Important régulateur de cabinet en placage de bois de rose, amarante et bronze finement ciselé ou doré
Cadran signé par l’horloger Robert Robin
Le contre-émail signé par l’émailleur Elie Barbezat et daté 1776
Estampille : « B LIEUTAUD » sur l’un des montants arrières de la caisse
Paris, début de l’époque Louis XVI, 1776
Le cadran annulaire émaillé blanc, signé « Robin à Paris », indique les heures en chiffres romains et les minutes par tranches de cinq en chiffres arabes par deux aiguilles en cuivre repercé et doré ; il marque également les secondes par une trotteuse centrale et renferme un second cadran circulaire destiné à la démonstration de l’équation du temps, marquant la différence entre le temps vrai, solaire, et le temps moyen, terrestre ; la façade propose également un baromètre servant à mesurer la pression atmosphérique. Le contre émail est signé par l’émailleur « Barbezat » et daté « 1776 ». Le mouvement, à balancier bimétallique terminé par une lourde lentille et portant un thermomètre indiquant la dilatation des métaux, est renfermé dans une caisse en gaine marquetée en quartefeuilles ou travers de placage de bois de rose dans des encadrements de bois d’amarante délimités par des filets de bois clair. L’ensemble est richement agrémenté de bronze très finement ciselé et doré tels qu’encadrements unis ou à réserves à fond amati, frise de postes, moulures à feuilles d’eau, médaillons unis ou en tore de lauriers retenus par des rubans, écoinçons à branchages d’olivier ou de laurier, enfin, l’amortissement, à entablement en cavet surmontant une frise d’entrelacs centrés de rosaces, est orné d’une sphère armillaire reposant sur un piédouche mouluré.
La composition originale de cet important régulateur de cabinet a été créée par l’ébéniste Balthazar Lieutaud dans les toutes premières années du règne de Louis XVI. Cet artisan en meubles, spécialisé dans la création de caisses d’horloges, réalisa quelques exemplaires réalisés dans le même esprit, avec des variantes dans le décor de bronze ciselé et doré, citons notamment : un premier modèle qui a fait partie de la collection Joseph Bardac (vente à Paris, Me Lair-Dubreuil, le 9 décembre 1927, lot 118) ; ainsi qu’un deuxième, surmonté d’une figure du temps, qui est exposé au Victoria and Albert Museum à Londres (illustré dans O. Bracket, Catalogue of the Jones collection, V&A Museum) et trois modèles plus simples qui sont reproduits dans Jean Nicolay, L’art et la manière des maîtres ébénistes français au XVIIIe siècle. Enfin, relevons particulièrement qu’au XVIIIe siècle, un régulateur de ce modèle appartenait au célèbre scientifique Jean-François Pilâtre de Rosier (1754-1785), le premier navigateur aérien : « Une pendule portant le nom de Robin horloger à Paris sonnant les heures et demies heures marquant les secondes et renfermant un baromètre dans sa boite carrée plaquée en bois de rose avec cadran d’émail, ornements de cuivre doré 1800 livres ».
Robert Robin (1741 - 1799)
Robert Robin est l’un des plus importants horlogers parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Honoré des titres de Valet de Chambre-Horloger Ordinaire du Roi et de la Reine en 1783 et 1786, il eut une carrière hors du commun et se distingua par sa contribution exceptionnelle à l’amélioration des instruments de la mesure du temps.
En 1778, l’Académie des Sciences approuva deux de ses inventions, dont l’une mena à la construction d’une pendule astronomique représentant une méridienne tracée sur une pyramide qui fut acquise par les Menus Plaisirs pour Louis XVI cette même année ; Robin publia une Description historique et mécanique très détaillée de cette pendule. Il créa également des régulateurs de cheminée à indications astronomiques et à balancier compensé, dont le marquis de Courtanvaux, homme de science et grand connaisseur d’horlogerie de précision, fut l’un des premiers acquéreurs. Au cours des troubles révolutionnaires, il réalisa des montres et des pendules à heure décimale. On le retrouve successivement Grande rue du faubourg Saint-Honoré (1772), rue des Fossés-Saint-Germain l’Auxerrois (1775), rue Saint-Honoré à l’Hôtel d’Aligre (1778) et aux Galeries du Louvre en 1786.
Pour ses régulateurs de bureau, Robin fit le choix de boîtes architecturées d’une grande sobriété, qui nous paraissent aujourd’hui d’une remarquable modernité. Il collabora toujours avec les meilleurs artisans de son temps, parmi lesquels les bronziers ou ciseleurs Robert et Jean Baptiste Osmond, Pierre Philippe Thomire, François Rémond et Claude Galle, les ébénistes Jean-Henri Riesener, Ferdinand Schwerdfeger et Adam Weisweiler, les émailleurs Barbezat, Dubuisson, Merlet et Coteau pour les cadrans, et les Richard et Montginot pour les ressorts.
Les deux fils de Robert Robin, Nicolas Robert (1775-1812) et Jean-Joseph (1781-1856), étaient également d’excellents horlogers et poursuivirent brillamment l’activité de l’atelier paternel.
Balthazar Lieutaud (mort en 1780) figure parmi les plus importants ébénistes du règne de Louis XV et du début de l’époque néoclassique. Issu d’une dynastie d’artisans en meubles parisiens, puisque fils et petit-fils d’ébéniste, il accède à la maîtrise en mars 1749 et établit son atelier rue de la Pelleterie, puis rue Denfer. Il se spécialise dans la réalisation de caisses de régulateurs et de cartels dont il confiait la création des décors de bronze doré aux plus habiles bronziers et ciseleurs du temps, particulièrement Charles Grimpelle et les Caffieri.
Elie Barbezat est un émailleur spécialisé en cadrans. Il exerce rue Bertin Poiré à partir de 1768 et est l’un des meilleurs émailleurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Rares sont les émailleurs référencés et qui ont fait l’objet de recherches, mais le corpus de ses œuvres révèle une activité concentrée entre la fin du règne de Louis XV et les premières années du règne de Louis XVI. Nous estimons qu’il est principalement actif entre 1768 et 1776.
Il travaille avec les meilleurs horlogers de l’époque : Lepaute, Pierre III Leroy et Robert Robin. Sa signature se retrouve également sur de magnifiques pendules de Beauvarlet, Peignat, Jean-Gabriel Imbert dit l’aîné et Ragot
Il prend Georges-Adrien Merlet en apprentissage dans son atelier le 30 octobre 1767 et le forma probablement à devenir son successeur. Sa formation est réussie sachant que Merlet devient ensuite l’un des trois meilleurs émailleurs de son temps avec Joseph Coteau et Dubuisson.
Selon les Archives Brateau, Elie Barbezat est admis comme maître peintre à l’Académie de Saint-Luc le 6 novembre 1777.