Rare pendule de cheminée en bronze finement ciselé et doré « La Victoire de la Science »
« Lepaute Horloger du Roi »
Robert Osmond
Paris, début de l’époque Louis XVI, vers 1775
Le cadran émaillé, signé « Lepaute Horloger du roi », indique les heures en chiffres romains et les minutes en chiffres arabes et est inscrit dans un socle architecturé entièrement réalisé en bronze très finement ciselé et doré qui porte la signature du célèbre fondeur parisien Robert Osmond (1711-1789). Le fronton cintré est souligné de frises d’oves et de motifs stylisés et est soutenu par deux consoles latérales terminées en enroulements à motifs de feuilles d’acanthe et de cannelures foncées d’asperges. Sur la face, deux pilastres cannelés flanquent le cadran et reçoivent deux pastilles d’où s’échappe une guirlande de fruits et de feuillages. L’ensemble repose sur une base quadrangulaire décorée de panneaux à fond amati dans des réserves et d’une frise continue de feuilles de persil. L’amortissement est orné d’une draperie sur laquelle sont deux enfants, le premier, qui représente une allégorie de la Science, tient un compas et trace des dessins sur une carte, le second est un jeune génie ailé qui le couronne.
Ce modèle connut un immense succès dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. Sa composition est basée sur un dessin conservé à l’Institut national d’Histoire de l’Art à Paris qui sera décliné par Osmond avec certaines variantes (voir H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Band I, Munich, 1986, p.228). Ainsi, nous connaissons notamment un exemplaire conservé au musée Jacquemard-André à Paris sur lequel le bronzier a intégré deux putti supplémentaires qui flanquent le cadran (illustré dans P. Verlet, Les bronzes dorés du XVIIIe siècle, Paris, 1987, p.117, fig.148) ; mais surtout, trois modèles similaires à la pendule présentée sont connus : les deux premiers appartiennent aux collections du Mobilier national, l’un a été livré pour Madame Royale à Versailles en 1778 (voir Le château de Versailles raconte le Mobilier national, 2011, p.153-155), l’autre commandé par le comte d’Artois pour le Palais du Temple en 1777 (voir La folie d’Artois à Bagatelle, 1988, p.108) ; enfin, mentionnons qu’une dernière pendule de ce type, le cadran signé Lepaute de Belle Fontaine, appartient aux collections royales anglaises au château de Windsor (Inv. RCIN30021).
Jean-André et Jean-Baptiste Lepaute
« Lepaute Horloger du Roi à Paris »: Cette signature correspond à la collaboration de deux frères, Jean-André Lepaute (1720-1789) et Jean-Baptiste Lepaute (1727-1802), tous deux nommés horlogers du Roi et qui connurent une carrière hors du commun.
Jean-André, né à Thonne-la-Long en Lorraine, vint à Paris en tant que jeune homme et fut rejoint par son frère en 1747. Leur entreprise, créée de fait en 1750, fut formellement fondée en 1758. Reçu maître par la corporation des horlogers en 1759, Jean-André fut d’abord logé au Palais du Luxembourg and ensuite, en 1756, aux Galeries du Louvre. Jean-André Lepaute a écrit un Traité d’Horlogerie, publié à Paris in 1755. Un petit volume, Description de plusieurs ouvrages d’horlogerie apparut en 1764. En 1748 il épousa la mathématicienne et l’astronome Nicole-Reine Etable de la Brière, qui prédit, entre autres, le retour de la comète Halley.
Jean-Baptiste Lepaute, reçu maître en décember 1776, fut connu pour l’horloge à équation du temps qu’il construisit pour l’Hôtel de ville de Paris (1780, détruite par l’incendie de 1871) et celle de l’Hôtel des Invalides.
Ils travaillèrent notamment, en France, pour le Garde-Meuble de la Couronne et les plus grands amateurs de l’époque, à l’étranger, pour le prince Charles de Lorraine et la reine Louise-Ulrique de Suède.
Jean-Baptiste reprit la direction de l’atelier lors de la retraite de son frère Jean-André en 1775.
Robert Osmond (1711 - 1789)
Le bronzier Robert Osmond nait à Canisy, près de Saint-Lô ; il fait son apprentissage dans l’atelier de Louis Regnard, maître fondeur en terre et en sable, devenant maître bronzier à Paris en 1746. On le trouve d’abord rue des Canettes, paroisse St Sulpice, et dès 1761, dans la rue de Mâcon. Robert Osmond devient juré de sa corporation, s’assurant ainsi une certaine protection de ses droits de créateur. En 1753 son neveu quitte la Normandie pour le rejoindre, et en 1761, l’atelier déménage dans la rue de Macon. Le neveu, Jean-Baptiste Osmond (1742-après 1790) est reçu maître en 1764 ; après cette date, il travaille avec son oncle ; leur collaboration fut si étroite qu’il est difficile de distinguer entre les contributions de l’un et de l’autre. Robert Osmond prend sa retraite vers 1775. Jean-Baptiste, qui continue de diriger l’atelier après le départ de son oncle, connaît bientôt des difficultés ; il fait faillite en 1784. Son oncle Robert meurt en 1789.
Bronziers et ciseleurs prolifiques, les Osmond pratiquaient les styles Louis XV et néoclassiques avec un égal bonheur. Leurs œuvres, appréciées à leur juste valeur par les connaisseurs de l’époque, furent commercialisées par des horlogers et des marchands-merciers. Bien qu’ils aient produit toutes sortes de bronzes d’ameublement, y compris des chenets, des appliques et des encriers, aujourd’hui ils sont surtout connus pour leurs caisses de pendules, comme par exemple celle qui représente le Rapt d’Europe (Musée Getty, Malibu, CA,) dans le style Louis XV, et deux importantes pendules néoclassiques, dont il existe plusieurs modèles, ainsi qu’un vase à tête de lion (Musée Condé de Chantilly et le Cleveland Museum of Art) et un cartel avec rubans ciselés (exemples dans le Stockholm Nationalmuseum et le Musée Nissim de Camondo de Paris). Une pendule remarquable, ornée d’un globe, des amours, et d’une plaque en porcelaine de Sèvres (Louvre, Paris) compte également parmi leurs œuvres importantes.
D’abord voués au style rocaille, au début des années 1760 ils ont adopté le nouveau style néoclassique, dont ils devinrent bientôt les maîtres. Ils fournirent des boîtes aux meilleurs horlogers de l’époque, y compris Montjoye, pour lequel ils créèrent des boîtes de pendules de cartonnier et de pendules colonne ; la colonne étant l’un des motifs de prédilection de l’atelier Osmond.