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Rémond  -  Daguerre

Importante pendule de cheminée, dite « L’Étude », en bronze très finement ciselé, argenté, patiné « à l’antique » ou doré à l’or mat et marbre blanc dit « de Carrare »

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La caisse attribuée au bronzier François Rémond

Les figures d’après les modèles du sculpteur Louis-Simon Boizot

Certainement réalisée sous la supervision de Dominique Daguerre

Paris, époque Louis XVI, vers 1785

Hauteur56 Largeur60 Profondeur20

Le cadran annulaire émaillé blanc indique les heures, les minutes par tranches de quinze et les quantièmes du mois en chiffres arabes par trois aiguilles, dont deux en cuivre repercé et doré ; il marque également les secondes par une trotteuse centrale en acier-poli-bleui. Le mouvement apparent, de type « squelette », s’inscrit dans une caisse entièrement réalisée en bronze très finement ciselé, argenté, patiné « à l’antique » ou doré à l’or mat et marbre blanc de Carrare. L’amortissement cintré, souligné de deux cornes d’abondance, est orné d’un groupe allégorique représentant l’enlèvement de Ganymède par Zeus métamorphosé en aigle ; le mouvement est supporté par un tronçon de colonne à cannelures foncées d’asperges et base à tore de feuilles de laurier flanqué de deux consoles à têtes de bélier émergeant de rinceaux d’acanthes. De part et d’autre, sont deux figures assises sur des terrasses rectangulaires représentant un jeune homme écrivant sur une tablette à l’aide d’un stylet et, en opposition, une jeune femme lisant un ouvrage ouvert sur ses genoux. L’ensemble repose sur une superbe base architecturée de forme quadrangulaire à ressauts richement agrémentée de motifs en applique à décor de mascarons retenant des guirlandes fleuries et feuillagées enrubannées, rosaces, frises de torsades, de perles ou de feuilles d’eau…en façade, une niche reçoit une urne couverte « en navette », à décor de godrons et prises en têtes d’animaux fantastiques, soulignée de serpents argentés aux queues entrelacées. Enfin, six pieds à frises moletées supportent l’ensemble de l’horloge.

Souvent appelé à tort « Les Arts et les Lettres », « L’Etude et la Philosophie », « aux Maréchaux » ou « Les Liseuses », ce modèle de pendule apparaît uniquement sous le nom de « L’Etude » dans la correspondance commerciale entre le ciseleur-doreur François Rémond et le marchand-mercier Dominique Daguerre, le plus important marchand d’objets de luxe du règne de Louis XVI ; le dessin préparatoire de l’horloge, annoté de la main de Rémond, fut proposé aux enchères à Paris en février 1981 (reproduit dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Band I, Munich, 1986, p.295, fig.4.17.5). Réalisée à partir de 1784, la composition déclinait directement deux figures créées en 1776 par le sculpteur Louis-Simon Boizot (1743-1809) pour la Manufacture royale de Sèvres représentant une jeune fille lisant et un jeune homme écrivant sous les noms de « l’étude » et « la philosophie » ; voir un biscuit de Sèvres de ce modèle qui est conservé dans la collection Jones au Victoria & Albert Museum à Londres (illustré dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, op.cit., Band I, Munich, 1986, p.294, fig.4.17.2). Ces figures furent exploitées par Daguerre qui chargea Rémond de les adosser à une borne supportant un mouvement d’horlogerie sommé d’un aigle, créant ainsi l’une des pendules néoclassiques les plus abouties des arts décoratifs parisiens de la fin du règne de Louis XVI qui rencontra immédiatement un immense succès auprès des grands amateurs de l’époque.

De nos jours, parmi les pendules de ce modèle répertoriées, avec de nombreuses variantes dans le traitement de la composition générale, qui sont conservées dans de grandes collections publiques et privées internationales, citons notamment : un premier exemplaire, le cadran signé « Dubuc jeune », qui est exposé au Palais du Quirinal à Rome (paru dans A. Gonzales-Palacios, Il patrimonio artistico del Quirinale, Gli Arredi francesi, Milan, 1996, p.308, n°89) ; un deuxième est conservé dans le Salon des Aides de camp du Palais de l’Elysée (voir M. et Y. Gay, « Du Pont d’Iéna à l’Elysée », dans Bulletin de l’association nationale des collectionneurs et amateurs d’horlogerie ancienne (ANCAHA), été 1993, n°67, p.12) ; un troisième, le cadran de « Mercier à Paris », appartient aux collections de la Banque de France à Paris (illustré dans M. et Y. Gay, « L’ANCAHA à la Banque de France », dans Bulletin ANCAHA, été 1995, n°73, p.76) ; et un quatrième, provenant probablement des anciennes collections du roi Louis XVI, qui est reproduite dans C. Baulez, « Les bronziers Gouthière, Thomire et Rémond », dans le catalogue d’exposition Louis-Simon Boizot 1743-1809, Sculpteur du roi et directeur de l’atelier de sculpture à la Manufacture de Sèvres, Paris, 2001, p.287, fig.9. Enfin, relevons particulièrement que trois pendules de ce type appartiennent aux collections royales espagnoles (voir J. Ramon Colon de Carvajal, Catalogo de relojes del Patrimonio nacional, Madrid, 1987, p.62, 64 et 92), tandis que trois autres exemplaires figurent dans les collections royales anglaises (parus dans C. Jagger, Royal Clocks, The British Monarchy and its Timekeepers 1300-1900, Londres, 1983, p.211-212).

François Rémond (vers 1747 - 1812)

À l’instar de Pierre Gouthière, François Rémond est l’un des plus importants artisans ciseleurs-doreurs parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Il débute son apprentissage en 1763 et obtient ses lettres de maîtrise en 1774. Immédiatement son talent lui permet de se composer une riche clientèle parmi laquelle figuraient notamment certaines personnalités de la Cour. Mais surtout François Rémond, par l’intermédiaire du marchand-mercier Dominique Daguerre, participe à l’ameublement de la plupart des grands collectionneurs de la fin du XVIIIe siècle en fournissant des caisses de pendules, des chenets, des candélabres…toujours d’une très grande qualité d’exécution et aux compositions particulièrement raffinées et novatrices qui firent sa notoriété.



Dominique Daguerre

Dominique Daguerre est le plus important marchand-mercier, comprenez marchand d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle. Ses débuts de carrière restent relativement méconnus et l’on peut considérer qu’il démarre véritablement son activité à partir de 1772, année de son association avec Philippe-Simon Poirier (1720-1785), autre marchand-mercier célèbre et inventeur des pièces d’ébénisterie agrémentées de plaques de porcelaine de la Manufacture royale de Sèvres. Lorsque Poirier se retire des affaires, vers 1777-1778, Daguerre prend la direction du magasin rue du Faubourg Saint-Honoré et garde la raison sociale « La Couronne d’Or ». Conservant la clientèle de son prédécesseur, il développe considérablement l’activité en quelques années et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque en faisant travailler les meilleurs ébénistes du temps, particulièrement Adam Weisweiler, Martin Carlin et Claude-Charles Saunier, le menuisier du Garde-Meuble de la Couronne, Georges Jacob, les bronziers ou ciseleurs-doreurs Pierre-Philippe Thomire et François Rémond et les horlogers Renacle-Nicolas Sotiau et Robert Robin. Ayant porté le luxe « à la française » à son summum, Daguerre, visionnaire et homme d’affaires hors du commun, s’installe en Angleterre vers le début des années 1780 et s’associe avec Martin-Eloi Lignereux, qui reste en charge du magasin parisien. A Londres, patronné par le prince Régent, futur roi George IV, Daguerre participe activement à l’aménagement et à la décoration de Carlton House et du Pavillon de Brighton, en faisant fonctionner à merveille son réseau d’artisans parisiens important de Paris la plupart des meubles, sièges, cheminées, bronzes d’ameublement et objets d’art et facturant, uniquement pour l’année 1787, plus de 14500£ de fournitures. Impressionnés par le talent du marchand, quelques grands aristocrates anglais font également appel à ses services, particulièrement le Comte Spencer pour Althorp où Daguerre collabore avec l’architecte Henry Holland (1745-1806). A Paris, il continue, par l’intermédiaire de son associé Lignereux, à travailler pour les grands amateurs et livre de superbes pièces d’ébénisterie au Garde-Meuble de la Couronne. Probablement très affecté par les troubles révolutionnaires et la disparition de nombreux de ses clients les plus importants, il se retire définitivement des affaires en 1793.