Importante pendule de cheminée en marbre vert de mer et en bronze très finement ciselé, patiné « à l’antique » et doré à l’or mat ou à l’or bruni
« Les Caryatides Assises »
Cadran signé « Manière à Paris » par l’horloger Charles-Guillaume Hautemanière
Dessin attribué au sculpteur du roi Louis-Simon Boizot
Caisse attribuée au bronzier François Rémond
Réalisée sous la supervision de la Maison Daguerre & Lignereux
Paris, fin de l’époque Louis XVI, vers 1790
Bibliographie :
– Christian Baulez, « Les bronziers Gouthière, Thomire et Rémond », dans Louis-Simon Boizot (1743-1809), Sculpteur du roi et directeur de l’atelier de sculpture à la Manufacture de Sèvres, Musée Lambinet, Versailles, 2001-2002.
Le cadran émaillé, signé « Manière à Paris », indique les heures en chiffres romains et les minutes par tranches de quinze en chiffres arabes par deux aiguilles en cuivre repercé et doré. Le mouvement, à sonnerie des heures et des demi-heures, s’inscrit dans une caisse architecturée à corniche cintrée soulignée de frises stylisées ; l’amortissement est orné d’un putti figuré assis sur des nuées levant son index devant sa bouche et représentant l’allégorie du silence ; la face et les côtés sont ornés de réserves à cartouches agrémentés de foudres et de faisceaux finement ciselés et travaillés en relief. L’ensemble est supporté par une draperie dorée à franges, elle-même reposant sur deux superbes figures féminines en bronze patiné vêtues « à l’antique » ; elles sont assises sur une terrasse, décorée d’un panneau à frise d’amours musiciens dans des nuées et ceinturée d’une frise feuillagée, elle-même supportée par une base quadrangulaire en marbre vert de mer à frise alternée de palmettes stylisées et fleurons dans des entrelacs de crosses. Enfin, l’ensemble repose sur quatre pieds en bronze doré agrémentés de bagues cordelées.
Cette pendule est le résultat d’une collaboration exceptionnelle dans les arts décoratifs parisiens de la fin du XVIIIe siècle. En effet, le modèle dérive d’un type de pendules à femmes debout et chapiteau, dit « le grand fronton », créé au début des années 1790 par le ciseleur-doreur François Rémond (vers1747-1812) à la demande des marchands-merciers associés Dominique Daguerre et Martin-Eloi Lignereux. Le succès fut tel, qu’ils décidèrent quelques années plus tard de décliner le modèle en demandant, probablement au sculpteur du roi Louis-Simon Boizot, de décliner les figures féminines, cette fois-ci en les représentant assises.
Cette nouvelle version est une véritable réussite esthétique et artistique, la composition est parfaitement équilibrée et la qualité du travail des matériaux, bronze, marbre, émail…est exceptionnelle. Toutefois, soulignons que la période ne se prêtait guère à l’achat de pièces si extraordinaires. Ainsi, bien que nous ignorons le nombre d’exemplaires qui fut réalisé, de nos jours, parmi les rares modèles identiques connus, citons particulièrement un premier exemplaire de dessin identique, mais dont la base est en marbre blanc de Carrare, qui se trouvait anciennement dans la collection du comte Henri de Beaumont (1923-2005), dans le salon de sa résidence romaine (Archives Galerie La Pendulerie, Paris) ; ainsi qu’un second reposant sur une base en marbre rouge griotte qui a fait partie de la collection de Nancy et Frank Richardson à New York (reproduite dans E. Evans Eerdmans, Henri Samuel, Master of the French Interior, Editions Rizzoli, New York, 2018, p.178).
François Rémond (vers 1747 - 1812)
À l’instar de Pierre Gouthière, François Rémond est l’un des plus importants artisans ciseleurs-doreurs parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Il débute son apprentissage en 1763 et obtient ses lettres de maîtrise en 1774. Immédiatement son talent lui permet de se composer une riche clientèle parmi laquelle figuraient notamment certaines personnalités de la Cour. Mais surtout François Rémond, par l’intermédiaire du marchand-mercier Dominique Daguerre, participe à l’ameublement de la plupart des grands collectionneurs de la fin du XVIIIe siècle en fournissant des caisses de pendules, des chenets, des candélabres…toujours d’une très grande qualité d’exécution et aux compositions particulièrement raffinées et novatrices qui firent sa notoriété.
Charles-Guillaume Hautemanière (? - 1834)
Charles-Guillaume Hautemanière, dit Manière (mort à Paris en 1834) est l’un des plus importants horlogers parisiens de la fin du XVIIIe siècle et des premières décennies du siècle suivant. Après son accession à la maîtrise, le 1er mai 1778, il installe son atelier rue du Four-Saint-Honoré et rencontre immédiatement un immense succès auprès des amateurs de belle horlogerie. Tout au long de sa carrière, Manière collabore avec les meilleurs bronziers et ciseleurs-doreurs parisiens pour la réalisation des caisses de ses pendules, particulièrement avec Pierre-Philippe Thomire, François Rémond, Edmé Roy et Claude Galle. Par l’intermédiaire, des marchands-merciers Dominique Daguerre et Martin-Eloi Lignereux, il réalise des pendules destinées aux plus grands collectionneurs de l’époque, notamment au prince de Salm, au banquier Perregaux et au financier Micault de Courbeton, tous trois grands amateurs de pièces d’horlogerie rares. De nos jours, certaines de ses pendules appartiennent aux plus importantes collections privées et publiques internationales, citons notamment celles qui sont exposées au Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, au Musée national du château de Fontainebleau, au Palais du Quirinale à Rome, au Musée Nissim de Camondo à Paris et au Musée national du château de Versailles et des Trianons.
Louis-Simon Boizot (1743 - 1809)
Le fils d’Antoine Boizot, qui travailla à la Manufacture de Tapisseries des Gobelins , Boizot est formé dans l’atelier du sculpteur René-Michel Slodtz (1705–1764), qui forma également Houdon. Boizot épouse Marguerite Virginie Guibert, la fille du sculpteur Honoré Guibert. En 1778 il est admis à l’Académie royale de peinture et de sculpture and expose aux salons annuels jusqu’en 1800. Ses bustes de Louis XVI et de Joseph II, créées en 1777, sont produits en porcelaine à Sèvres.
De 1773 à 1800 Boizot dirige l’atelier de sculpture de la Manufacture de Sèvres, produisant une série de figures en biscuit de porcelaine, au fini mat ressemblant au marbre.
Boizot crée également des modèles en terre cuite pour des boîtes de pendules en bronze doré, comme celle de la pendule allégorique dite « d’Avignon », faite en 1777 par le bronzier Pierre Gouthière et aujourd’hui dans la Wallace Collection de Londres.
Dominique Daguerre est le plus important marchand-mercier, comprenez marchand d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle. Ses débuts de carrière restent relativement méconnus et l’on peut considérer qu’il démarre véritablement son activité à partir de 1772, année de son association avec Philippe-Simon Poirier (1720-1785), autre marchand-mercier célèbre et inventeur des pièces d’ébénisterie agrémentées de plaques de porcelaine de la Manufacture royale de Sèvres. Lorsque Poirier se retire des affaires, vers 1777-1778, Daguerre prend la direction du magasin rue du Faubourg Saint-Honoré et garde la raison sociale « La Couronne d’Or ». Conservant la clientèle de son prédécesseur, il développe considérablement l’activité en quelques années et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque en faisant travailler les meilleurs ébénistes du temps, particulièrement Adam Weisweiler, Martin Carlin et Claude-Charles Saunier, le menuisier du Garde-Meuble de la Couronne, Georges Jacob, les bronziers ou ciseleurs-doreurs Pierre-Philippe Thomire et François Rémond et les horlogers Renacle-Nicolas Sotiau et Robert Robin. Ayant porté le luxe « à la française » à son summum, Daguerre, visionnaire et homme d’affaires hors du commun, s’installe en Angleterre vers le début des années 1780 et s’associe avec Martin-Eloi Lignereux, qui reste en charge du magasin parisien. A Londres, patronné par le prince Régent, futur roi George IV, Daguerre participe activement à l’aménagement et à la décoration de Carlton House et du Pavillon de Brighton, en faisant fonctionner à merveille son réseau d’artisans parisiens important de Paris la plupart des meubles, sièges, cheminées, bronzes d’ameublement et objets d’art et facturant, uniquement pour l’année 1787, plus de 14500£ de fournitures. Impressionnés par le talent du marchand, quelques grands aristocrates anglais font également appel à ses services, particulièrement le Comte Spencer pour Althorp où Daguerre collabore avec l’architecte Henry Holland (1745-1806). A Paris, il continue, par l’intermédiaire de son associé Lignereux, à travailler pour les grands amateurs et livre de superbes pièces d’ébénisterie au Garde-Meuble de la Couronne. Probablement très affecté par les troubles révolutionnaires et la disparition de nombreux de ses clients les plus importants, il se retire définitivement des affaires en 1793.
Martin-Éloi Lignereux (1751 - 1809)
Martin-Eloi Lignereux est l’un des plus importants marchand-merciers, comprenez marchands d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle et des premières années du siècle suivant. Le 1er avril 1787, il s’associe avec Dominique Daguerre, devenant le représentant parisien de la Maison Daguerre & Lignereux installée au 85, rue Saint-Honoré. En 1793, après le retrait des affaires de Daguerre, il continue brillamment l’activité de l’entreprise, conserve la clientèle de son prédécesseur et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque. En 1801, il obtient une médaille d’or à l’Exposition des Produits de l’Industrie, l’on remarquait alors que « les meubles du Citoyen Lignereux ont paru remarquables par l’élégance et la richesse, par l’accord de toutes les parties, par le choix de formes appropriées à la destination de chaque chose, enfin par l’exactitude et le fini du travail intérieur et extérieur ». Quelques années auparavant, sa fille, Adélaïde-Anne, avait épousé François-Honoré-Georges Jacob, dit Jacob-Desmalter, célèbre menuisier-ébéniste de la capitale. En 1804, Lignereux se retire des affaires et vend son fonds de commerce au bronzier Pierre-Philippe Thomire. Au cours de son activité, Lignereux travaille pour les plus grands collectionneurs du temps parmi lesquels figuraient notamment le duc d’Aumont-Valentinois, la reine Marie-Antoinette, le comte d’Artois, frère de Louis XVI, le baron de Breteuil, le prince de Galles, futur roi George IV d’Angleterre, le Tsar Paul Ier de Russie et l’Empereur Napoléon.