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Bausse  -  Coteau

Rare pendule dite « pyramide » en bronze ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni, marbre blanc statuaire, verre coloré bleu et panneaux en fixés-sous-verre

Pendule288-05_HD_WEB

Le cadran émaillé par Joseph Coteau

Paris, fin de l’époque Louis XVI, vers 1790

Hauteur56 Largeur23.5 Profondeur18.5

Le cadran circulaire émaillé blanc, signé « Ls Bausse/Cour-Mandar n°7 », indique les heures et les minutes par tranches de quinze en chiffres arabes et est souligné d’une frise alternée de perles et olives ; il est renfermé dans une caisse circulaire à balancier oscillant à enfilage de perles et s’inscrit au centre d’un portique flanqué de quatre colonnes en bronze ciselé et doré à cannelures torses réunies entre-elles par des perles en enfilages rattachées à des anneaux et retenant des olives en pendentifs. Les colonnes supportent un entablement agrémenté de vases à anses sommés de bouquets fleuris et centré d’une superbe pyramide en verre bleu en forme d’obélisque dont les quatre faces sont soulignées d’enfilages de perles et ornées de médaillons peints sous verre représentant des perspectives paysagées ou une scène à l’allégorie du Temps ; la partie haute de la pyramide est rythmée de chaînettes et se termine par une sphère armillaire. L’ensemble repose sur une terrasse, à balustres latéraux sommés de vases fleuris et dont la partie centrale est foncée d’un miroir, elle-même supportée par une base en marbre blanc de Carrare ornée en façade d’un panneau peint sous verre représentant Diane dans son char tiré par deux biches tandis que sommeille, de l’autre côté de la composition, le jeune berger Actéon. Enfin, quatre pieds toupies à frises moletées supportent l’horloge.

Le XVIIIe siècle français est probablement la période des arts décoratifs européens au cours de laquelle les artisans firent preuve de la plus grande imagination. En effet, l’on assiste à un exceptionnel renouvellement des formes et des motifs et à l’invention de nouveaux modèles jusqu’alors absents du répertoire esthétique ou quasiment jamais utilisés. Dans le domaine de la création horlogère, particulièrement dans la seconde moitié du siècle, éléments d’architecture, femmes drapées « à l’antique », figures mythologiques, vases de tous types, animaux…servent de supports ou d’éléments ornementaux aux caisses contenant les mouvements élaborés par les meilleurs maîtres horlogers parisiens du temps.

Le modèle des pendules de type « pyramide » ou « obélisque » fut créé à cette époque, il en existe une grande variété de composition plus ou moins élaborée, notamment un exemplaire en marbre et bronze doré, certainement très populaire considérant le nombre important de pendules conservées, sommé d’une sphère armillaire (voir deux pendules de ce type illustrées dans P. Kjellberg, Encyclopédie de la pendule française du Moyen Age au XXe siècle, Paris, 1997, p.219) ; d’autres offrent une composition monumentale, tel un exemplaire conservé à la Wallace Collection à Londres (illustré dans P. Hughes, The Wallace Collection, Catalogue of Furniture, I, Londres, 1996, p.488) ; enfin, l’exemplaire présenté, le cadran signé « Ls Bausse », qui figure parmi les pièces les plus originales et les plus luxueuses.

En effet, il est réalisé avec des matériaux précieux ou rarement employés dans l’élaboration des pendules à cette époque : du verre coloré bleu et des panneaux en fixés-sous-verre. A notre connaissance seules deux autres pendules identiques sont connues, avec certaines variantes dans les motifs : la première, dont le cadran est attribué à Joseph Coteau, est illustrée dans Tardy, La pendule française, 2ème partie : du Louis XVI à nos jours, Paris, 1975, p.264 ; la seconde, le cadran également rattaché à l’œuvre de Coteau et portant la signature de l’horloger « Bausse », appartient aux collections du Musée national du Château de Versailles (Inv. V5188).

Louis Bausse

Cet artisan parisien, absent des ouvrages spécialisés, semble avoir été reçu maître horloger au moment des troubles révolutionnaires. La localisation de son atelier au n° 7 de la Cour Mandar, voie créée en 1790, semble confirmer cette hypothèse. Il est probablement l’auteur d’une pendule de type « à l’Amérique », reprenant un modèle déposé par Jean-Simon Deverberie le 3 pluviose an VII, qui se trouvait anciennement sur le marché de l’art. Enfin, signalons qu’un horloger nommé Bausse, mais prénommé Pierre-Guillaume, signa le mouvement d’une pendule figurant Télémaque conduisant son char sous la protection d’Athéna (voir P. Kjellberg, Encyclopédie de la pendule française, Paris, 1997, p. 417) ; peut-être le fils de notre horloger qui reprit la direction de l’atelier paternel sous l’Empire.



Joseph Coteau (1740 - 1801)

Joseph Coteau est le plus célèbre émailleur de son temps et collabora avec la plupart des grands horlogers parisiens de l’époque. Il était né à Genève, ville dans laquelle il devint maître peintre-émailleur de l’Académie de Saint Luc en 1766 ; puis il vint s’installer à Paris quelques années plus tard. A partir de 1772, jusqu’à la fin de sa vie, il est installé rue Poupée. Coteau laissa notamment son nom à une technique précieuse d’émaux en relief qu’il mit au point avec Parpette destinée au décor de certaines pièces de porcelaine de Sèvres et qu’il utilisa par la suite pour le décor des cadrans des pendules les plus précieuses ; décorés de ce décor si caractéristique, mentionnons notamment : une écuelle couverte et son plateau qui appartiennent aux collections du Musée national de la Céramique à Sèvres (Inv. SCC2011-4-2) ; ainsi qu’une paire de vases dits « cannelés à guirlandes » conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans le catalogue de l’exposition Un défi au goût, 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740-1793), Musée du Louvre, Paris, 1997, p.108, catalogue n°61) ; et une aiguière et sa cuvette dites « de la toilette de la comtesse du Nord » exposées au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (reproduites dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres, Des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.207, fig.250). Enfin, soulignons, qu’une pendule lyre de l’horloger Courieult en porcelaine bleue de Sèvres, le cadran signé « Coteau » et daté « 1785 », est conservée au Musée national du château de Versailles ; elle semble correspondre à l’exemplaire inventorié en 1787 dans les appartements de Louis XVI au château de Versailles (illustrée dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’Association nationale des collectionneurs et amateurs d’Horlogerie ancienne, automne 1993, n°68, p.32C).