Exceptionnelle commode « à l’anglaise » en placage d’acajou et de loupe d’if et ornementation de bronze très finement ciselé et doré à l’or mat

Attribuée à Adam Weisweiler « ébéniste parisien reçu maître le 26 mars 1778 »
Probablement réalisée sous la supervision de Martin-Eloi Lignereux
Les bronzes attribués à la Maison Thomire-Duterme
Paris, époque Empire, vers 1805-1810.
PROVENANCE : Collection de Monsieur Hubert de Givenchy (1927-2018).
BIBLIOGRAPHIE :
– Christophe Huchet de Quénetain, Les styles Consulat et Empire, Paris, 2005, p. 127, fig.95 (illustrée).
– Empire, Mise en scène par Monsieur Hubert de Givenchy, Christie’s Paris8-25 septembre 2014, p. 25-29, catalogue n°3 (illustration).
– Patricia Lemonnier, Weisweiler, Éditions Monelle Hayot, Paris, 1983.
– Jean-Pierre Samoyault, Mobilier français Consulat et Empire, Paris, 2009.
EXPOSITION : Empire, Mise en scène par Monsieur Hubert de Givenchy, Christie’s Paris, 8-25 septembre 2014, catalogue n°3.
Entièrement réalisée en placage d’acajou et de loupe d’if, cette commode présente une composition volontairement épurée destinée à faire ressortir le décor de bronze sur les feuilles de bois minutieusement sélectionnées par l’ébéniste. De forme rectangulaire, elle présente un plateau ceinturé d’une baguette en saillie surmontant un large tiroir en ceinture, lui-même surmontant deux larges vantaux découvrant un intérieur compartimenté à trois tiroirs « à l’anglaise » et flanqué de deux montants en pilastres ; l’ensemble repose sur une base pleine en plinthe et est surmonté d’un plateau de marbre blanc veiné gris. Le meuble est très richement orné de motifs en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat à décor de culots de feuilles de lotus stylisées encadrant un médaillon centré d’une rosace, montants à bases et chapiteaux feuillagés rythmés de masques de Bacchus flanqués d’entrelacs à pampres de vigne et figures féminines ailées représentant des Renommées debout sur des disques soufflant dans des trompes et tenant des palmes.
Cette importante commode à vantaux s’inscrit dans un corpus restreint de meubles de très grande qualité livrés sous l’Empire par des artisans parisiens tels que Jacob Desmalter, Charles-Joseph Lemarchand et la Maison Thomire-Duterme. C’est de toute évidence à cette dernière qu’il faut rattacher la réalisation de la commode que nous proposons en collaboration avec l’ébéniste Adam Weisweiler et sous la supervision du marchand-mercier Martin-Eloi Lignereux.
L’association Weisweiler avait débutée sous l’Ancien-Régime du temps où Dominique Daguerre, futur associé de Lignereux, livrait des meubles à la plupart des grands collectionneurs parisiens de l’époque. Dans les premières années du XIXe siècle, Weisweiler, toujours très actif, continue à travailler pour la Maison Lignereux, ancienne Maison Daguerre & Lignereux, et collabore souvent pour les bronzes avec la Maison Thomire-Duterme comme en atteste l’inventaire après décès de la femme de l’ébéniste dans lequel sont mentionnées d’importantes sommes dues par les bronziers à l’artisan. Pour des meubles réalisés dans le même esprit et offrant parfois des bronzes identiques, citons particulièrement : une commode à trois vantaux en placage de loupe de thuya qui est conservée au Palazzo Reale à Naples et qui présente, sur ses pilastres, des bronzes identiques à ceux de la commode proposée (voir P. Lemonnier, op.cit., p. 52-53, figs. 174-175) ; ainsi qu’un secrétaire en placage de racine d’if livré en 1809 par Thomire-Duterme pour la salle de bains de l’Impératrice Joséphine au château de Fontainebleau et qui offre des panneaux latéraux ornés de Renommées identiques à celles qui apparaissent sur la commode que nous proposons (illustré dans J-P. Samoyault, op.cit., p. 194-207).
Adam Weisweiler (1744 - 1820)
Adam Weisweiler est un ébéniste reçu maître à Paris le 26 mars 1778. Installé dans le quartier du Faubourg Saint-Antoine, il acquiert rapidement une grande notoriété et devient l’un des ébénistes les plus importants de la fin du règne de Louis XVI. Il travaille pour les plus importants amateurs du temps par l’intermédiaire des marchands Dominique Daguerre et Martin-Eloi Lignereux. Pendant la période des troubles révolutionnaires, il ne semble pas être trop affecté par les évènements et achète plusieurs immeubles. Son activité perdure sous l’Empire, période au cours de laquelle il travaille notamment pour la reine Hortense.
Pierre-Philippe Thomire (1751 - 1843)
Pierre-Philippe Thomire est le plus important bronzier parisien du dernier quart du XVIIIe siècle et des premières décennies du siècle suivant. À ses débuts, il travaille pour Pierre Gouthière, ciseleur-fondeur du roi, puis collabore dès le milieu des années 1770 avec Louis Prieur. Il devient ensuite l’un des bronziers attitrés de la manufacture royale de Sèvres, travaillant au décor de bronze de la plupart des grandes créations du temps. Après la Révolution, il rachète le fonds de commerce de Martin-Eloi Lignereux et devient le plus grand pourvoyeur de bronzes d’ameublement pour les châteaux et palais impériaux. Parallèlement, il travaille pour une riche clientèle privée française et étrangère parmi laquelle figure notamment quelques maréchaux de Napoléon. Enfin, il se retire des affaires en 1823.
Martin-Éloi Lignereux (1751 - 1809)
Martin-Eloi Lignereux est l’un des plus importants marchand-merciers, comprenez marchands d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle et des premières années du siècle suivant. Le 1er avril 1787, il s’associe avec Dominique Daguerre, devenant le représentant parisien de la Maison Daguerre & Lignereux installée au 85, rue Saint-Honoré. En 1793, après le retrait des affaires de Daguerre, il continue brillamment l’activité de l’entreprise, conserve la clientèle de son prédécesseur et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque. En 1801, il obtient une médaille d’or à l’Exposition des Produits de l’Industrie, l’on remarquait alors que « les meubles du Citoyen Lignereux ont paru remarquables par l’élégance et la richesse, par l’accord de toutes les parties, par le choix de formes appropriées à la destination de chaque chose, enfin par l’exactitude et le fini du travail intérieur et extérieur ». Quelques années auparavant, sa fille, Adélaïde-Anne, avait épousé François-Honoré-Georges Jacob, dit Jacob-Desmalter, célèbre menuisier-ébéniste de la capitale. En 1804, Lignereux se retire des affaires et vend son fonds de commerce au bronzier Pierre-Philippe Thomire. Au cours de son activité, Lignereux travaille pour les plus grands collectionneurs du temps parmi lesquels figuraient notamment le duc d’Aumont-Valentinois, la reine Marie-Antoinette, le comte d’Artois, frère de Louis XVI, le baron de Breteuil, le prince de Galles, futur roi George IV d’Angleterre, le Tsar Paul Ier de Russie et l’Empereur Napoléon.