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Le Roy  -  Cressent
Julien II Le Roy (1686-1759)
Charles Cressent (1685-1768)

Rare et Important Régulateur de Parquet à Équation du temps et Calendrier Perpétuel

Photo2

Paris, époque Louis XV, vers 1736-40

Hauteur208,5 cm Largeur57,5 cm Profondeur23 cm

Provenance :

–  Baron et Baronne Lopez de Tarragoya, Paris. Vendu au Palais Galliera, Paris, 15 juin 1971, lot 101 ; Didier Aaron, Paris, 1999.

 

Un rare et important régulateur Louis XV en placage de satiné et de bois de violette, avec montures en bronze ciselé et doré. La caisse est de l’ébéniste Charles Cressent et le cadran signé « Inventé en 1736 par Julien Le Roy de la Société des Arts » ; le mouvement est signé « Julien Le Roy », avec une étiquette au dos numéroté « 5057 987789 ». Le cadran aux chiffres romains et arabes est centré par une réserve finement gravée, avec flèche indiquant l’équation du temps dans une aperture à 6 heures, marqué « équation de l’horloge » ; une aperture marqué « jours des mois » indique les mois et le nombre de jours de chacun ; de belles aiguilles ajourées en laiton doré indiquent les heures et les minutes ; la trotteuse est en acier bleui ; leviers « silence » et « sonne » à gauche du cadran, ainsi qu’un levier pour régler la sonnerie.

Le mouvement à poids, à grande sonnerie et sonnerie des quarts, a un échappement chevalier de Béthune et un pendule à compensation en laiton.

La caisse, de forme violonée, est ornée de cartouches de feuillages et de rocailles godronnés ; elle est surmontée par une coquille asymétrique ; la porte du pendule est surmontée par un masque féminin représentant Vénus, entourée de rocailles et de volutes, il comprend deux serpents. La lanterne repose sur un entablement quadrangulaire, décoré aux angles d’écoinçons à réserves amaties, qui surmonte une frise d’oves soulignée en façade d’un large motif d’enroulements et de feuillages reposant sur un superbe masque chinoisant, le visage se détachant d’un motif rocaille agrémenté de rubans dans sa partie basse ; les côtés à motifs de crosses et de rinceaux feuillagés. La partie médiane de la caisse, foncée d’une glace, présente un élément en pelta à encadrements moulurés soulignés de motifs déchiquetés, de rinceaux, de branchages et de pampres de vigne ; la base est ornée d’une rocaille à feuilles.

Deux régulateurs similaires, surmontés par la figure de Chronos, sont illustrés dans Cedric Jagger, Royal Clocks, 1983, p. 126, pls. 169 et 170. Les caisses de ces deux exemples sont de Charles Cressent ; l’une, comme ici, est à parqueterie de bois de violette et d’acajou, avec un cadran signé « Inventé en 1736 par Julien Le Roy ». Un régulateur similaire avec caisse de Charles Cressent, aujourd’hui dans la collection royale britannique, est illustré dans Alexandre Pradère, French Furniture Makers, 1989, p. 135, pl. 96. Un exemple comparable, au Musée des arts décoratifs de Lyon, est illustré dans Olivier Dacade, Musée des Arts Décoratifs de Lyon: Pendules, 1995, pl. 2. La caisse du régulateur de Nicolas Gourdain dans le Musée d’arts décoratifs de Lyon, de Cressent, est illustrée dans Jean-Dominique Augarde, Les Ouvriers du Temps, 1996, p. 330, pl. 249. Le régulateur présent est illustré dans Alexandre Pradère, Charles Cressent Sculpteur, Ébéniste du Régent, 2003, p. 304 (cat. 263) ; trois autres, y compris celui du musée de Lyon (cat. 260), l’un vendu par Partridge, Londres, 1991 (cat. 261, avec un mouvement de Julien Le Roy) et un autre, anciennement dans la collection Marcel Bissey (aujourd’hui dans une collection privée, cat. 262), sont illustrés dans le même livre, pp. 194-195 et 304-305.

La caisse comprend de nombreuses références allégoriques à Vénus. Dans la légende Vénus, née de la mer, est tirée par des dauphins dans un coquillage. Quand elle atteint le rivage, tous les coquillages se transforment en roses. Le régulateur présent est surmonté par un motif de coquillages et de roses. Le masque coiffé d’un coquillage qui surmonte l’aperture du pendule représente Vénus. Ce motif de coquillage, intégré dans la cartouche à volutes en bronze doré, apparaît également au-dessus de l’aperture du pendule, où figurent également des serpents, symboles d’éternité. La base est ornée d’une monture en bronze doré représentant un coquillage.

Cressent, qui a fait très peu de caisses de régulateur, a organisé deux ventes de son stock et de sa collection, en 1757 et en 1765. Elles comprenaient plusieurs pendules à secondes, sans mouvement (nos 155-156 en 1757 et 97-99 en 1765), avec placage d’amarante. Cependant, l’inventaire fait après le décès de Cressent en 1768 ne comprend aucun régulateur, bien qu’il contienne des pendules de Hervé et de Guiot à marqueterie de coquillages et de métal ou d’ébène. Si la plupart des régulateurs de Cressent sont à placage de bois satiné et d’amarante, on connait au moins un exemple avec placage de palissandre (Pradère, « Charles Cressent », cat. 262), d’ébène (cat. 267) et de bois de violette – le régulateur présent et celui du Musée d’arts décoratifs de Lyon (cat. 260).

Les modèles connus présentent tous la même forme générale et, autour de l’ouverture du pendule, des montures en bronze avec des cartouches rocaille similaires à celles de Boulle et de Berain. Sous le cadran de certains régulateurs on trouve une monture représentant une allégorie des vents avec deux putti jouant parmi les nuages (allusion au fait que Vénus fut acheminée sur le rivage par les vents), inspiré par une monture créée par Boulle pour le régulateur du comte de Toulouse, actuellement au musée du Louvre (illustré dans Daniel Alcouffe, Anne Dion Tenenbaum, et Amaury Lefebure, Le Mobilier du Musée du Louvre, 1993, vol. I, p. 102-105). Les autres régulateurs de Cressent présentent aussi des variantes, dont des exemples décorés de masques chinoiserie, que Cressent utilise également sur des encoignures (voir Pradère, « Charles Cressent », cat. 188-191). Ici le masque sous le cadran représente une tête féminine, comme c’est le cas pour un autre régulateur de Cressent anciennement dans la collection Wallace, ainsi que pour deux autres avec mouvements signés de Duchesne (cats. 264-266).

Le régulateur présent a appartenu au baron et à la baronne Lopez de Tarragoya. Leur remarquable collection d’art fut assemblée au début du XXème siècle, par l’intermédiaire des marchands parisiens Bensimon, L. Kraemer et Fils et Jacques Seligman. Seligman avait acheté en 1914 la majorité de la propriété Hertford-Wallace au 2 rue Lafitte et au Château de Bagatelle ; de ce fait on considère que certaines pièces de la collection Lopez de Tarragoya proviennent de celle de Sir Richard Wallace. Wallace possédait un régulateur de parquet de Cressent avec masque féminin, comme le régulateur présent.

Il est donc possible que notre régulateur ait fait partie de la collection Hertford-Wallace. Le baron Lopez de Tarragoya acheta des pièces de la collection Loewenstein et celle du comte de Montesquieu.

Julien II Le Roy (1686 - 1759)

Né à Tours, il est formé par son père Pierre Le Roy ; à treize ans il avait déjà fabriqué une pendule. En 1699 Julien Le Roy emménage à Paris, où il devient l’apprenti de Le Bon. Reçu maître-horloger en 1713, par la suite il devient juré de la guilde ; il est juré de la Société des Arts de 1735 à 1737. En 1739 il devient horloger ordinaire du Roi Louis XV. Il n’occupe jamais le logement qu’on lui accorde au Louvre, mais le laisse à son fils Pierre (1717-1785) et continue de travailler rue de Harlay. Le Roy est à l’origine de nombreuses innovations, y compris le perfectionnement d’horloges monumentales indiquant l’heure moyenne et l’heure vraie. Le Roy travaille sur les mouvements à équation, ainsi que des mécanismes de répétition à tirage. Il adopte l’échappement à cylindre de George Graham, rendant les montres plus plates. Il choisit ses caisses chez les meilleurs artisans, tels que les Caffieri, André-Charles Boulle, Jean-Joseph de Saint-Germain, Robert Osmond, Balthazar Lieutaud et Antoine Foullet. Ses cadrans sont fournis par Antoine-Nicolas Martinière, Nicolas Jullien et peut-être Elie Barbezat. Le Roy a beaucoup amélioré l’horlogerie parisienne. Grâce à son amitié avec les horlogers britanniques Henry Sully et William Blakey, plusieurs excellents horlogers anglais et hollandais ont pu entrer dans les ateliers parisiens.

Les œuvres de Julien Le Roy se trouvent aujourd’hui dans les plus grandes collections du monde, y compris les Musées du Louvre, Cognacq-Jay, Jacquemart-André et le Petit Palais à Paris ; le Château de Versailles, le Victoria and Albert Museum et le Guildhall à Londres et Waddesdon Manor dans le Buckinghamshire ; le Musée International d’Horlogerie de La Chaux-de-Fonds et le Musée de Zeitmessung Bayer à Zurich ; le Rijksmuseum d’Amsterdam et les Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles ; le Museum für Kunsthandwerck de Dresde ; le National Museum de Stockholm et le Musea Nacional de Arte Antigua de Lisbonne. Aux Etats-Unis on trouve des œuvres de Le Roy au J. P. Getty Museum de Californie; la Walters Art Gallery de Baltimore et le Detroit Institute of Art.



Charles Cressent (1685 - 1768)

Charles Cressent figure parmi les plus importants ébénistes parisiens du XVIIIe siècle et est probablement le plus célèbre artisan en meubles de l’esprit Régence qu’il véhicula dans ses réalisations d’ébénisterie et de sculpture tout au long de sa carrière. Fils d’un sculpteur du Roi, il s’exerce à la sculpture à Amiens où réside son grand-père, lui-même sculpteur et fabricant de meubles. Ses débuts sont donc dominés par l’apprentissage des techniques de la sculpture, si bien qu’en 1714, c’est en présentant une œuvre dans cette spécialité qu’il est reçu à l’Académie de Saint Luc. Il s’établit alors à Paris et commence à travailler pour certains confrères, puis épouse la veuve de l’ébéniste Joseph Poitou, ancien ébéniste du duc Philippe d’Orléans, alors Régent du royaume. Par ce mariage, il prend en charge la direction de l’atelier et continue l’activité si brillamment qu’il devient à son tour le fournisseur privilégié du Régent, puis à la mort de ce dernier, en 1723, de son fils Louis d’Orléans qui lui passe de nombreuses commandes et lui assure une grande prospérité au cours de ces années-là. Rapidement sa notoriété dépasse les frontières du royaume et certains princes et rois européens commandent des œuvres à l’ébéniste, particulièrement le roi Jean V du Portugal et l’Electeur Charles Albert de Bavière. En France, il s’était composé une riche clientèle privée comprenant des membres de la haute aristocratie, tel le duc de Richelieu, et des grands collectionneurs, notamment le puissant trésorier général de la marine Marcellin de Selle. Cressent n’aura de cesse tout au long de sa carrière de créer, à l’encontre des lois de la corporation des bronziers, ses propres modèles de bronzes fondus dans son atelier ; cette particularité, que l’on retrouve également chez André-Charles Boulle, apporte à son œuvre une grande homogénéité et démontre surtout ses talents exceptionnels de sculpteur.