Importante pendule de cartonnier en bronze ciselé et doré
« modèle d’horloger »

Le mouvement attribué à Jean-André et Jean-Baptiste Lepaute
La caisse par Robert Osmond
Paris, début de l’époque Louis XVI, vers 1775-1780
Le cadran circulaire émaillé, signé « Lepaute », indique les heures et les minutes en chiffres arabes par tranches de cinq par deux aiguilles repercées en cuivre doré ; il est inscrit dans une superbe caisse architecturée entièrement réalisée en bronze finement ciselé et doré. La lunette est ornée d’une frise torsadée ; le mouvement est renfermé dans une boite circulaire à motifs de feuilles stylisées supportée par des consoles terminées en enroulements décorées de rosaces et de branchages sur des fonds amatis ; l’amortissement est orné d’une graine émergeant d’un bouquet feuillagé. L’ensemble repose sur une terrasse quadrangulaire supportée par un socle en bronze ciselé et doré, à décor d’enfilage de perles et d’une frise de feuilles d’acanthe stylisées, lui-même reposant sur un contre-socle en marbre bleu turquin posé sur quatre pieds en boules aplaties.
La composition originale de cette pendule dite « de cartonnier » peut être attribuée à l’œuvre de Robert Osmond, l’un des plus importants bronziers parisiens de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Sa forme architecturée est relativement proche de certains autres modèles réalisés dans le même esprit et souvent signés ou attribués à cet artisan, citons notamment un premier exemplaire illustré dans Tardy, La pendule française, 2ème partie : du Louis XVI à nos jours, Paris, 1975, p.301, fig.2 ; ainsi qu’un second reproduit dans P. Kjellberg, Encyclopédie de la pendule française du Moyen Age à nos jours, Paris, 1997, p.177, fig. E.
Le terme de « modèle d’horloger » que nous employons pour l’horloge que nous présentons s’explique par le fait que les rares pendules identiques connues portent toutes la signature des Lepaute, ce qui suggère que ces célèbres horlogers commandèrent spécialement ce modèle au bronzier et furent les seuls à pouvoir le commercialiser. Enfin, relevons que parmi les quelques autres exemplaires répertoriés, un premier modèle fit son apparition sur le marché de l’art parisien en 1962 (Me Ader, Palais Galliera, le 13 décembre 1962, lot 186) ; tandis qu’un second se trouvait anciennement dans la collection de Jacques Doucet (Me Lair-Dubreuil, le 6 juin 1912, lot 267) ; ce dernier modèle présente la particularité d’être surmonté d’un groupe d’enfants que l’on retrouve sur un type de pendules crée par Robert Osmond au début des années 1770, ce qui renforce l’attribution de l’exemplaire proposé au bronzier (voir H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Band I, Munich, 1986, p.229, fig.4.1.9).
Jean-André et Jean-Baptiste Lepaute
« Lepaute Horloger du Roi à Paris »: Cette signature correspond à la collaboration de deux frères, Jean-André Lepaute (1720-1789) et Jean-Baptiste Lepaute (1727-1802), tous deux nommés horlogers du Roi et qui connurent une carrière hors du commun.
Jean-André, né à Thonne-la-Long en Lorraine, vint à Paris en tant que jeune homme et fut rejoint par son frère en 1747. Leur entreprise, créée de fait en 1750, fut formellement fondée en 1758. Reçu maître par la corporation des horlogers en 1759, Jean-André fut d’abord logé au Palais du Luxembourg and ensuite, en 1756, aux Galeries du Louvre. Jean-André Lepaute a écrit un Traité d’Horlogerie, publié à Paris in 1755. Un petit volume, Description de plusieurs ouvrages d’horlogerie apparut en 1764. En 1748 il épousa la mathématicienne et l’astronome Nicole-Reine Etable de la Brière, qui prédit, entre autres, le retour de la comète Halley.
Jean-Baptiste Lepaute, reçu maître en décember 1776, fut connu pour l’horloge à équation du temps qu’il construisit pour l’Hôtel de ville de Paris (1780, détruite par l’incendie de 1871) et celle de l’Hôtel des Invalides.
Ils travaillèrent notamment, en France, pour le Garde-Meuble de la Couronne et les plus grands amateurs de l’époque, à l’étranger, pour le prince Charles de Lorraine et la reine Louise-Ulrique de Suède.
Jean-Baptiste reprit la direction de l’atelier lors de la retraite de son frère Jean-André en 1775.
Robert Osmond (1711 - 1789)
Le bronzier Robert Osmond nait à Canisy, près de Saint-Lô ; il fait son apprentissage dans l’atelier de Louis Regnard, maître fondeur en terre et en sable, devenant maître bronzier à Paris en 1746. On le trouve d’abord rue des Canettes, paroisse St Sulpice, et dès 1761, dans la rue de Mâcon. Robert Osmond devient juré de sa corporation, s’assurant ainsi une certaine protection de ses droits de créateur. En 1753 son neveu quitte la Normandie pour le rejoindre, et en 1761, l’atelier déménage dans la rue de Macon. Le neveu, Jean-Baptiste Osmond (1742-après 1790) est reçu maître en 1764 ; après cette date, il travaille avec son oncle ; leur collaboration fut si étroite qu’il est difficile de distinguer entre les contributions de l’un et de l’autre. Robert Osmond prend sa retraite vers 1775. Jean-Baptiste, qui continue de diriger l’atelier après le départ de son oncle, connaît bientôt des difficultés ; il fait faillite en 1784. Son oncle Robert meurt en 1789.
Bronziers et ciseleurs prolifiques, les Osmond pratiquaient les styles Louis XV et néoclassiques avec un égal bonheur. Leurs œuvres, appréciées à leur juste valeur par les connaisseurs de l’époque, furent commercialisées par des horlogers et des marchands-merciers. Bien qu’ils aient produit toutes sortes de bronzes d’ameublement, y compris des chenets, des appliques et des encriers, aujourd’hui ils sont surtout connus pour leurs caisses de pendules, comme par exemple celle qui représente le Rapt d’Europe (Musée Getty, Malibu, CA,) dans le style Louis XV, et deux importantes pendules néoclassiques, dont il existe plusieurs modèles, ainsi qu’un vase à tête de lion (Musée Condé de Chantilly et le Cleveland Museum of Art) et un cartel avec rubans ciselés (exemples dans le Stockholm Nationalmuseum et le Musée Nissim de Camondo de Paris). Une pendule remarquable, ornée d’un globe, des amours, et d’une plaque en porcelaine de Sèvres (Louvre, Paris) compte également parmi leurs œuvres importantes.
D’abord voués au style rocaille, au début des années 1760 ils ont adopté le nouveau style néoclassique, dont ils devinrent bientôt les maîtres. Ils fournirent des boîtes aux meilleurs horlogers de l’époque, y compris Montjoye, pour lequel ils créèrent des boîtes de pendules de cartonnier et de pendules colonne ; la colonne étant l’un des motifs de prédilection de l’atelier Osmond.