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Rémond  -  Daguerre

Importante paire de candélabres néoclassiques à quatre lumières en bronze ciselé, patiné ou doré à l’or mat et à l’or bruni

Candelabres029-07_BD_MAIL

Attribuée à François Rémond

Et probablement réalisée sous la direction de Dominique Daguerre

Paris, époque Louis XVI, vers 1785

Hauteur122 Largeur42

Chaque candélabre se présente sous la forme d’un fût anthropomorphe représentant une superbe figure féminine en caryatide en bronze patiné « à l’antique », les cheveux retenus par des bandelettes ou coiffés en nattes tressées, drapée dans une longue robe aux plissés qui laissent entrevoir les formes sensuelles de la jeune nymphe ; elle tient d’une main une couronne fleurie ou feuillagée et porte sur sa tête une corbeille imitant la vannerie d’où s’échappe un riche bouquet de lumières « en arabesque » à quatre bras de lumière à fûts torsadés ornés de rinceaux, rosaces ou graines ; les bassins et binets sont également finement ciselés de motifs feuillagés. L’ensemble repose sur une terrasse circulaire, à enfilage de perles et entablement à oves et dards alternés, posée sur une base tronconique en marbre bleu turquin à frise de courses de rinceaux, guirlandes fleuries rubanées et putti contrariés encadrant une urne simulée centrée d’un médaillon ovalisé agrémenté d’un cœur enflammé ; le tout est supporté par un contre-socle à jonc rubané et frise alternée de feuilles stylisées, ainsi que sur une plinthe quadrangulaire sculptée dans le même marbre.

Leur qualité exceptionnelle de ciselure et de dorure nous permet d’attribuer cette rare paire de candélabres à l’œuvre de l’un des plus importants bronziers parisiens du dernier quart du XVIIIe siècle : François Rémond, artisan qui travaillait essentiellement à cette époque pour Dominique Daguerre, le plus important marchand français d’objets de luxe. Leur composition originale décline plus ou moins directement un modèle de candélabres de dessin similaire créé par Rémond au milieu des années 1780, dont une première paire fit partie des célèbres collections de la princesse Kinsky dans son luxueux hôtel particulier parisien de la rue de Grenelle (voir C. Baulez, « Le luminaire de la princesse Kinsky », dans L’Estampille/L’Objet d’art, n°247, mai 1991, p.88), et une seconde fit son apparition sur le marché de l’art parisien lors de la dispersion de la collection d’Edwin-Marriott Hodgkins (1860-1932) (vente Me Lair-Dubreuil, le 16 mai 1927, lot 67).

Enfin, relevons particulièrement qu’une paire de candélabres, identique à celle que nous proposons mais présentant des bases en marbre blanc de Carrare, se trouvait anciennement dans la collection des comtes de Rosebery au Château de Mentmore, Buckinghamshire (voir la vente des collections du 6ème Comte de Rosebery au Château de Mentmore, Sotheby’s, Londres, le 18 mai 1977, lot 92) ; tandis qu’une seconde paire, reposant sur des bases en marbre bleu turquin, est exposée au Museum of Art de Toledo (illustrée dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Band I, Munich, 1986, p.284, fig.4.14.9).

François Rémond (vers 1747 - 1812)

À l’instar de Pierre Gouthière, François Rémond est l’un des plus importants artisans ciseleurs-doreurs parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Il débute son apprentissage en 1763 et obtient ses lettres de maîtrise en 1774. Immédiatement son talent lui permet de se composer une riche clientèle parmi laquelle figuraient notamment certaines personnalités de la Cour. Mais surtout François Rémond, par l’intermédiaire du marchand-mercier Dominique Daguerre, participe à l’ameublement de la plupart des grands collectionneurs de la fin du XVIIIe siècle en fournissant des caisses de pendules, des chenets, des candélabres…toujours d’une très grande qualité d’exécution et aux compositions particulièrement raffinées et novatrices qui firent sa notoriété.



Dominique Daguerre

Dominique Daguerre est le plus important marchand-mercier, comprenez marchand d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle. Ses débuts de carrière restent relativement méconnus et l’on peut considérer qu’il démarre véritablement son activité à partir de 1772, année de son association avec Philippe-Simon Poirier (1720-1785), autre marchand-mercier célèbre et inventeur des pièces d’ébénisterie agrémentées de plaques de porcelaine de la Manufacture royale de Sèvres. Lorsque Poirier se retire des affaires, vers 1777-1778, Daguerre prend la direction du magasin rue du Faubourg Saint-Honoré et garde la raison sociale « La Couronne d’Or ». Conservant la clientèle de son prédécesseur, il développe considérablement l’activité en quelques années et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque en faisant travailler les meilleurs ébénistes du temps, particulièrement Adam Weisweiler, Martin Carlin et Claude-Charles Saunier, le menuisier du Garde-Meuble de la Couronne, Georges Jacob, les bronziers ou ciseleurs-doreurs Pierre-Philippe Thomire et François Rémond et les horlogers Renacle-Nicolas Sotiau et Robert Robin. Ayant porté le luxe « à la française » à son summum, Daguerre, visionnaire et homme d’affaires hors du commun, s’installe en Angleterre vers le début des années 1780 et s’associe avec Martin-Eloi Lignereux, qui reste en charge du magasin parisien. A Londres, patronné par le prince Régent, futur roi George IV, Daguerre participe activement à l’aménagement et à la décoration de Carlton House et du Pavillon de Brighton, en faisant fonctionner à merveille son réseau d’artisans parisiens important de Paris la plupart des meubles, sièges, cheminées, bronzes d’ameublement et objets d’art et facturant, uniquement pour l’année 1787, plus de 14500£ de fournitures. Impressionnés par le talent du marchand, quelques grands aristocrates anglais font également appel à ses services, particulièrement le Comte Spencer pour Althorp où Daguerre collabore avec l’architecte Henry Holland (1745-1806). A Paris, il continue, par l’intermédiaire de son associé Lignereux, à travailler pour les grands amateurs et livre de superbes pièces d’ébénisterie au Garde-Meuble de la Couronne. Probablement très affecté par les troubles révolutionnaires et la disparition de nombreux de ses clients les plus importants, il se retire définitivement des affaires en 1793.