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Rémond  -  Daguerre

Exceptionnelle paire de grands candélabres à quatre lumières en marbre blanc de Carrare et bronze très finement ciselé, patiné « à l’antique » et doré à l’or mat et à l’or bruni

Candelabres_008-05_HD_WEB

Attribuée à François Rémond

Certainement réalisée sous la supervision de Dominique Daguerre

Paris, époque Louis XVI, vers 1785

Hauteur119

Provenance :

Ancienne collection Wildenstein, Paris.

 

Entièrement réalisé en bronze très finement ciselé, patiné « à l’antique » et doré à l’or mat et à l’or bruni, chaque candélabre se compose d’un groupe de deux superbes jeunes femmes vêtues de tuniques grecques, l’une représentée la tête tournée vers le spectateur. Elles supportent un vase néoclassique, à frises moletées et piédouche évasé, d’où s’échappe un bouquet de quatre lumières « en arabesques » organisé autour d’un fût central en trompe à cannelures torses terminé par un bouquet de fruits et de feuillages supportant la bobèche sommitale. Trois autres branches, à double enroulement souligné de feuilles d’acanthe, de rosaces et de grappes, se prolongent chacune par une tige curviligne à feuillages et cannelures terminée en bouquet en pétales supportant un binet à frise moletée-brettée sommé d’une bobèche à frise godronnée. Les candélabres reposent sur des bases circulaires en marbre blanc de Carrare soulignées de bandeaux moletés et de frises à enfilages de perles, feuilles stylisées, courses ajourées à rinceaux à graines ou tiges torsadées à perles ; elles sont également décorées de guirlandes tombantes fleuries et feuillagées attachées latéralement par des nœuds de ruban retenus par des pastilles ; enfin, elles reposent sur des socles quadrangulaires en carrés.

Le dessin original de cette exceptionnelle paire de candélabres s’inspire plus ou moins directement de deux groupes en plâtre exposés au Salon de 1761 par le sculpteur Etienne-Maurice Falconet (1716-1791) et qui furent esquissés en marge du livret du Salon par Gabriel de Saint-Aubin, ainsi que d’un second dessin de Gabriel de Saint-Aubin illustrés dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Band I, Munich, 1986, p.254 et 284, figs.4.7.1 et 4.14.11.

À l’origine, les groupes de Falconet étaient destinés à être fondus en argent, mais ils influencèrent surtout les bronziers parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Ainsi, certains candélabres reprennent plus ou moins fidèlement ces compositions : notamment un modèle, de nettement moindres dimensions, qui a fait partie de la célèbre collection de la marquise de Ganay, née Ridgway (vente à Paris, Me Lair-Dubreuil, Galerie Georges Petit, 8-10 mai 1922, lot 234). Mais, surtout, citons les rares autres paires de candélabres connues identiques à celle que nous proposons, offrant toutefois certaines variantes dans le traitement des bases et des bouquets de lumières, notamment : une première paire, anciennement dans la collection de Monsieur Lévy, vendue à Paris, Me Lyon, Galerie Georges Petit, les 18-19 juin 1917, lot 160 ; ainsi qu’une deuxième qui a fait partie des collections des Galeries Hartman et est illustrée dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, op.cit., Munich, 1986, Band I, p.284, fig.4.14.10 ; une troisième, datant de la fin du XVIIIe ou du début du XIXe siècles, est exposée au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (parue dans A. Kuchumov, Pavlovsk, Palace & Park, Aurora Art Publishers, Leningrad, 1975, p.221, fig.177) ; enfin, mentionnons une dernière paire de ce type, achetée auprès du marchand Seligmann en 1925, qui est conservée au Musée Nissim de Camondo à Paris (reproduite dans N. Gasc et G. Mabille, Le Musée Nissim de Camondo, Albin Michel, Paris, 1991, p.61).

François Rémond (vers 1747 - 1812)

À l’instar de Pierre Gouthière, François Rémond est l’un des plus importants artisans ciseleurs-doreurs parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Il débute son apprentissage en 1763 et obtient ses lettres de maîtrise en 1774. Immédiatement son talent lui permet de se composer une riche clientèle parmi laquelle figuraient notamment certaines personnalités de la Cour. Mais surtout François Rémond, par l’intermédiaire du marchand-mercier Dominique Daguerre, participe à l’ameublement de la plupart des grands collectionneurs de la fin du XVIIIe siècle en fournissant des caisses de pendules, des chenets, des candélabres…toujours d’une très grande qualité d’exécution et aux compositions particulièrement raffinées et novatrices qui firent sa notoriété.



Dominique Daguerre

Dominique Daguerre est le plus important marchand-mercier, comprenez marchand d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle. Ses débuts de carrière restent relativement méconnus et l’on peut considérer qu’il démarre véritablement son activité à partir de 1772, année de son association avec Philippe-Simon Poirier (1720-1785), autre marchand-mercier célèbre et inventeur des pièces d’ébénisterie agrémentées de plaques de porcelaine de la Manufacture royale de Sèvres. Lorsque Poirier se retire des affaires, vers 1777-1778, Daguerre prend la direction du magasin rue du Faubourg Saint-Honoré et garde la raison sociale « La Couronne d’Or ». Conservant la clientèle de son prédécesseur, il développe considérablement l’activité en quelques années et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque en faisant travailler les meilleurs ébénistes du temps, particulièrement Adam Weisweiler, Martin Carlin et Claude-Charles Saunier, le menuisier du Garde-Meuble de la Couronne, Georges Jacob, les bronziers ou ciseleurs-doreurs Pierre-Philippe Thomire et François Rémond et les horlogers Renacle-Nicolas Sotiau et Robert Robin. Ayant porté le luxe « à la française » à son summum, Daguerre, visionnaire et homme d’affaires hors du commun, s’installe en Angleterre vers le début des années 1780 et s’associe avec Martin-Eloi Lignereux, qui reste en charge du magasin parisien. A Londres, patronné par le prince Régent, futur roi George IV, Daguerre participe activement à l’aménagement et à la décoration de Carlton House et du Pavillon de Brighton, en faisant fonctionner à merveille son réseau d’artisans parisiens important de Paris la plupart des meubles, sièges, cheminées, bronzes d’ameublement et objets d’art et facturant, uniquement pour l’année 1787, plus de 14500£ de fournitures. Impressionnés par le talent du marchand, quelques grands aristocrates anglais font également appel à ses services, particulièrement le Comte Spencer pour Althorp où Daguerre collabore avec l’architecte Henry Holland (1745-1806). A Paris, il continue, par l’intermédiaire de son associé Lignereux, à travailler pour les grands amateurs et livre de superbes pièces d’ébénisterie au Garde-Meuble de la Couronne. Probablement très affecté par les troubles révolutionnaires et la disparition de nombreux de ses clients les plus importants, il se retire définitivement des affaires en 1793.