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Gouthière
Pierre Gouthière (1732-1813)

Exceptionnelle paire de vases-candélabres à quatre lumières dits « aux ananas » en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni et granit vert des Vosges

Candelabres020-04_HD_PRESSE

Attribués Pierre Gouthière

Paris, époque Louis XVI, vers 1780

Hauteur85

Provenance :

– Ancienne collection du fermier général Laurent Grimod de la Reynière (1734-1793) dans le Salon dit « du milieu éclairé sur la terrasse » de son hôtel parisien de la rue Boissy-d’Anglas construit en 1775 par l’architecte Jean-Benoît-Vincent Barré.

 

En forme d’œuf tronqué réalisé dans un bloc sculpté et poli de granit vert des Vosges, chaque vase, à col et piédouche mouluré à bague et tore uni, est richement agrémenté d’une monture de bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni. Les panses sont rythmées d’enfilages de perles retenus par des pastilles « en ombilics » ; les bras de lumières s’échappent de bouquets de feuilles d’ananas crispées d’où émergent des tiges à feuilles recourbées se terminant par un fruit d’ananas tenant lieu de bobèche ; à la naissance de ces tiges, viennent se rattacher trois bras de lumières « en arabesques », soulignés de feuilles d’acanthe et graines et ponctués de bagues perlées, se terminant en corolles supportant les binets et bobèches. L’ensemble repose sur des bases quadrangulaires, à moulures en cavet, supportées par des pieds carrés et ornées de réserves à fond amati.

Témoignages du goût des amateurs parisiens pour l’exotisme, ces vases-candélabres exceptionnels doivent être considérés comme l’un des summums des arts décoratifs parisiens de la seconde moitié du XVIIIe siècle. En effet, l’originalité de leur composition, la qualité exceptionnelle de leur dorure et de leur ciselure, le rang historique de leur commanditaire, en font des œuvres d’art de tout premier choix qui s’inscrivent dans une vision de rapport privilégié entre grand amateur parisien et artisan d’exception, en l’occurrence Pierre Gouthière à qui nous les attribuons. Commandés sous le règne de Louis XVI par le fermier général Laurent Grimod de la Reynière, l’un des plus grands collectionneurs de son temps, ils se distinguent par leur quasi-unicité, car une seule autre paire de vases-candélabres de même modèle est connue, elle-même également commandée par ce même collectionneur. Le fait que seules deux paires aient été réalisées au XVIIIe siècle, et que toutes deux appartinrent à Grimod de la Reynière, témoigne d’un mode de création rarissime dans les bronzes d’ameublement de l’époque : l’œuvre de commande. Cette façon de procédé, qui protégeait l’unicité de l’appartenance des œuvres, entraînait des coûts de création hors-du-commun. En effet, cela nécessitait la mise en place de projets dessinés, puis validés par le commanditaire, la réalisation de maquettes, la plupart du temps en bois ou en cire, la création de moules pour fondre les différents éléments en bronze, enfin, était passé un contrat moral entre l’artisan chargé de la réalisation de l’œuvre et le commanditaire qui se réservait ainsi le privilège de posséder de tels chefs-d’œuvre.

Ainsi, la provenance des deux paires de vases-candélabres Grimod de la Reynière est révélée ; elle est avérée par l’étude de l’inventaire après décès du collectionneur qui fut dressé dans son hôtel parisien à partir du 22 germinal de l’an IV de la République (11 avril 1796).

En effet, à la suite de l’inventaire dit « classique » de l’hôtel, décrivant notamment les meubles et les sièges courants, un inventaire particulier fut réalisé afin de décrire les pièces d’exception les plus luxueuses et les plus précieuses :

« Suit l’inventorié des tableaux meubles précieux figures et vases de marbre tables colonnes de porphyre et granit vases et autres objets de porcelaine tabatières bagues et bijoux précieux objets curieux en agathe lapis et autres matières estampes en recueil et en feuilles et autres objets d’arts et de curiosité de tous genres. Lesquels seront prisés et estimés par lesdits citoyens Baudouin et Boileau de l’avis desdits citoyens Alexandre Joseph Paillet peintre demeurant à Clichy la garenne près Paris et André Coquille négociant demeurant à Paris rue et section de la butte des moulins Lesquels été présents pour donner leur avis en leur âme et conscience ».

« Dans le Sallon du milieu éclairé sur la Terrasse » étaient décrits :

« Item deux vases de granit verdatres des vosges portant girandoles à trois lumières de genre arabesque et tiges d’anana en cuivre doré d’or moulu prisés ensemble deux cent quarante livres 240 ». Mention qui correspond à la paire de vases que nous proposons.

Plus loin dans l’inventaire « Dans l’apartement occupé par la citoyenne veuve Grimod au Rez de chaussée à main gauche du grand corps de logis » :

Etaient décrits « Dans un Salon de compagnie éclairé sur le jardin formant la première pièce dudit appartement » :

« Item une grille de feu en deux parties de fer poli ornée sur le devant de deux lions sur petits socles le tout en cuivre ciselé et doré pelle pincette et tenailles de fer à boutons de cuivre une paire de girandolles composée de forts vases en granit gris des vosges ajustés de trois branchages d’arabesque portant trois bobèches et une quatrième sur un ananas le tout aussi en cuivre ciselé et doré prisé ensemble trois cent soixante livres 360 ». Mention qui correspond à la seconde paire connue de ce modèle.

Alors que nous perdons la trace des vases proposés à partir de cette date, la seconde paire, en granit gris, a un historique mieux documenté. Un peu plus d’an après l’inventaire après décès fut organisé à Paris une vente aux enchères des anciennes collections du fermier général ; sous le numéro 142 était décrite : « Une paire de girandoles de cheminée, à trois branches de genre arabesque, avec tiges et feuilles d’ananas dans le haut ; le tout en cuivre ciselé et doré au mat : elles sont ajustées dans des vases de granit gris des Vosges, formes d’œufs tronqués, à collets et piédouches. Hauteur 30 pouces » ; description qui correspond aux candélabres exposés dans l’appartement de la veuve du collectionneur. Une vingtaine d’années plus tard, le 27 avril 1818, ces candélabres furent à nouveau proposés aux enchères lors d’une vente organisée par le marchand parisien Nicolas Lerouge : « 94. Deux vases en granit gris des Vosges, portant des girandoles à trois branches, et couronnés par un ananas, très riches de ciselure et parfaitement dorés ». Enfin, récemment, ils furent à nouveau proposer sur le Marché de l’Art parisien lors de la dispersion de cinq chefs-d’œuvre appartenant à la collection Qizilbash (Christie’s, Paris, le 19 décembre 2007, lot 804).

Pierre Gouthière (1732 - 1813)

Pierre Gouthière est certainement le plus talentueux ciseleur parisien de son temps. Patronné par le duc d’Aumont, l’un des plus grands collectionneurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle, Gouthière obtient en 1767 son brevet de « doreur ordinaire des Menus Plaisirs du Roi », administration royale qui gérait notamment les commandes privées passées par le souverain aux artistes et aux artisans. Cette nomination lui permet d’acquérir une extraordinaire notoriété et de se composer la plus belle clientèle de l’époque uniquement composée d’amateurs d’objets rares et précieux, parmi laquelle figuraient, outre la famille royale et le duc d’Aumont, de grands aristocrates tels que le marquis de Marigny, frère de la marquise de Pompadour, la princesse Kinsky, la comtesse Du Barry, maîtresse du Roi, la duchesse de Mazarin, le duc de Duras, la duchesse de Villeroy…ainsi que de grands financiers, particulièrement Baudard de Saint-James, richissime trésorier général de la marine, et le puissant banquier Thélusson.



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