Rare pendule de cheminée en bronze finement ciselé ou doré et marbre vert de mer
« Le Char de Vénus accompagné du bel Adonis »

Dans une caisse attribuée à André-Antoine Ravrio
Paris, époque Empire, vers 1805
Le cadran annulaire émaillé bleu azur est rythmé de fleurons dorés et de cabochons rubis ; il est signé « Robin à Paris » et indique les heures en chiffres romains dans des cartouches ovalisés fond blanc et les minutes par deux aiguilles en acier bleui dites « Breguet ». Le mouvement est renfermé dans la roue très ouvragée d’un char richement orné de figure ailée, rinceaux, enfilages de perles…sur lequel est assise, dans une coquille, une jeune femme vêtue d’un drapé retenu par une ceinture qui caresse une colombe posée sur sa jambe gauche, allégorie de la déesse Vénus ; la figure se retourne vers un jeune homme debout vêtu d’une tunique courte « à l’antique », portant des spartiates et un cor attaché dans son dos ; il tient un long bâton, son chien est assis entre ses jambes et il représente Adonis. Sur l’avant du char est posé le jeune Cupidon tenant les rênes de l’attelage formé par deux cygnes aux ailes déployés et aux cous recourbés. L’ensemble repose sur une base quadrangulaire en marbre vert de mer, à angles coupés soulignés de cannelures, décorée de motifs en applique figurant l’Amour rémouleur et l’Amour forgeron encadrant un motif central à deux colombes tenant des guirlandes fleuries surmontant un double cœur enflammé percé d’une flèche et surmonté d’une couronne de roses. Enfin, huit pieds en forme de toupie supportent l’horloge.
L’attribution de ce superbe modèle néoclassique à André-Antoine Ravrio repose sur l’existence d’un modèle identique décrit au Palais de l’Elysée en 1809 et censé avoir été livré par ce talentueux bronzier.
De nos jours, parmi les rares pendules identiques répertoriées, citons notamment: un premier exemplaire provenant très certainement des collections de Madame Mère, mère de Napoléon, qui est exposé au Musée national du Château de Malmaison (illustré dans B. Chevallier, La Mesure du Temps dans les collections du Musée de Malmaison, RMN, Paris, 1991, p.20, catalogue n°11) ; ainsi qu’un second qui correspond au modèle décrit en 1809 dans le salon de famille des Murat au Palais de l’Elysée et qui appartient de nos jours aux collections du Mobilier national à Paris (voir M-F. Dupuy-Baylet, Pendules du Mobilier national 1800-1870, Editions Faton, Dijon, 2006, p.25).
Enfin, relevons particulièrement qu’une pendule de ce type, peut-être celle que nous proposons, fut prisée 650 francs en décembre 1815 dans l’inventaire après décès de Michel Ney, célèbre maréchal de Napoléon surnommé « Le Brave des Braves » par l’Empereur : « Une pendule représentant le char de Venus attelé de cygnes et conduit par l’amour garni du beau Pâris posée sur un socle de marbre vert de mer avec ornements en bronze doré, ladite pendule en bronze doré à sonnerie à cadran à jour et heures en émail ».
Robert Robin (1741 - 1799)
Robert Robin est l’un des plus importants horlogers parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Honoré des titres de Valet de Chambre-Horloger Ordinaire du Roi et de la Reine en 1783 et 1786, il eut une carrière hors du commun et se distingua par sa contribution exceptionnelle à l’amélioration des instruments de la mesure du temps.
En 1778, l’Académie des Sciences approuva deux de ses inventions, dont l’une mena à la construction d’une pendule astronomique représentant une méridienne tracée sur une pyramide qui fut acquise par les Menus Plaisirs pour Louis XVI cette même année ; Robin publia une Description historique et mécanique très détaillée de cette pendule. Il créa également des régulateurs de cheminée à indications astronomiques et à balancier compensé, dont le marquis de Courtanvaux, homme de science et grand connaisseur d’horlogerie de précision, fut l’un des premiers acquéreurs. Au cours des troubles révolutionnaires, il réalisa des montres et des pendules à heure décimale. On le retrouve successivement Grande rue du faubourg Saint-Honoré (1772), rue des Fossés-Saint-Germain l’Auxerrois (1775), rue Saint-Honoré à l’Hôtel d’Aligre (1778) et aux Galeries du Louvre en 1786.
Pour ses régulateurs de bureau, Robin fit le choix de boîtes architecturées d’une grande sobriété, qui nous paraissent aujourd’hui d’une remarquable modernité. Il collabora toujours avec les meilleurs artisans de son temps, parmi lesquels les bronziers ou ciseleurs Robert et Jean Baptiste Osmond, Pierre Philippe Thomire, François Rémond et Claude Galle, les ébénistes Jean-Henri Riesener, Ferdinand Schwerdfeger et Adam Weisweiler, les émailleurs Barbezat, Dubuisson, Merlet et Coteau pour les cadrans, et les Richard et Montginot pour les ressorts.
Les deux fils de Robert Robin, Nicolas Robert (1775-1812) et Jean-Joseph (1781-1856), étaient également d’excellents horlogers et poursuivirent brillamment l’activité de l’atelier paternel.
André-Antoine Ravrio (1759 - 1814)
Antoine-André Ravrio figure parmi les plus importants bronziers parisiens de la fin du XVIIIe siècle et du Premier Empire. Fournisseur attitré du Garde-meuble impérial, Ravrio participe, aux côtés de Pierre-Philippe Thomire et de Claude Galle, au réaménagement des principales résidences de l’empereur Napoléon et à la fourniture de nombreux bronzes d’ameublement pour les grandes personnalités de l’époque, notamment certains maréchaux d’Empire. De nos jours, certaines de ses réalisations appartiennent aux collections du Mobilier national à Paris et à de grandes collections publiques et privées internationales.