Exceptionnelle et monumentale coupe sur pied ou Tazza en malachite et bronze ciselé et doré

Attribuée aux ateliers lapidaires impériaux d’Ekaterinbourg
Russie, premier tiers du XIXe siècle, vers 1815
Cette coupe de forme circulaire est réalisée avec de superbes morceaux de malachite de différentes nuances vertes assemblés les uns aux autres avec une grande habileté et dont le lissé sans aucun défaut donne l’illusion parfaite que ses différentes parties sont taillées directement dans le bloc. Elle présente une lèvre débordante travaillée en arrondi et une panse curviligne ponctuée d’un double filet qui rythme la composition avec élégance. L’ensemble est supporté sur un pied largement évasé qui repose sur une plinthe quadrangulaire. Son décor de bronze est d’une exceptionnelle qualité de ciselure et de dorure : une frise alternée de feuilles d’eau et de feuilles d’acanthe ceinture la partie basse du piédouche, tandis que la partie supérieure est sommée d’un chapiteau à tigettes et feuilles stylisées bordé de frises d’oves et d’enfilage de perles.
Cette coupe est une manifestation spectaculaire du génie des maîtres lapidaires russes des premières décennies du XIXe siècle. Son matériau, la malachite, illustre le savoir-faire de ces artisans d’exception qui surent tirer partie de l’exceptionnelle richesse des sous-sols russes en matière de marbres et de pierres semi-précieuses. L’exploitation de la malachite débuta dès la fin du XVIIe siècle, mais c’est véritablement au début du XIXe siècle que certains producteurs, particulièrement les Demidoff, exploitèrent largement les filons. A l’instar du lapis-lazuli et de certains jaspes, les nombreuses inclusions dans la pierre de malachite rendaient le travail de taille quasi impossible ; les artisans russes durent s’adapter et décidèrent de découper les blocs de malachite en fines lamelles sélectionnées pour leur coloris et de les utiliser en mosaïques à la manière des anciens artisans florentins. Cette technique nécessitait un support lisse, ou âme, réalisé en fer ou en cuivre qui était revêtu d’un mastic chaud et sur lequel étaient collées les lamelles de malachite sciées à volonté et assemblées avec minutie. La dernière étape consistait à polir la surface pour donner l’illusion d’un bloc unique. Rapidement, la malachite devint le matériau favori des souverains et des tsars qui commandèrent de nombreux objets décoratifs, notamment pour le salon des malachites du Palais d’Hiver de Moscou et pour le Palais de l’Ermitage.
La tazza que nous proposons fut réalisée dans ce contexte particulier. Son décor de bronze doré illustre la virtuosité des bronziers russes qui s’inspiraient directement des modèles parisiens de l’époque et des nombreux bronzes d’ameublement français conservés en Russie. Sa composition peut être rapprochée de quelques rares coupes en malachite connues réalisées dans le même esprit, citons notamment deux coupes plus tardives réalisées vers 1840 : la première se trouvait anciennement dans la collection du marquis de Bath à Longleat (voir Country Life, 29 avril 1949, p. 992, fig.7) ; tandis que la seconde fut offerte par l’empereur Nicolas Ier à l’infante Louis d’Espagne (illustrée dans le catalogue de l’exposition Trésors des Tzars, 1998, fig. 297). Enfin, relevons particulièrement qu’une coupe identique à celle présentée est conservée au Palais du Grand Trianon dans les jardins du château de Versailles ; elle fut achetée par la Couronne en mai 1828 au maréchal duc de Raguse qui revenait de son séjour diplomatique en Russie (illustrée dans D. Ledoux-Lebard, Le Grand Trianon, Meubles et objets d’art, RMN, Paris, 1975, p.107 et 112).