Rare paire de lions ailés canéphores en biscuit de porcelaine de Sèvres supportant leurs corbeilles dorées
Réalisé sur un modèle d’Alexandre-Evariste Fragonard
Manufacture royale de Sèvres, époque Restauration, vers 1826-1828
L’un des lions porte les marques incisées J 6 26 et N°2/Mars ; l’une des corbeilles porte une marque fleurdelisée en bleu ainsi que Sèvres/28, une marque dorée MC. G ( ?). Mars et les numéros 24-4 incisés dans la pâte.
Réalisé en biscuit de porcelaine de Sèvres, chacun des deux lions est représenté en train de marcher paisiblement dans une attitude majestueuse, la gueule ouverte, la queue recourbée et la crinière finement dessinée ; de la partie haute de ses pattes antérieures s’échappent des ailes réalisées dans l’esprit des anciens modèles assyriens ; chaque félin supporte une selle en drapé, finement décorée de motifs stylisés en léger relief tels que palmettes et rinceaux feuillagés, qui se termine en franges tressées et sur laquelle est disposée une corbeille ajourée en porcelaine dorée à motifs feuillagés. Enfin, chaque lion est supporté par sa base originale quadrangulaire en tôle peinte à l’imitation du marbre brun.
La composition de cette superbe paire de lions canéphores reprend directement l’un des deux projets d’Alexandre-Evariste Fragonard réalisés en 1817. A l’origine, les dessins de Fragonard esquissaient deux modèles différents, un lion et une lionne supportant des corbeilles, destinés à accompagner un groupe de figures égyptiennes canéphores faisant partie d’un luxueux surtout de table en biscuit et porcelaine dorée. Finalement, il semble que seule la figure du lion ait été exécutée dans les ateliers de la Manufacture royale sous la direction du sculpteur Jean-Charles-Nicolas Brachard ; les premières exemplaires de lions de ce modèle sont mentionnés dans les inventaires de Sèvres en décembre 1818 et furent exposés au Louvre l’année suivante (les dessins originaux de Fragonard, ainsi que les projets en plâtre de Brachard, appartiennent toujours aux collections du Musée de Sèvres).
De nos jours, parmi les quelques exemplaires identiques répertoriés, rarement conservés en paires, mentionnons particulièrement : un premier modèle, réalisé vers 1818, qui appartient aux collections du Ministère des Affaires étrangères à Paris (illustré dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.291, fig.354) ; ainsi que deux modèles qui sont parus dans T. Préaud, The Sèvres Porcelain Manufactory, Alexandre Brogniart and the Triumph of Art and Industry, 1800-1847, The Bard Graduate Center for Studies in the Decorative Arts, New York, 1997, p.358, planche 143 ; enfin, citons un dernier lion de ce type qui est conservé au Mobilier national à Paris (reproduit dans Le XIXe siècle français, Collection Connaissance des Arts, Hachette, Paris, 1957, p.80).
Alexandre-Évariste Fragonard (1780 - 1850)
Fils du célèbre peintre Jean-Honoré Fragonard, il fut formé dans un premier temps dans l’atelier paternel, puis devint l’assistant du peintre David qui, pour souligner le talent de son jeune élève, disait de lui : « il y a de l’huile dans cette lampe ». Rapidement le jeune Fragonard acquit une grande réputation en tant que peintre et sculpteur, reçut d’importantes commandes publiques et privées et fut l’un des principaux donneurs de modèles de la Manufacture royale de Sèvres sous la Restauration en participant activement au renouveau artistique français, développant notamment le style troubadour influencé par l’architecture, la peinture et les arts décoratifs du Moyen-Age.
Patronnée par Louis XV et la marquise de Pompadour, la Manufacture de Vincennes voit le jour en 1740 pour concurrencer les créations de la Manufacture de Meissen, se positionnant ainsi comme sa principale rivale européenne, et sera transférée à Sèvres en 1756, devenant la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres. De nos jours toujours en activité, elle connaîtra tout au long de son histoire d’exceptionnelles périodes de création en faisant appel aux meilleurs artistes et artisans français et européens. Rattachée aux souverains et aux empereurs, elle sera la vitrine du savoir-faire français et la plupart des créations sorties de ses ateliers seront destinées à être offertes en cadeaux diplomatiques ou à participer au décor et au faste des nombreux châteaux et palais royaux et impériaux des XVIIIe et XIXe siècles.