Importante pendule néoclassique en bronze ciselé et doré
« Allégorie de l’Etude »
Gabriel-Pierre Peignat
Cadran émaillé par Elie Barbezat
Dans une caisse attribuée à Jean-Joseph de Saint-Germain (1719-1791)
Paris, transition entre Louis XV et Louis XVI, vers 1770-1775
Provenance :
– Certainement la pendule prisée en 1776 par l’horloger Gabriel Courieult dans l’inventaire après décès de Peignat : « n° 14. Une pendule de cheminée avec son mouvement du nom de Peignat représentant l’étude…400 livres ».
Le cadran émaillé est signé « Peignat à Paris » et porte au revers la signature de l’émailleur Barbezat ; il indique les heures en chiffres romains et les minutes en chiffres arabes et est inscrit dans un boîtier circulaire surmonté d’une lampe à huile et encadré d’une guirlande de laurier tombante ; la lunette est entourée d’un tore de laurier. Le tout est supporté par un fût de colonne cannelée et repose sur une terrasse sur laquelle est assise une superbe figure féminine vêtue à l’antique tenant un livre ouvert, allégorie de l’Etude ; à ses pieds sont disposés des volumes et des rouleaux sur lesquels se dresse un coq à l’attitude fière, symbole de la vigilance. L’ensemble est supporté par un socle à avant-corps en bronze doré décoré de dés à rosaces tournoyantes et d’une frise à motifs géométriques entrelacés de guirlandes, qui lui-même est posé sur un contre-socle en ébène ou bois noirci rehaussé d’une frise stylisée qui peut être rapproché des réalisations de l’ébéniste Philippe-Claude Montigny. Enfin, des pieds en toupie travaillés à motifs de feuilles d’acanthe terminent la composition.
Le modèle de cette pendule est l’une des plus grandes réussites de l’horlogerie parisienne de la fin du règne de Louis XV ou du début du règne suivant. Sa composition s’inspire librement d’un modèle créé vers 1757 à l’initiative de Madame Geoffrin, célèbre salonnière de l’époque, qui sera décliner à partir du milieu des années 1760 par l’un des plus talentueux bronziers parisiens du temps : Jean-Joseph de Saint-Germain qui semble avoir collaboré pour la réalisation du groupe principal avec le sculpteur Louis-Félix Delarue (1730-1777). Saint-Germain démontra dans la création de cette pendule sa capacité exceptionnelle à s’adapter au renouveau des arts décoratifs et à maîtriser parfaitement les nouvelles données esthétiques liées au courant néoclassique. Il réalisa quelques rares autres versions du modèle avec des variantes, en combinant avec talent des motifs ornementaux différents et faisant ainsi de chaque pendule à l’Etude une œuvre unique. Parmi les exemplaires répertoriés, citons tout particulièrement le modèle, quasi-identique à celui que nous présentons, qui appartient aux collections du musée Gulbenkian à Lisbonne (reproduit dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Band I, Munich, 1986, p.161, fig. 3.3.5) ; ainsi qu’un second qui est exposé au musée du Louvre (illustré dans D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum et G. Mabille, Les bronzes d’ameublement du Louvre, Dijon, 2004, p. 125).
Jean-Joseph de Saint-Germain (1719 - 1791)
Est probablement le plus célèbre bronzier parisien du milieu du XVIIIe siècle. Actif à partir de 1742, il est reçu maître en juillet 1748. Il est surtout connu pour la création de nombreuses caisses de pendules et de cartels qui firent sa notoriété, notamment le cartel dit à la Diane chasseresse (voir un exemplaire conservé au Musée du Louvre), la pendule supportée par deux chinois (voir un modèle de ce type aux Musée des Arts décoratifs de Lyon), ainsi que plusieurs pendules à thématiques animalières, essentiellement à éléphants et rhinocéros (exemple au Musée du Louvre). Vers le début des années 1760, il joue également un rôle primordial dans le renouveau des arts décoratifs parisiens et dans le développement du courant néoclassique, en réalisant notamment la pendule dite au génie du Danemark sur un modèle d’Augustin Pajou pour Frédéric V du Danemark (1765, conservée à l’Amalienborg de Copenhague). Saint-Germain crée plusieurs pendules inspirées par le thème de l’Etude, sur un modèle de Louis-Félix de La Rue (exemples au Louvre, à la Fondation Gulbenkian, Lisbonne, et au Musée Metropolitan de New York).
Parallèlement à ses créations horlogères, Saint-Germain réalise également de nombreux bronzes d’ameublement – y compris chenets, appliques, et candélabres – en faisant toujours preuve de la même créativité et démontrant ses talents exceptionnels de bronzier. Il se retire des affaires en 1776.
Gabriel-Pierre Peignat (? - 1776)
Gabriel-Pierre Peignat est l’un des meilleurs horlogers parisiens du XVIIIe siècle. Il avait installé son atelier dans l’enclos des Quinze-Vingts et s’était rapidement composé une riche clientèle composée de grands aristocrates et de financiers parmi laquelle figuraient notamment les marquis du Lau et de Sailly, le comte de Ségur et Messieurs de Chevreuse et de la Véronnière.
Elie Barbezat
Elie Barbezat est un émailleur spécialisé en cadrans. Il exerce rue Bertin Poiré à partir de 1768 et est l’un des meilleurs émailleurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Rares sont les émailleurs référencés et qui ont fait l’objet de recherches, mais le corpus de ses œuvres révèle une activité concentrée entre la fin du règne de Louis XV et les premières années du règne de Louis XVI. Nous estimons qu’il est principalement actif entre 1768 et 1776.
Il travaille avec les meilleurs horlogers de l’époque : Lepaute, Pierre III Leroy et Robert Robin. Sa signature se retrouve également sur de magnifiques pendules de Beauvarlet, Peignat, Jean-Gabriel Imbert dit l’aîné et Ragot
Il prend Georges-Adrien Merlet en apprentissage dans son atelier le 30 octobre 1767 et le forma probablement à devenir son successeur. Sa formation est réussie sachant que Merlet devient ensuite l’un des trois meilleurs émailleurs de son temps avec Joseph Coteau et Dubuisson.
Selon les Archives Brateau, Elie Barbezat est admis comme maître peintre à l’Académie de Saint-Luc le 6 novembre 1777.