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Isabel & Délas  -  Coteau

Rare pendule squelette émaillée à trois cadrans en bronze finement ciselé ou doré et marbre blanc de Carrare

Pendule190_04

« Isabel & Délas à Rouen »

Le décor émaillé attribué à Joseph Coteau

France, époque Directoire, vers 1795

Hauteur61 cm Largeur31,3 cm Profondeur14,8 cm

Elle présente un cadran principal annulaire émaillé blanc à bordure émaillée bleue étoilée, révélant une partie des rouages finement découpés du mécanisme et indiquant les heures en chiffres romains, les graduations des minutes et le quantième du mois républicain gradué de 1 à 30 en chiffres arabes, par trois aiguilles, dont deux repercées en bronze doré et une en acier bleui. Un deuxième cadran émaillé blanc, centré d’un disque émaillé bleu, est disposé sous le précédent et désigne les jours de la semaine par une aiguille en acier bleui. Un troisième et dernier cadran, disposé dans la partie haute de l’horloge, indique l’âge et les phases de la lune sur deux disques émaillés. Le mouvement est à roue de compte extérieure, à deux barillets et à suspension à couteau ; il va huit jours et sonne les heures et les demies-heures sur un timbre ; le balancier se termine par un superbe masque d’Apollon solaire disposé au centre de motifs rayonnants.

Ces trois cadrans s’inscrivent dans une armature peinte sur émail fond bleu à décor or ou argent de fins rinceaux de feuillages, guirlandes fleuries, tigettes entrelacées de rubans et rosaces centrées de cabochons verts ; un cartouche à côtés rentrants est signé « Isabel & Délas à Rouen ». La pendule est richement ornée d’un décor de bronze finement ciselé et doré : à l’amortissement, est une urne enflammée à anses détachées agrémentée d’une fleur de lys en applique ; l’armature est décorée de moulures moletées, de branchages de laurier à graines et de deux branches d’olivier enrubannés, et repose sur deux consoles inversées supportées par des bornes, à chapiteaux et bases à angles évidés, ornées de masques de Mercure ; l’horloge est posée sur une base quadrangulaire en marbre blanc statuaire soulignée d’une baguette à enfilage de perles et agrémentée en façade d’une réserve à panneau figurant une frise à course alternée de palmettes et de tigettes stylisées. Enfin, l’ensemble est supporté par quatre pieds toupie moletés à frises de godrons.

C’est véritablement dans la dernière décennie du XVIIIe siècle qu’apparaissent les premiers modèles de pendules dites « squelettes », dont la particularité est de présenter une composition épurée avec un cadran principal annulaire laissant entrevoir aussi bien la beauté des mouvements et des rouages, que la complexité des mécanismes élaborés par les meilleurs horlogers européens, principalement parisiens. Cette nouvelle esthétique découlait d’une part, de l’admiration des amateurs d’horlogerie pour les exceptionnels progrès techniques effectués depuis le milieu du XVIIIe siècle, d’autre part, d’une certaine désaffection des collectionneurs pour les pendules à sujets représentant toute sorte de personnages allégoriques ou inspirés de la mythologie classique grecque et romaine. La pendule que nous proposons fut réalisée dans ce contexte particulier, sa luxueuse composition est caractéristique des meilleures réalisations françaises du milieu de la dernière décennie du XVIIIe siècle.

Parmi les rares horloges connues realisées dans le meme esprit, citons notamment : une première pendule à quatre cadrans qui appartient aux collections royales espagnoles (voir J. Ramon Colon de Carvajal, Catalogo de Relojes del Patrimonio nacional, Madrid, 1987, p.95, catalogue n°78) ; ainsi qu’une deuxième, les émaux par Joseph Coteau, qui est conservée au Musée François Duesberg à Mons (parue dans Musée François Duesberg, Arts décoratifs 1775-1825, Bruxelles, 2004, p.103); une troisième, exposée au Musée Carnavalet à Paris, est reproduite dans le catalogue de l’exposition La Révolution dans la mesure du Temps, Calendrier républicain heure décimale 1793-1805, Musée international d’Horlogerie, La Chaux-de-Fonds, 1989, p.95 ; un quatrième modèle, signé « Folin l’aîné à Paris », appartient aux collection du Getty Museum de Malibu (illustré dans G. Wilson et C. Hess, Summary Catalogue of European Decorative Arts in the J. Paul Getty Museum, Los Angeles, 2001, p.74, fig.145) ; enfin, mentionnons particulièrement une dernière pendule de ce type, le cadran signé « Laguesse à Liège » et les émaux de Joseph Coteau datés 1796, qui est exposée au Palais de Pavlovsk à Saint Pétersbourg (voir E. Ducamp, Pavlovsk, Les Collections, 1993, p. 186, pl. 17).

Isabel et Délas

Cette signature correspond à l’association de Monsieur Isabel, horloger actif à Rouen à la fin du XVIIIe siècle, qui pourrait être également le nommé Isabelle qui exposa en 1802 un système de compensation des effets de température sur la marche des horloges et des pendules, et de Jacques Délas, horloger né à Rouen en 1752 et dont le mariage est mentionné dans cette même ville une quarantaine d’années plus tard (voir Tardy, Dictionnaire des horlogers français, Paris, 1971, p.170 et 318).



Joseph Coteau (1740 - 1801)

Joseph Coteau est le plus célèbre émailleur de son temps et collabora avec la plupart des grands horlogers parisiens de l’époque. Il était né à Genève, ville dans laquelle il devint maître peintre-émailleur de l’Académie de Saint Luc en 1766 ; puis il vint s’installer à Paris quelques années plus tard. A partir de 1772, jusqu’à la fin de sa vie, il est installé rue Poupée. Coteau laissa notamment son nom à une technique précieuse d’émaux en relief qu’il mit au point avec Parpette destinée au décor de certaines pièces de porcelaine de Sèvres et qu’il utilisa par la suite pour le décor des cadrans des pendules les plus précieuses ; décorés de ce décor si caractéristique, mentionnons notamment : une écuelle couverte et son plateau qui appartiennent aux collections du Musée national de la Céramique à Sèvres (Inv. SCC2011-4-2) ; ainsi qu’une paire de vases dits « cannelés à guirlandes » conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans le catalogue de l’exposition Un défi au goût, 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740-1793), Musée du Louvre, Paris, 1997, p.108, catalogue n°61) ; et une aiguière et sa cuvette dites « de la toilette de la comtesse du Nord » exposées au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (reproduites dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres, Des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.207, fig.250). Enfin, soulignons, qu’une pendule lyre de l’horloger Courieult en porcelaine bleue de Sèvres, le cadran signé « Coteau » et daté « 1785 », est conservée au Musée national du château de Versailles ; elle semble correspondre à l’exemplaire inventorié en 1787 dans les appartements de Louis XVI au château de Versailles (illustrée dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’Association nationale des collectionneurs et amateurs d’Horlogerie ancienne, automne 1993, n°68, p.32C).