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Jacob-Desmalter  -  Thomire
Jacob-Desmalter (1770-1841)

Exceptionnelle console en acajou et placage d’ébène richement ornée de bronzes finement ciselés et dorés

APF_Console002_06

Console attribuée à l’ébéniste Jacob-Desmalter

Les bronzes attribués à Pierre-Philippe Thomire

Paris, époque Empire, vers 1810

Marque au fer du château de Rosny : « R15″

Hauteur108 cm Largeur179 cm Profondeur49 cm

Provenance :

– Probablement commandée vers 1810 par Edmond de Talleyrand-Périgord, futur duc de Dino, pour le château de Rosny.

– Ancienne collection de la Duchesse de Berry au château de Rosny, Rosny-sur-Seine.

– Transférée après 1830 dans son château de Brunsee à Graz en Autriche.

– Par descendance restée dans les collections de la famille Lucchesi-Palli.

 

De forme rectangulaire, cette exceptionnelle console, de proportions hors du commun, figure parmi les exemplaires les plus élaborés sortis du célèbre atelier de Jacob-Desmalter. Entièrement plaquée de superbes panneaux d’acajou, elle présente un dessin architecturé formé de quatre montants droits en pilastres, à bases et chapiteaux en bronze mouluré et ciselé de frises de feuilles stylisées, réunis par une base pleine à décrochement dans la partie basse et supportant un entablement quadrangulaire dans la partie supérieure. En façade, sur les montants et la ceinture, ainsi que sur les faces latérales de l’entablement, la console présente un décor original à panneaux d’ébène rectangulaires intégrés au placage d’acajou sur lesquels se détachent un exceptionnel décor en bronze très finement ciselé et doré : les montants sont soulignés de larges motifs en bas-reliefs formés de putti levant des couronnes au-dessus de leurs têtes dans des environnements de feuillages, rinceaux, palmettes et rosaces ; la ceinture est ornée, dans les angles, de motifs de couronnes enrubannées ou motifs stylisés et est rythmée de motifs alternés à décor d’amphores « à l’antique », émergeant de rinceaux, reliées entre-elles par des guirlandes enrubannées et tombantes de « milles fleurs » au-dessus desquelles sont des médaillons à profils ou masques de personnages inspirés de la mythologie classique. Enfin, la console est surmontée de son superbe plateau en marbre bleu turquin. Le bois sous la plaque présente la marque « R15 » du château de Rosny.

Bien qu’elle ne porte pas d’estampille, cette console peut être, sans équivoque, rattachée à l’œuvre de Jacob-Desmalter et son décor de bronze finement ciselé et doré attribué au plus célèbre bronzier parisien du temps : Pierre-Philippe Thomire. En effet, sa composition originale est particulièrement proche d’une console estampillée qui est reproduite dans Jean-Pierre Samoyault, Mobilier français Consulat et Empire, Editions Gourcuff, Paris, 2009, p.211, fig.360. Quant à son décor de bronze doré, à frise alternée en ceinture de motifs « à l’antique » reliés par des guirlandes fleuries, il se retrouve sur certains ouvrages luxueux dont les bronzes sont attribués à Thomire, citons particulièrement : une première console, vendue vers 1805 par le marchand-mercier Martin-Eloi Lignereux au prince Nicolas Esterhazy, qui appartient aux collections du Musée des Arts décoratifs de Budapest (illustrée dans J-P. Samoyault, op.cit., 2009, p.107, fig.182) ; ainsi qu’une seconde, mise en consignation par Thomire en 1807, qui est conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum et A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Tome 1, Moyen-Age, Renaissance, XVIIe-XVIIIe siècles (ébénisterie), XIXe siècle, Editions Faton, Dijon, 1993, p.309, catalogue n°105).

Le luxe exceptionnel de cette spectaculaire console d’apparat illustre les importantes commandes privées passées à l’atelier de Jacob-Desmalter par les plus grandes personnalités de l’époque, souvent proches du pouvoir impérial, puis royal. Ainsi, dans les toutes dernières années de la décennie 1810 et les toutes premières années de la décennie suivante, ce luxe était particulièrement visible dans le mobilier et les objets d’art du château de Rosny, alors propriété de la duchesse de Berry. La décoration de ce château faisait alors l’admiration des contemporains, notamment de la duchesse de Maillé (1787-1851) qui releva après un séjour passé à Rosny : « Rien ne peut être comparé au mobilier de Rosny : tous les étages et toutes les chambres sont également recherchés et soignés. Elle (la duchesse de Berry) apporte en ce lieu ce qu’elle aime, tout ce que le roi lui donne et tout ce qu’elle achète, de sorte que l’on peut dire que Rosny est encombré de meubles, mais il faut rendre cette justice à Madame qui le mérite, elle a fort bon goût. Tout chez elle est bien choisi. Elle a le sentiment du beau comme une Italienne » (Blanche-Joséphine Le Bascle d’Argenteuil, duchesse de Maillé, Souvenirs des deux Restaurations, Paris, Perrin, 1984, p.247).

Si la localisation de cette console au château de Rosny est avérée dans les années 1820, puisqu’elle porte la marque au fer d’inventaire du château « » suivie du numéro « 15 » qui identifiait la pièce dans laquelle elle se trouvait, sa période de création suggère une provenance antérieure actuellement non déterminée. L’hypothèse la plus probable consiste à penser que la console que nous proposons fut commandée pour Rosny vers 1810 par Edmond de Talleyrand-Périgord, puis elle fut vendue avec le château et entra dans les collections du duc et de la duchesse de Berry. Cela semble confirmer par le fait qu’une paire de consoles de composition similaire, mais de dimensions nettement moins importantes, est répertoriée ; elle est conservée dans une collection privée et porte également la marque « R15 » ; signalons que cette paire de petites consoles est estampillée par Jacob-Desmalter et est mentionnée dans un mémoire conservé aux Archives nationales qui indique qu’elle fut livrée par l’ébéniste en février 1821 pour le Salon des Princes au château de Rosny. Il est alors logique de penser que cette paire de consoles complétait un ensemble déjà existant et que le meuble que nous proposons faisait déjà partie à cette époque du décor du Salon des Princes.

Le château de Rosny :

Construit dans les dernières années du XVIe siècle pour Maximilien de Béthune, duc de Sully, alors Surintendant des finances d’Henri IV, le château de Rosny, situé à Rosny-sur-Seine près de Paris, fut dans les premières décennies du XIXe siècle l’une des plus belles propriétés d’Ile-de-France. La demeure resta dans la famille des Béthune-Sully jusqu’en 1718, année au cours de laquelle le château fut vendu au comte François Olivier de Sénozan. Soixante plus tard, la petite-fille du président de Sénozan épousa le comte Joseph-Archambaud de Talleyrand-Périgord, frère cadet du ministre de Napoléon : Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord. Rosny entra alors dans les possessions de la Maison des Talleyrand-Périgord. Au moment de la Révolution, le château fut confisqué, puis restitué aux Talleyrand ; enfin, Edmond de Talleyrand-Périgord, futur de Dino, hérita de Rosny en 1808. Dix ans plus tard, la propriété fut achetée par le duc de Berry, fils du comte d’Artois ; ce dernier mourut en février 1820 et son épouse, Marie-Caroline des Deux-Siciles, duchesse de Berry, décida de totalement remanier le domaine, en confiant le réaménageant du château à son architecte attitré, Joseph-Antoine Froelicher (1790-1866) et en remeublant ou complétant le mobilier acheté au moment de l’acquisition du château par son mari en 1818.

La duchesse de Berry :

Marie-Caroline-Ferdinande-Louise de Naples et de Sicile, duchesse de Berry (1798-1870). Née à Caserte, près de Naples, elle épouse en 1816 Charles-Ferdinand d’Artois, duc de Berry, second fils du comte d’Artois, futur Charles X et frère de Louis XVIII. De cette union, naîtront quatre enfants dont Louise-Marie-Thérèse d’Artois, épouse du duc de Parme, et Henri d’Artois, duc de Bordeaux et comte de Chambord, prétendant légitimiste au trône de France. Après le décès de son mari, la duchesse de Berry s’installe à la Cour au Palais des Tuileries et aménage son château de Rosny dans lequel elle passe de longs séjours. Après la chute de Charles X, elle suit le souverain en exil en Angleterre et rencontre Hector Lucchesi-Palli, duc della Grazia (1808-1864), avec lequel elle se marie secrètement en 1831. Elle s’installe alors au château de Brunsee en Autriche et fait quelques séjours à Venise où la duchesse avait fait l’acquisition du Palais Vendramin. Elle termine sa vie au château de Brunnsee le 16 avril 1870.

Jacob-Desmalter (1770 - 1841)

François-Honoré-Georges Jacob, dit Jacob-Desmalter peut être considéré comme le plus important artisan en sièges parisien du premier quart du XIXe siècle. Fils cadet du célèbre menuisier Georges Jacob (1739-1814), il se maria en 1798 avec Adélaïde-Anne Lignereux, la fille du célèbre marchand Martin-Eloi Lignereux. Dans un premier temps, il se distingua par ses qualités de dessinateur, puis en 1796, il s’associa avec son frère aîné Georges II Jacob (1768-1803) et tous deux reprirent l’atelier paternel de la rue Meslée sous la raison sociale Jacob Frères. Après le décès de son frère, Jacob Desmalter devint partenaire de son père, revenu aux affaires, et changea son estampille. Pendant près d’une décennie, ils vont être les fournisseurs privilégiés du Garde-Meuble impérial et des grands amateurs du temps. Toutefois, en 1813, les nombreux retards de paiements de l’administration impériale entraîneront la faillite de la maison Jacob. En 1825, après de multiples péripéties, il vendit son fonds de commerce à son fils contre une confortable rente viagère de 6000 francs par an. Libéré de la charge de l’entreprise, il entreprit quelques voyages, notamment en Angleterre où George IV lui demanda de participer au décor du château de Windsor. Il mourut à Paris, rue Cadet, le 15 août 1841.



Pierre-Philippe Thomire (1757 - 1843)

Pierre-Philippe Thomire est le plus important bronzier parisien du dernier quart du XVIIIe siècle et des premières décennies du siècle suivant. À ses débuts, il travaille pour Pierre Gouthière, ciseleur-fondeur du roi, puis collabore dès le milieu des années 1770 avec Louis Prieur. Il devient ensuite l’un des bronziers attitrés de la manufacture royale de Sèvres, travaillant au décor de bronze de la plupart des grandes créations du temps. Après la Révolution, il rachète le fonds de commerce de Martin-Eloi Lignereux et devient le plus grand pourvoyeur de bronzes d’ameublement pour les châteaux et palais impériaux. Parallèlement, il travaille pour une riche clientèle privée française et étrangère parmi laquelle figure notamment quelques maréchaux de Napoléon. Enfin, il se retire des affaires en 1823.