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Cronier  -  Osmond
Antoine Cronier (1732-après 1806)
Robert Osmond (1711-1789)

Exceptionnelle pendule de cheminée en forme de vase couvert néoclassique « à l’antique » en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni

Pendule406-02_HD_WEB

La caisse attribuée à Robert Osmond

Paris, époque Transition Louis XV-Louis XVI, vers 1770

Hauteur65.5 Largeur28

Le mouvement est renfermé dans une caisse néoclassique en forme de vase couvert « à l’antique » entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni. L’heure est marquée sur deux cercles tournants en cuivre argenté, l’un indiquant les minutes par tranches de cinq en chiffres arabes, l’autre les heures en chiffres romains sur un bandeau alterné de quartefeuilles stylisés ; le cercle supérieur est surmonté de la signature de l’horloger « Cronier à Paris » gravée dans le bronze. Les indications sont marquées par deux serpents, aux écailles finement ciselées, enroulés autour du corps du vase ou du couvercle et dont les langues en forme de dard tiennent lieu d’aiguilles. L’ensemble prend la forme d’un vase ovoïde tronqué, le couvercle terminé d’une graine émergeant d’un bouquet de feuilles nervurées et les anses détachées « à la grecque » ornées de frises de canaux, agrémenté de guirlandes de laurier et d’un culot à lambrequins supportée par un piédouche mouluré à joncs enrubannés. Le vase repose sur une base en colonne tronquée, à larges cannelures et base à tore unie, surmontée d’une moulure en cavet à réserves à filets et rosaces et décorée de draperies à franges retenues par des pastilles. Enfin, le tout est supporté par un contre-socle quadrangulaire.

La composition particulièrement originale de cette importante pendule de cheminée, ainsi que la qualité exceptionnelle de sa ciselure et de sa dorure à l’or mat ou à l’or bruni, est une parfaite illustration de l’esprit décoratif néoclassique initié par quelques grands amateurs parisiens du début du milieu du XVIIIe siècle, particulièrement par le comte de Caylus et Ange-Laurent Lalive de Jully, en réaction aux modèles rocailles du début du règne de Louis XV, jugés démodés, qui dominaient alors les arts décoratifs français depuis plusieurs décennies. Ce renouveau néoclassique, qualifié de « retour à l’Antique », faisait suite aux découvertes archéologiques faites dans les anciennes cités antiques romaines de Pompéi et d’Herculanum dans la région de Naples. Ces fabuleuses trouvailles allaient marquer durablement l’ensemble des arts décoratifs français, et plus largement européens, pendant plusieurs décennies.

La pendule que nous proposons fut réalisée dans ce contexte particulier. Son dessin néoclassique élaboré, ses dimensions, monumentales pour une pendule de type « vase », ainsi que la rareté des horloges identiques connues, en font l’un des modèles de pendules-vase parmi les plus spectaculaires de son temps. Sa création semble avoir été plus ou moins directement influencée par l’œuvre de Jean-Louis Prieur, notamment d’un dessin de cet ornemaniste/bronzier conservé à l’Université de Varsovie, ainsi que d’une pendule-vase agrémentée de figures, dont le corps général présente de nombreuses similitudes avec l’exemplaire présenté et qui est exposée au Musée Calouste Gulbenkian de Lisbonne (voir H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Band I, Munich, 1986, p.167). Toutefois, malgré ces similitudes, relevons que le rapprochement le plus marqué doit être effectué avec certaines réalisations du célèbre bronzier Robert Osmond qui se fit une spécialité de ce type de pendules en forme de vase « à l’antique », notamment un modèle qui appartient aux collections du Zähringer Museum de Baden-Baden (paru dans P. Verlet, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Editions Picard, Paris, 1987, p.110, fig.131).

De nos jours, et à notre connaissance, seules quatre autres pendules identiques sont répertoriées : la première, signée de « Lepaute », figura au XIXe siècle dans la vente des célèbres et fastueuses collections de William 12th duc de Hamilton à Hamilton Palace (vente Christie, Manson & Woods, du 17 juin au 20 juillet 1882) et semble correspondre à celle décrite dans une grande collection dans la seconde moitié du XVIIIe siècle : « Une pendule à vase, à anses carrées, guirlandes de laurier sur colonnes cannelées, tronquées avec draperies, le tout en bronze doré d’or moulu. Cadran tournant. Deux serpents portant les aiguilles des minutes. Le mouvement est de Lepaute » ; la deuxième, le bronze gravé du nom de l’horloger « Furet », est illustrée dans P. Kjellberg, Encyclopédie de la pendule française du Moyen Age au XXe siècle, Les éditions de l’Amateur, Paris, 1997, p.284, fig. B ; la troisième, qui a la particularité d’associer bronze doré et marbre blanc et propose quelques variantes dans le décor, appartient aux collections du Musée du Louvre à Paris (reproduite dans Tardy, La pendule française, 2ème Partie : Du Louis XVI à nos jours, Paris, 1975, p.289, fig.5 ; et dans E. Niehüser, Die französische Bronzeuhr, Eine Typologie der figürlichen Darstellungen, Editions Callwey, Munich, 1997, p.263, fig.1292) ; enfin, mentionnons tout particulièrement une quatrième et dernière pendule de ce type, en tous points identique à celle que nous proposons, qui figure dans les collections d’horlogerie du Palais de Pavlovsk, près de Saint-Pétersbourg, ancienne résidence d’été du Tsar Paul Ier ; elle porte également la signature de l’horloger Antoine Cronier gravée dans le bronze et est rapprochée de l’œuvre du bronzier Osmond (parue dans The State Culture Preserve Pavlovsk, Full Catalogue of the Collections, Tome X, Métal-Bronze, Volume I, Pendules, régulateurs, cartels, Saint-Pétersbourg, 2011, p.24, catalogue n°7).

Antoine Cronier (1732 - après 1806)

Antoine Crosnier, ou Cronier,  figure parmi les plus importants horlogers parisiens de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Fils d’un maître menuisier parisien, il fait enregistrer ses lettres de maîtrise le 1er mars 1763 et installe son atelier rue Saint-Honoré. Il rencontre immédiatement un immense succès auprès des grands amateurs parisiens d’horlogerie de luxe et collabore avec les meilleurs artisans de l’époque, notamment l’ébéniste Jean-Pierre Latz, les bronziers François Vion ou les Osmond et le doreur Honoré Noël. Au XVIIIe siècle, certaines de ses réalisations étaient mentionnées chez le maréchal de Choiseul-Stainville, chez le marquis de Sainte-Amaranthe, chez le duc des Deux-Ponts et chez le prince Belosselsky-Belozersky.



Robert Osmond (1711 - 1789)

Le bronzier Robert Osmond nait à Canisy, près de Saint-Lô ; il fait son apprentissage dans l’atelier de Louis Regnard, maître fondeur en terre et en sable, devenant maître bronzier à Paris en 1746. On le trouve d’abord rue des Canettes, paroisse St Sulpice, et dès 1761, dans la rue de Mâcon. Robert Osmond devient juré de sa corporation, s’assurant ainsi une certaine protection de ses droits de créateur. En 1753 son neveu quitte la Normandie pour le rejoindre, et en 1761, l’atelier déménage dans la rue de Macon. Le neveu, Jean-Baptiste Osmond (1742-après 1790) est reçu maître en 1764 ; après cette date, il travaille avec son oncle ; leur collaboration fut si étroite qu’il est difficile de distinguer entre les contributions de l’un et de l’autre. Robert Osmond prend sa retraite vers 1775. Jean-Baptiste, qui continue de diriger l’atelier après le départ de son oncle, connaît bientôt des difficultés ; il fait faillite en 1784. Son oncle Robert meurt en 1789.

Bronziers et ciseleurs prolifiques, les Osmond pratiquaient les styles Louis XV et néoclassiques avec un égal bonheur. Leurs œuvres, appréciées à leur juste valeur par les connaisseurs de l’époque, furent commercialisées par des horlogers et des marchands-merciers. Bien qu’ils aient produit toutes sortes de bronzes d’ameublement, y compris des chenets, des appliques et des encriers, aujourd’hui ils sont surtout connus pour leurs caisses de pendules, comme par exemple celle qui représente le Rapt d’Europe (Musée Getty, Malibu, CA,) dans le style Louis XV, et deux importantes pendules néoclassiques, dont il existe plusieurs modèles, ainsi qu’un vase à tête de lion (Musée Condé de Chantilly et le Cleveland Museum of Art) et un cartel avec rubans ciselés (exemples dans le Stockholm Nationalmuseum et le Musée Nissim de Camondo de Paris). Une pendule remarquable, ornée d’un globe, des amours, et d’une plaque en porcelaine de Sèvres (Louvre, Paris) compte également parmi leurs œuvres importantes.

D’abord voués au style rocaille, au début des années 1760 ils ont adopté le nouveau style néoclassique, dont ils devinrent bientôt les maîtres. Ils fournirent des boîtes aux meilleurs horlogers de l’époque, y compris Montjoye, pour lequel ils créèrent des boîtes de pendules de cartonnier et de pendules colonne ; la colonne étant l’un des motifs de prédilection de l’atelier Osmond.