Important régulateur à équation du temps et remontoir d’égalité
La caisse attribuée à Ferdinand Schwerdfeger
Le cadran attribué à Joseph Coteau
Paris, fin de l’époque Louis XVI, vers 1785-1788
Le cadran circulaire émaillé, signé « Robin aux Galeries du Louvre », indique les heures en chiffres romains, le calendrier annuel avec indication des mois et des jours, deux aiguilles des minutes déterminent la différence entre les temps vrai et moyen qui définit l’équation, enfin, une trotteuse centrale marque les secondes. Le balancier à gril porte un pyromètre à double graduation inscrit Froid, Tempéré et Chaud, qui indique la dilatation. Le tout est renfermé dans une superbe caisse en placage d’acajou à panneaux de glace, à la composition à la fois sévère et élégante, qui repose sur une base pleine à ressaut et dont le fronton débordant est souligné de dentelures « à l’antique » et surmonté d’un amortissement à doucine. L’ensemble est décoré de bronze très finement ciselé et doré : le cadran est entouré de motifs d’écoinçons à rinceaux, d’une draperie tombante et d’une frise d’enfilage de perles ; la base est ornée d’encadrements à frises de feuillages et de fleurettes stylisés ; enfin, sous l’entablement, trois frises ajourées composées de rinceaux dans des encadrements rythment la composition.
Ce régulateur peut être considéré comme l’un des modèles les plus aboutis ; il fut élaboré par le célèbre horloger Robert Robin (1742-1799) dans les toutes dernières années de l’Ancien Régime. L’attribution de sa caisse à Schwerdfeger repose sur les similitudes qu’elle présente avec des œuvres connues de cet artisan en meubles, ainsi qu’avec certaines mentions tirées des catalogues de vente du premier quart du XIXe siècle dans lesquels était notamment décrit en 1823 : « Un très beau régulateur de Robin père, horloger de Louis XVI, avec équation et compensation ; la boite en acajou massif, par Ferdinand ». Quant à son cadran émaillé, il peut être rattaché sans équivoque à l’œuvre de l’émailleur Joseph Coteau puisqu’un modèle, dont le cadran quasi-identique est signé Robin aux Galeries du Louvre et Coteau 1787, est conservé dans la collection Crijns à Breda (voir ANCAHA, hiver 1997, n° 80, p.41).
Enfin, citons quelques modèles similaires de régulateurs de Robin : un premier appartient aux collections du Conservatoire des Arts et Métiers à Paris (illustré dans ANCAHA, mai 1977, n° 18, p. 86, fig. 23a) ; un deuxième est conservé au Musée Paul Dupuy à Toulouse (voir R. Mühe et Horand M. Vogel, Horloges anciennes, Fribourg, 1978, p. 287, fig. 581) ; enfin, un dernier modèle, acquis par Louis-Philippe en 1837, est exposé au Petit Trianon dans les jardins du château de Versailles (paru dans S. de Ricci, Le style Louis XVI, Paris, ill. 253).
Robert Robin (1741 - 1799)
Robert Robin est l’un des plus importants horlogers parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Honoré des titres de Valet de Chambre-Horloger Ordinaire du Roi et de la Reine en 1783 et 1786, il eut une carrière hors du commun et se distingua par sa contribution exceptionnelle à l’amélioration des instruments de la mesure du temps.
En 1778, l’Académie des Sciences approuva deux de ses inventions, dont l’une mena à la construction d’une pendule astronomique représentant une méridienne tracée sur une pyramide qui fut acquise par les Menus Plaisirs pour Louis XVI cette même année ; Robin publia une Description historique et mécanique très détaillée de cette pendule. Il créa également des régulateurs de cheminée à indications astronomiques et à balancier compensé, dont le marquis de Courtanvaux, homme de science et grand connaisseur d’horlogerie de précision, fut l’un des premiers acquéreurs. Au cours des troubles révolutionnaires, il réalisa des montres et des pendules à heure décimale. On le retrouve successivement Grande rue du faubourg Saint-Honoré (1772), rue des Fossés-Saint-Germain l’Auxerrois (1775), rue Saint-Honoré à l’Hôtel d’Aligre (1778) et aux Galeries du Louvre en 1786.
Pour ses régulateurs de bureau, Robin fit le choix de boîtes architecturées d’une grande sobriété, qui nous paraissent aujourd’hui d’une remarquable modernité. Il collabora toujours avec les meilleurs artisans de son temps, parmi lesquels les bronziers ou ciseleurs Robert et Jean Baptiste Osmond, Pierre Philippe Thomire, François Rémond et Claude Galle, les ébénistes Jean-Henri Riesener, Ferdinand Schwerdfeger et Adam Weisweiler, les émailleurs Barbezat, Dubuisson, Merlet et Coteau pour les cadrans, et les Richard et Montginot pour les ressorts.
Les deux fils de Robert Robin, Nicolas Robert (1775-1812) et Jean-Joseph (1781-1856), étaient également d’excellents horlogers et poursuivirent brillamment l’activité de l’atelier paternel.
Ferdinand Schwerdfeger (1734 - 1818)
Ferdinand Schwerdfeger figure parmi les plus importants ébénistes parisiens de la fin du XVIIIe siècle. Après son accession à la maîtrise, en mai 1786, il installe son atelier dans la capitale et connaît immédiatement une grande notoriété. Cependant, son œuvre demeure relativement méconnue ; dû à sa date de maîtrise tardive et au fait que l’artisan estampilla peu. Parmi les quelques meubles qui peuvent lui être attribués avec certitude, mentionnons un ensemble livré pour Marie-Antoinette, ainsi que quelques caisses de régulateurs et de pendules dont les cadrans sont signés par les plus grands horlogers de l’époque, particulièrement Antide Janvier, Jean-Simon Bourdier et Robert Robin (voir M-A Paulin, Schwerdfeger, ébéniste de Marie-Antoinette, in L’Estampille/L’Objet d’art, octobre 2003).
Joseph Coteau (1740 - 1801)
Joseph Coteau est le plus célèbre émailleur de son temps et collabora avec la plupart des grands horlogers parisiens de l’époque. Il était né à Genève, ville dans laquelle il devint maître peintre-émailleur de l’Académie de Saint Luc en 1766 ; puis il vint s’installer à Paris quelques années plus tard. A partir de 1772, jusqu’à la fin de sa vie, il est installé rue Poupée. Coteau laissa notamment son nom à une technique précieuse d’émaux en relief qu’il mit au point avec Parpette destinée au décor de certaines pièces de porcelaine de Sèvres et qu’il utilisa par la suite pour le décor des cadrans des pendules les plus précieuses ; décorés de ce décor si caractéristique, mentionnons notamment : une écuelle couverte et son plateau qui appartiennent aux collections du Musée national de la Céramique à Sèvres (Inv. SCC2011-4-2) ; ainsi qu’une paire de vases dits « cannelés à guirlandes » conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans le catalogue de l’exposition Un défi au goût, 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740-1793), Musée du Louvre, Paris, 1997, p.108, catalogue n°61) ; et une aiguière et sa cuvette dites « de la toilette de la comtesse du Nord » exposées au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (reproduites dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres, Des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.207, fig.250). Enfin, soulignons, qu’une pendule lyre de l’horloger Courieult en porcelaine bleue de Sèvres, le cadran signé « Coteau » et daté « 1785 », est conservée au Musée national du château de Versailles ; elle semble correspondre à l’exemplaire inventorié en 1787 dans les appartements de Louis XVI au château de Versailles (illustrée dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’Association nationale des collectionneurs et amateurs d’Horlogerie ancienne, automne 1993, n°68, p.32C).