Rare pendule de cheminée dite « à la Chinoise » en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni

La caisse attribuée à Jean-Joseph de Saint-Germain
Paris, époque Louis XV, vers 1750
Le cadran circulaire émaillé blanc, signé « Masson à Paris », indique les heures en chiffres romains et les minutes par tranches de cinq en chiffres arabes par deux aiguilles en cuivre repercé et doré. Le mouvement est renfermé dans une caisse à décor rocaille entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni ; il s’inscrit dans une boite circulaire reposant sur un enrochement stylisé ou un piétement à décrochement et réserves amaties se détachant au-devant d’un palmier ; sur la droite de la composition est allongée un superbe personnage féminin chinoisant vêtu d’une tunique dans le goût de l’Extrême-Orient portant des pendants d’oreilles et tenant un léger branchage dans chacune de ses mains. La figure repose sur une large terrasse contournée traitée « au naturel » formée de jeux de crosses, rinceaux, feuillages ou enrochements stylisés.
Témoignage de l’exceptionnel engouement des amateurs parisiens, et plus largement européens, pour l’Extrême-Orient, la pendule que nous proposons figure parmi les créations parisiennes chinoisantes les plus élaborées du règne de Louis XV. Le modèle, particulièrement élégant et équilibré, connut un grand succès vers le milieu du XVIIIe siècle et présente quelques similitudes avec certaines réalisations du bronzier Jean-Joseph de Saint-Germain à qui nous l’attribuons. De nos jours, parmi les rares pendules identiques connues, avec parfois la figure chinoise à patine dite « couleur noir de fumée », citons particulièrement : un premier exemplaire, le cadran signé « Galland », qui se trouvait anciennement dans la célèbre collection Akram Ojjeh (vente Sotheby’s, Monaco, le 25 juin 1979) ; ainsi qu’un deuxième, le cadran signé « Musson », qui a fait partie de la collection de la marquise Margaret Rockefeller de Larrain (vente Sotheby’s, New York, le 15 novembre 1980, lot 77) ; un troisième, le cadran de Furet, est apparu sur le Marché de l’Art lors des dispersions de la collection Elisabeth Firestone (vente , lot 873) ; enfin, mentionnons une dernière pendule de ce type qui est reproduite dans P. Kjellberg, Encyclopédie de la pendule française du Moyen Age à nos jours, Les Editions de l’Amateur, Paris, 1997, p.117.
Compte tenu de la date de réalisation de la pendule que nous proposons, cette signature correspond à l’horloger Denis Masson, l’un des plus importants horlogers parisiens du XVIIIe siècle.
Denis Masson
Reçu maître le 1er mars 1746, Denis Masson est l’un des plus importants horlogers parisiens du XVIIIe siècle. Dans un premier temps, il débute en tant qu’ouvrier libre, puis obtient ses lettres de maîtrise en 1746 et installe successivement son atelier Abbaye Saint-Germain-des-Prés, pont Notre-Dame en 1747 et rue Sainte-Avoye en 1778. Il connaît rapidement une grande notoriété auprès des grands amateurs parisiens d’horlogerie de luxe en se spécialement dans la création de pendules agrémentées de figures en porcelaine de Saxe. A l’instar des meilleurs horlogers de son temps, Denis Masson collabore avec quelques-uns des meilleurs artisans, travaillant notamment avec le fondeur Jean-Baptiste Vallée et les ébénistes Lieutaud et Foullet. Parmi sa clientèle figuraient notamment Madame Infante à Parme, les duchesses de Mazarin et de Villeroy, ainsi que le marquis de Persan et le prince et la princesse de Condé.
Jean-Joseph de Saint-Germain (1719 - 1791)
Est probablement le plus célèbre bronzier parisien du milieu du XVIIIe siècle. Actif à partir de 1742, il est reçu maître en juillet 1748. Il est surtout connu pour la création de nombreuses caisses de pendules et de cartels qui firent sa notoriété, notamment le cartel dit à la Diane chasseresse (voir un exemplaire conservé au Musée du Louvre), la pendule supportée par deux chinois (voir un modèle de ce type aux Musée des Arts décoratifs de Lyon), ainsi que plusieurs pendules à thématiques animalières, essentiellement à éléphants et rhinocéros (exemple au Musée du Louvre). Vers le début des années 1760, il joue également un rôle primordial dans le renouveau des arts décoratifs parisiens et dans le développement du courant néoclassique, en réalisant notamment la pendule dite au génie du Danemark sur un modèle d’Augustin Pajou pour Frédéric V du Danemark (1765, conservée à l’Amalienborg de Copenhague). Saint-Germain crée plusieurs pendules inspirées par le thème de l’Etude, sur un modèle de Louis-Félix de La Rue (exemples au Louvre, à la Fondation Gulbenkian, Lisbonne, et au Musée Metropolitan de New York).
Parallèlement à ses créations horlogères, Saint-Germain réalise également de nombreux bronzes d’ameublement – y compris chenets, appliques, et candélabres – en faisant toujours preuve de la même créativité et démontrant ses talents exceptionnels de bronzier. Il se retire des affaires en 1776.