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Ridel  -  Coteau

Exceptionnelle pendule squelette à complications à trois cadrans en bronze finement ciselé, moleté et doré à l’or mat ou à l’or bruni, émail et marbre blanc de Carrare

Pendule348-08_HD_WEB

Le décor émaillé par Joseph Coteau

France, époque Directoire, vers 1795

Hauteur52 Largeur29 Profondeur15

Elle présente un cadran principal annulaire émaillé blanc révélant en son centre une partie des rouages finement découpés du mécanisme et indiquant les heures, les minutes par tranches de quinze et les quantièmes du mois républicain gradués de 1 à 30 en chiffres arabes, par trois aiguilles, dont deux repercées en cuivre doré et une en acier bleui ; il marque également les jours de la semaine associés à leurs symboles astrologiques et bat les secondes par une trotteuse centrale. Un deuxième cadran annulaire émaillé blanc, disposé sous le précédent, désigne les mois de l’année avec l’indication du nombre de jours et est à riche décor de torches entrecroisées, branchages fleuris et feuillagés, fagot de blé et pampres de vigne relatifs aux quatre saisons de l’année. Un troisième et dernier cadran, disposé dans la partie haute de l’horloge, indique l’âge et les phases de la lune sur deux disques émaillés, l’un orné d’un médaillon ovalisé centré d’un autel « à l’antique ». Le mouvement est à roue de compte extérieure, à deux barillets et à suspension à couteau ; il va huit jours et sonne les heures et les demies-heures ; le balancier se termine par un superbe masque d’Apollon solaire disposé au centre de motifs rayonnants.

Ces trois cadrans s’inscrivent dans une armature peinte sur émail fond bleu à décor or, argent ou translucide de fins rinceaux de feuillages en arabesques ponctués de fleurettes en perlé ; en façade, un cartouche cintré est signé « Ridel à Paris ». La pendule est richement ornée d’un décor de bronze finement ciselé, moleté ou doré à frises perlées, torsadées ou quadrillées. Les quatre arches en console renversée reposent sur de hauts fûts tronconiques à bases moulurées. L’ensemble est supporté par une base quadrangulaire en marbre blanc de Carrare soulignée d’une fine baguette à enfilage de perles et olives alternées et agrémentée en façade d’une réserve à panneau figurant une frise de putti dans le goût de Clodion. Enfin, cinq pieds toupies à frises moletées supportent l’horloge.

C’est véritablement dans la dernière décennie du XVIIIe siècle qu’apparaissent les premiers modèles de pendules dites « squelettes », dont la particularité est de présenter une composition épurée avec un cadran principal annulaire laissant entrevoir aussi bien la beauté des mouvements et des rouages, que la complexité des mécanismes élaborés par les meilleurs horlogers européens, principalement parisiens. Cette nouvelle esthétique découlait d’une part, de l’admiration des amateurs d’horlogerie pour les exceptionnels progrès techniques effectués depuis le milieu du XVIIIe siècle, d’autre part, d’une certaine désaffection des collectionneurs pour les pendules à sujets représentant toute sorte de personnages allégoriques ou inspirés de la mythologie classique grecque et romaine. La pendule que nous proposons fut réalisée dans ce contexte particulier, sa luxueuse composition est caractéristique des meilleures réalisations françaises du milieu de la dernière décennie du XVIIIe siècle.

Parmi les rares horloges connues réalisées dans le même esprit, citons notamment : une première pendule à quatre cadrans qui appartient aux collections royales espagnoles (voir J. Ramon Colon de Carvajal, Catalogo de Relojes del Patrimonio nacional, Madrid, 1987, p.95, catalogue n°78) ; ainsi qu’une deuxième conservée dans une collection privée et reproduite dans le catalogue de l’exposition La Révolution dans la mesure du Temps, Calendrier républicain heure décimale 1793-1805, Musée international d’Horlogerie, La Chaux-de-Fonds, 1989, p.58, catalogue n°19 ; un troisième modèle, signé « Folin l’aîné à Paris », appartient aux collection du Getty Museum de Malibu (illustré dans G. Wilson et C. Hess, Summary Catalogue of European Decorative Arts in the J. Paul Getty Museum, Los Angeles, 2001, p.74, fig.145) ; une quatrième pendule de ce type, le cadran signé « Laguesse à Liège » et les émaux de Joseph Coteau datés 1796, est exposée au Palais de Pavlovsk à Saint Pétersbourg (voir E. Ducamp, Pavlovsk, Les Collections, 1993, p. 186, pl. 17) ; enfin, mentionnons particulièrement une dernière pendule de modèle quasiment identique à celle que nous proposons ; elle porte également la signature de Laurent Ridel, ses émaux de Joseph Coteau sont datés 1796 et elle indique les quantièmes républicains ; elle est conservée au Musée François Duesberg à Mons (parue dans Musée François Duesberg, Arts décoratifs 1775-1825, Bruxelles, 2004, p.103).

Laurent Ridel

Laurent Ridel, l’un des plus importants horlogers parisiens de la fin du XVIIIe siècle et des premières années du siècle suivant, signait ses œuvres de la mention « Ridel à Paris ». Bien que la date d’enregistrement de ses lettres de maîtrise nous est inconnue, nous savons qu’il installa son atelier rue aux Ours et qu’il connut immédiatement une grande notoriété auprès des amateurs parisiens d’horlogerie de luxe. A l’instar des meilleurs horlogers parisiens de son temps, Ridel fit appel aux meilleurs artisans pour réaliser les caisses de ses pendules en collaborant notamment avec les bronziers Feuchère, Denière et Deverberie, avec les émailleurs Coteau et Merlet et en faisant appel à Monginot l’aîné pour les ressorts. Il se composa rapidement une riche clientèle parmi laquelle figuraient notamment Jean-Marie Chamboissier, le bijoutier Louis-Nicolas Duchesne et Mesdames de France, filles de Louis XV, pour lesquelles Ridel livra une pendule en 1789 destinée à leur château de Bellevue.



Joseph Coteau (1740 - 1801)

Joseph Coteau est le plus célèbre émailleur de son temps et collabora avec la plupart des grands horlogers parisiens de l’époque. Il était né à Genève, ville dans laquelle il devint maître peintre-émailleur de l’Académie de Saint Luc en 1766 ; puis il vint s’installer à Paris quelques années plus tard. A partir de 1772, jusqu’à la fin de sa vie, il est installé rue Poupée. Coteau laissa notamment son nom à une technique précieuse d’émaux en relief qu’il mit au point avec Parpette destinée au décor de certaines pièces de porcelaine de Sèvres et qu’il utilisa par la suite pour le décor des cadrans des pendules les plus précieuses ; décorés de ce décor si caractéristique, mentionnons notamment : une écuelle couverte et son plateau qui appartiennent aux collections du Musée national de la Céramique à Sèvres (Inv. SCC2011-4-2) ; ainsi qu’une paire de vases dits « cannelés à guirlandes » conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans le catalogue de l’exposition Un défi au goût, 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740-1793), Musée du Louvre, Paris, 1997, p.108, catalogue n°61) ; et une aiguière et sa cuvette dites « de la toilette de la comtesse du Nord » exposées au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (reproduites dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres, Des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.207, fig.250). Enfin, soulignons, qu’une pendule lyre de l’horloger Courieult en porcelaine bleue de Sèvres, le cadran signé « Coteau » et daté « 1785 », est conservée au Musée national du château de Versailles ; elle semble correspondre à l’exemplaire inventorié en 1787 dans les appartements de Louis XVI au château de Versailles (illustrée dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’Association nationale des collectionneurs et amateurs d’Horlogerie ancienne, automne 1993, n°68, p.32C).