en marbre, fut exposé au Salon de 1761. Ces deux groupes rencontrèrent immédiatement un immense succès auprès des grands amateurs parisiens et ils furent largement diffusés notamment en biscuit par les Manufactures de Sèvres et de Wedgwood.

De nos jours parmi les rares paires de candélabres de ce modèle connues, citons particulièrement : une première paire vendue lors de la vente Daguerre chez Christie’s, à Londres, le 25 mars 1791 ; ainsi que deux paires très certainement directement livrées par Daguerre lors de son séjour anglais : l’une au 1er Comte de Harewood ou au Vicomte Lascelles pour Harewood House, Yorkshire, l’autre à Orlando Bridgeman, 1er Comte de Bradford pour Weston Park, Shropshire ; une quatrième, anciennement dans la collection du Comte d’Essex à Cassiobury Park, est passée en vente chez Christie’s, à Londres, le 12 juin 1922, lot 283 ; une cinquième, probablement acquise à Paris vers 1785 par le Comte Alexandre Stroganoff, a été proposée aux enchères lors de la dispersion des collections des comtes Stroganoff après la révolution bolchévique (vente Galerie Lepke, Berlin, les 12-13 mai 1931, lots 156-157), puis lors de la vente des collections Riahi en 2000 ; enfin, mentionnons une dernière paire de ce modèle, anciennement dans la collection de William Beckford, qui est exposée à la Wallace Collection à Londres (illustrée dans P. Hugues, The Wallace Collection, Catalogue of Furniture, Londres, 1996, Volume III, n°251, F140-141).

François Rémond (vers 1747 - 1812)

À l’instar de Pierre Gouthière, François Rémond est l’un des plus importants artisans ciseleurs-doreurs parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Il débute son apprentissage en 1763 et obtient ses lettres de maîtrise en 1774. Immédiatement son talent lui permet de se composer une riche clientèle parmi laquelle figuraient notamment certaines personnalités de la Cour. Mais surtout François Rémond, par l’intermédiaire du marchand-mercier Dominique Daguerre, participe à l’ameublement de la plupart des grands collectionneurs de la fin du XVIIIe siècle en fournissant des caisses de pendules, des chenets, des candélabres…toujours d’une très grande qualité d’exécution et aux compositions particulièrement raffinées et novatrices qui firent sa notoriété.



Etienne-Maurice Falconet (1716 - 1791)

Etienne-Maurice Falconet est un sculpteur français issu d’une famille modeste, qui étudie d’abord la charpente, mais est bientôt encouragé par le sculpteur Jean-Baptiste Lemoyne. Falconet est remarqué par la marquise de Pompadour, qui lui commande des œuvres.

De 1757 à 1766, il dirige les ateliers de sculpture de la manufacture royale de porcelaine de Sèvres où il participe activement au succès du « biscuit de Sèvres », volontairement laissées en biscuit, c’est-à-dire sans émail et sans décor.

En 1754 Falconet est nommé membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture. En 1766 il se rend à Saint-Pétersbourg où Catherine II de Russie lui demande de travailler à la Statue équestre de Pierre le Grand de Russie. De retour en France, il est nommé recteur de l’Académie royale de peinture et de sculpture ; il exécute de nombreux chefs-d’œuvre : Moïse et David, pour l’église Saint-Roch, à Paris, Pygmalion, Alexandre, L’Hiver, La Mélancolie et L’Amour menaçant, l’une de ses réalisations les plus célèbres, déclinée en biscuit par la manufacture de Sèvres.



Dominique Daguerre

Dominique Daguerre est le plus important marchand-mercier, comprenez marchand d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle. Ses débuts de carrière restent relativement méconnus et l’on peut considérer qu’il démarre véritablement son activité à partir de 1772, année de son association avec Philippe-Simon Poirier (1720-1785), autre marchand-mercier célèbre et inventeur des pièces d’ébénisterie agrémentées de plaques de porcelaine de la Manufacture royale de Sèvres. Lorsque Poirier se retire des affaires, vers 1777-1778, Daguerre prend la direction du magasin rue du Faubourg Saint-Honoré et garde la raison sociale « La Couronne d’Or ». Conservant la clientèle de son prédécesseur, il développe considérablement l’activité en quelques années et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque en faisant travailler les meilleurs ébénistes du temps, particulièrement Adam Weisweiler, Martin Carlin et Claude-Charles Saunier, le menuisier du Garde-Meuble de la Couronne, Georges Jacob, les bronziers ou ciseleurs-doreurs Pierre-Philippe Thomire et François Rémond et les horlogers Renacle-Nicolas Sotiau et Robert Robin. Ayant porté le luxe « à la française » à son summum, Daguerre, visionnaire et homme d’affaires hors du commun, s’installe en Angleterre vers le début des années 1780 et s’associe avec Martin-Eloi Lignereux, qui reste en charge du magasin parisien. A Londres, patronné par le prince Régent, futur roi George IV, Daguerre participe activement à l’aménagement et à la décoration de Carlton House et du Pavillon de Brighton, en faisant fonctionner à merveille son réseau d’artisans parisiens important de Paris la plupart des meubles, sièges, cheminées, bronzes d’ameublement et objets d’art et facturant, uniquement pour l’année 1787, plus de 14500£ de fournitures. Impressionnés par le talent du marchand, quelques grands aristocrates anglais font également appel à ses services, particulièrement le Comte Spencer pour Althorp où Daguerre collabore avec l’architecte Henry Holland (1745-1806). A Paris, il continue, par l’intermédiaire de son associé Lignereux, à travailler pour les grands amateurs et livre de superbes pièces d’ébénisterie au Garde-Meuble de la Couronne. Probablement très affecté par les troubles révolutionnaires et la disparition de nombreux de ses clients les plus importants, il se retire définitivement des affaires en 1793.