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Bertrand  -  Rémond  -  Coteau

Exceptionnelle pendule de cheminée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni et marbre blanc statuaire dit « de Carrare »

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Les bronzes attribués à François Rémond

Les cadrans par Joseph Coteau et Edmé-Protail Barbichon

L’ensemble certainement réalisé sous la direction de Dominique Daguerre

Paris, époque Louis XVI, vers 1785

Hauteur54.5 Largeur40.2 Profondeur12.5

Provenance :

Paris, collection privée.

 

Le cadran principal annulaire émaillé blanc, signé « Cles Bertrand Her de L’académie des Sciences », indique les heures, les minutes par tranches de quinze et les quantièmes du mois en chiffres arabes par trois aiguilles, dont deux en cuivre repercé et doré, et bat les secondes par une trotteuse centrale. Il est flanqué de deux cadrans auxiliaires également de forme annulaire à riche décor émaillé, l’un par Barbichon marquant les jours de la semaine associés à des cartouches renfermant des figures mythologiques ou allégoriques relatives aux planètes, l’autre par Coteau indiquant le calendrier annuel avec les mois et les jours de l’année associés à des cartouches ovalisés à décor de leurs signes zodiacaux respectifs. L’ensemble s’inscrit dans une superbe caisse entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni et marbre blanc statuaire dit « de Carrare ». La boite circulaire, renfermant le mouvement à sonnerie des heures et demi-heures, est surmontée d’une urne chargée d’un bouquet fleuri et feuillagé et supportée par deux aigles à corps à larges feuilles d’acanthe reposant sur des doubles pattes ; ils tiennent dans leurs becs des guirlandes soulignant les deux cadrans auxiliaires et sont coiffés d’un plumet émergeant d’un panache de feuilles nervurées. Le tout repose sur une base quadrangulaire à moulure en cavet foncée d’un enfilage de perles et agrémentée de réserves à panneaux en léger relief représentant des putti musiciens ou allégoriques dans des nuées traités dans le goût du sculpteur Clodion. Enfin, quatre pieds à bagues moulurées, cannelures et feuillages, supportent l’horloge.

D’une qualité exceptionnelle de ciselure et de dorure, la pendule que nous proposons se distingue également par sa composition particulièrement originale qui s’inspire plus ou moins directement de certains projets d’ornemanistes parisiens du temps, notamment de ceux de Jean-Démosthène Dugourc (1749-1825), l’un des plus talentueux et surtout l’un des principaux initiateurs des nouvelles tendances décoratives avant-gardistes du dernier tiers du XVIIIe siècle. Elle peut être considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de l’horlogerie parisienne de luxe du dernier quart du XVIIIe siècle. En effet, à ce jour, aucune autre horloge identique n’est connue, ce qui en fait un modèle unique, de toute évidence commandé tout spécialement à la demande de l’un des principaux amateurs parisiens de l’époque. Cette hypothèque semble confirmer par l’association de deux des meilleurs émailleurs de l’époque : Joseph Coteau et Edmé-Protail Barbichon, qui durent collaborer sur une même pièce, chose rarissime pour des émailleurs ; cette particularité peut s’expliquer par la personnalité très probable du destinataire, un donneur d’ordre puissant impatient de voir l’aboutissement de l’ameublement et de la décoration de sa luxueuse demeure parisienne.

Joseph-Charles-Paul Bertrand (1746 - 1789)

Joseph-Charles-Paul Bertrand, dit Charles Bertrand (Nettancourt 1746-Paris 1789) figure parmi les plus importants horlogers parisiens du règne de Louis XVI. Après avoir effectué son apprentissage chez Eustache-François Houblin, il reçoit ses lettres de maîtrise le 20 février 1772 et installe son atelier rue Montmartre. En l’espace de quelques années, il acquiert un grande notoriété pour la perfection de ses mouvements et est nommé « Horloger de l’Académie Royale des Sciences ». Spécialisé dans la réalisation de pendules squelettes ou à complication, il collabore avec les meilleurs artisans du temps pour la création des caisses de ses horloges, notamment avec Knab pour les boîtiers, Barbichon, Coteau et Borel pour les cadrans, et Jean-Joseph de Saint-Germain et François Vion pour les bronzes. Il se compose une riche clientèle issue du monde de la finance et de la haute aristocratie, parmi laquelle figuraient la marquise de Lambertye et Harenc de Presle ; pour ce dernier il réalisa une belle pendule vase décrite en avril 1795 lors de la vente de la collection de cet amateur : « Un riche vase, de belle forme, enrichi d’anses à double rinceau, avec couvercle, à guirlandes de roses, surmonté d’une pomme de pin, dans le milieu du vase et sur le bandeau on a placé un rond entouré de pierres fausses, avec cadran de montre émaillé de Charles Bertrand, le culot du vase est à côtés saillants de piédouche, élevé sur fût de colonne cannelée, dont la base à tores de laurier. Hauteur 14 pouces, diamètre 8 ».

Enfin, signalons que de nos jours certaines pendules de cet horloger sont conservées dans les plus grandes collections publiques internationales, citons particulièrement celles qui sont exposées au Metropolitan Museum of Art de New York, au Musée national des Techniques à Paris et à la Walters Art Gallery de Baltimore.



François Rémond (vers 1747 - 1812)

À l’instar de Pierre Gouthière, François Rémond est l’un des plus importants artisans ciseleurs-doreurs parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Il débute son apprentissage en 1763 et obtient ses lettres de maîtrise en 1774. Immédiatement son talent lui permet de se composer une riche clientèle parmi laquelle figuraient notamment certaines personnalités de la Cour. Mais surtout François Rémond, par l’intermédiaire du marchand-mercier Dominique Daguerre, participe à l’ameublement de la plupart des grands collectionneurs de la fin du XVIIIe siècle en fournissant des caisses de pendules, des chenets, des candélabres…toujours d’une très grande qualité d’exécution et aux compositions particulièrement raffinées et novatrices qui firent sa notoriété.



Joseph Coteau (1740 - 1801)

Joseph Coteau est le plus célèbre émailleur de son temps et collabora avec la plupart des grands horlogers parisiens de l’époque. Il était né à Genève, ville dans laquelle il devint maître peintre-émailleur de l’Académie de Saint Luc en 1766 ; puis il vint s’installer à Paris quelques années plus tard. A partir de 1772, jusqu’à la fin de sa vie, il est installé rue Poupée. Coteau laissa notamment son nom à une technique précieuse d’émaux en relief qu’il mit au point avec Parpette destinée au décor de certaines pièces de porcelaine de Sèvres et qu’il utilisa par la suite pour le décor des cadrans des pendules les plus précieuses ; décorés de ce décor si caractéristique, mentionnons notamment : une écuelle couverte et son plateau qui appartiennent aux collections du Musée national de la Céramique à Sèvres (Inv. SCC2011-4-2) ; ainsi qu’une paire de vases dits « cannelés à guirlandes » conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans le catalogue de l’exposition Un défi au goût, 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740-1793), Musée du Louvre, Paris, 1997, p.108, catalogue n°61) ; et une aiguière et sa cuvette dites « de la toilette de la comtesse du Nord » exposées au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (reproduites dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres, Des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.207, fig.250). Enfin, soulignons, qu’une pendule lyre de l’horloger Courieult en porcelaine bleue de Sèvres, le cadran signé « Coteau » et daté « 1785 », est conservée au Musée national du château de Versailles ; elle semble correspondre à l’exemplaire inventorié en 1787 dans les appartements de Louis XVI au château de Versailles (illustrée dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’Association nationale des collectionneurs et amateurs d’Horlogerie ancienne, automne 1993, n°68, p.32C).



Edmé-Portail Barbichon

Edmé-Portail Barbichon était l’un des meilleurs émailleurs de la deuxième partie du XVIIIème siècle. Son nom est associé à ceux des meilleurs horlogers, y compris Ferdinand Berthoud et Charles Bertrand.



Dominique Daguerre

Dominique Daguerre est le plus important marchand-mercier, comprenez marchand d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle. Ses débuts de carrière restent relativement méconnus et l’on peut considérer qu’il démarre véritablement son activité à partir de 1772, année de son association avec Philippe-Simon Poirier (1720-1785), autre marchand-mercier célèbre et inventeur des pièces d’ébénisterie agrémentées de plaques de porcelaine de la Manufacture royale de Sèvres. Lorsque Poirier se retire des affaires, vers 1777-1778, Daguerre prend la direction du magasin rue du Faubourg Saint-Honoré et garde la raison sociale « La Couronne d’Or ». Conservant la clientèle de son prédécesseur, il développe considérablement l’activité en quelques années et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque en faisant travailler les meilleurs ébénistes du temps, particulièrement Adam Weisweiler, Martin Carlin et Claude-Charles Saunier, le menuisier du Garde-Meuble de la Couronne, Georges Jacob, les bronziers ou ciseleurs-doreurs Pierre-Philippe Thomire et François Rémond et les horlogers Renacle-Nicolas Sotiau et Robert Robin. Ayant porté le luxe « à la française » à son summum, Daguerre, visionnaire et homme d’affaires hors du commun, s’installe en Angleterre vers le début des années 1780 et s’associe avec Martin-Eloi Lignereux, qui reste en charge du magasin parisien. A Londres, patronné par le prince Régent, futur roi George IV, Daguerre participe activement à l’aménagement et à la décoration de Carlton House et du Pavillon de Brighton, en faisant fonctionner à merveille son réseau d’artisans parisiens important de Paris la plupart des meubles, sièges, cheminées, bronzes d’ameublement et objets d’art et facturant, uniquement pour l’année 1787, plus de 14500£ de fournitures. Impressionnés par le talent du marchand, quelques grands aristocrates anglais font également appel à ses services, particulièrement le Comte Spencer pour Althorp où Daguerre collabore avec l’architecte Henry Holland (1745-1806). A Paris, il continue, par l’intermédiaire de son associé Lignereux, à travailler pour les grands amateurs et livre de superbes pièces d’ébénisterie au Garde-Meuble de la Couronne. Probablement très affecté par les troubles révolutionnaires et la disparition de nombreux de ses clients les plus importants, il se retire définitivement des affaires en 1793.