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Thomire  -  Dagoty

Importante cheminée « aux Egyptiennes » en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat, marbre rouge griotte d’Italie et biscuit de porcelaine teintée de Paris

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Les bronzes attribués à Pierre-Philippe Thomire

Les figures en biscuit de porcelaine attribuées à la Manufacture Dagoty et réalisées d’après un dessin des architectes Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine

Paris, début de l’époque Empire, vers 1805

Hauteur108,5 cm Largeur145,5 cm Profondeur41,2 cm

Réalisée en trois matériaux, le marbre rouge griotte d’Italie, le biscuit de porcelaine teintée de Paris et le bronze finement ciselé et doré à l’or mat, cette cheminée figure parmi les chefs-d’œuvre des arts décoratifs parisiens empruntant des motifs à l’Egypte des pharaons, type d’objets issus d’un courant artistique nommé aujourd’hui l’Egyptomanie. De forme rectangulaire, la tablette repose sur un linteau « en entablement » supporté sur deux piédroits arrières en forme de pilastres, les jambages avants étant formés par deux superbes figures égyptiennes posées sur des contre-socles à degrés ; ces figures sont coiffées d’un bonnet « vautour », elles sont vêtues d’un pectoral et d’une robe moulante ceinturée sous la poitrine et prolongée par une bande verticale orné d’hiéroglyphes ; elles tiennent dans leurs mains une branche de lotus ou une palme. L’ensemble repose sur deux pieds quadrangulaires à décrochement avant et est richement agrémenté de motifs en applique en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat tels que griffons, mufles de lion, motifs à cadre centré de deux lionnes s’abreuvant à une fontaine et flanqué de demi-cercles, fleurons et palmettes stylisées, brandons enflammée et torchères simulées en feuillages, enroulements, palmettes, rinceaux ou fleurons.

Pour contrecarrer les ambitions britanniques en Orient, la France mène, en 1798 et 1801, une expédition en Egypte afin de s’emparer du pays et de dominer politiquement et économiquement la région. Dirigée par le général Bonaparte, puis par ses successeurs, cette opération militaire, mieux connue sous le nom de « Campagne d’Egypte », se double d’une véritable mission de recherche composée d’éminents scientifiques, d’historiens et d’artistes de tout premier plan. De retour en France, les répercussions sont exceptionnelles, particulièrement dans le domaine des arts décoratifs. Dès 1802, le baron Vivant-Denon publie Voyage dans la Basse et la Haute Egypte, ouvrage qui rencontre un immense succès. Puis ce sont les architectes, les peintres et les artisans qui se mettent à donner leur propre interprétation des modèles égyptiens qu’ils déclinent et intègrent à leurs créations. Dans le domaine des arts décoratifs, candélabres, consoles, flambeaux, meubles, sièges et cheminées s’ornent de figures hiératiques féminines directement inspirées de la sculpture monumentale de l’Egypte des pharaons.

La cheminée que nous proposons fut réalisée dans ce contexte particulier. Les figures en biscuit de porcelaine de Paris qui jouent le rôle de supports peuvent être rattachées à la Manufacture Dagoty, Maison active à Paris de 1798 à 1820 qui s’était spécialisée dans la création de pièces dans le goût égyptien, ainsi une pièce faisant partie d’un surtout de table de ce type est conservé au National Museum of Wales de Cardiff (voir R. de Plinval de Guillebon, Faïence et porcelaine de Paris XVIIIe-XIXe siècles, Editions Faton, Dijon, p.342, fig.325) ; chose exceptionnelle, ces figures s’inspirent directement d’un dessin préparatoire, réalisé vers 1800, par les célèbres architectes de l’Empereur Napoléon, Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine (illustré dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Band I, Munich, 1986, p.336, fig.5.3.4).

Cette aquarelle, conservée au Musée du Louvre à Paris, servira de modèle d’inspiration pour quelques rares créations parisiennes de la même époque intégrant ces mêmes figures d’Egyptiennes ou de Nubiennes, citons notamment : une console, localisée en 1807 dans le Salon doré de l’hôtel parisien de l’architrésorier Lebrun, qui est conservée au Grand Trianon, dans les jardins du Château de Versailles (reproduite dans P. Arizzoli-Clémentel et J-P. Samoyault, Le mobilier de Versailles, Chefs-d’œuvre du XIXe siècle, Editions Faton, Dijon, 2009, p.95-97) ; ainsi qu’un modèle de grands candélabres créé par le bronzier parisien Pierre-Philippe Thomire, dont une paire, conservée dans une collection privée, est parue dans S. Chadenet, Les styles Empire et Restauration, Edition Baschet et Cie, Paris, p.71, fig.1 ; tandis qu’une seconde appartient aux collections de l’Hôtel de Salm, Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur à Paris (voir le catalogue d’exposition Egyptomania, L’Egypte dans l’art occidental 1730-1930, RMN, Paris, Musée du Louvre, 1994, p.286-287, catalogue n°167).

Pierre-Philippe Thomire (1757 - 1843)

Pierre-Philippe Thomire est le plus important bronzier parisien du dernier quart du XVIIIe siècle et des premières décennies du siècle suivant. À ses débuts, il travaille pour Pierre Gouthière, ciseleur-fondeur du roi, puis collabore dès le milieu des années 1770 avec Louis Prieur. Il devient ensuite l’un des bronziers attitrés de la manufacture royale de Sèvres, travaillant au décor de bronze de la plupart des grandes créations du temps. Après la Révolution, il rachète le fonds de commerce de Martin-Eloi Lignereux et devient le plus grand pourvoyeur de bronzes d’ameublement pour les châteaux et palais impériaux. Parallèlement, il travaille pour une riche clientèle privée française et étrangère parmi laquelle figure notamment quelques maréchaux de Napoléon. Enfin, il se retire des affaires en 1823.



Manufacture Dagoty et Honoré

Fondée en 1798 par deux frères Dagoty, cette manufacture parisienne de porcelaines est considérée comme l’une des plus florissantes des premières décennies du XIXe siècle. Les deux frères, petit-fils du peintre Jacques Dagoty et fils du graveur Jean-Baptiste Gauthier Dagoty, reprennent une manufacture mal en point, celle de Bougon installée rue de Chevreuse. L’un des frères, Etienne meurt dès 1800, c’est alors Pierre-Louis (1771-1840) qui prend seul la tête de l’entreprise en 1804. Rapidement il développe l’activité et la maison compte 100 ouvriers sous l’Empire.

Après la chute de l’Empereur, Dagoty décide de s’associer avec la manufacture Honoré père et fils, également l’une des plus prospères de l’époque, sous la raison sociale « Dagoty et Honoré » jusqu’en 1820. A partir de cette date, c’est véritablement Edouard Honoré qui prend les rênes de l’entreprise à Paris. Tout au long de l’activité de la manufacture, la maison se distingue par la qualité et l’originalité de ses créations, elle reçoit notamment des commandes du Garde-Meuble impérial dès 1804 et participe à l’Exposition des produits de l’Industrie de 1819 recevant une médaille d’argent pour des bas-reliefs « genre Wedgwood », un trépied et un modèle de la fontaine des innocents.



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