Importante pendule de cheminée en marbre et bronze doré
« Domingue, Paul et Virginie »

Paris, époque Directoire, vers 1795
Le cadran circulaire émaillé, signé « Kinable à Paris », indique les heures en chiffres romains, les graduations des minutes par tranches de quinze et les quantièmes en chiffres arabes, et marque les secondes par une trotteuse centrale ; il est ceinturé d’une lunette décorée de trois frises à motifs de feuilles stylisées, de tore feuillagé à graines et d’enfilage de perles, et est intégré dans une superbe composition entièrement réalisée en marbre blanc statuaire. De part et d’autre d’un monticule rocheux sommé d’un palmier sont des personnages ; sur le côté droit, est assis un jeune noir légèrement vêtu figurant Domingue ; sur le côté opposé, sont représentés les deux jeunes héros, Paul et Virginie. L’ensemble repose sur une base quadrangulaire à côtés arrondis en marbre griotte d’Italie ornée de cannelures foncées d’asperges en bronze doré et de motifs en bas-reliefs figurant notamment une frise de chérubins composée dans le goût de Clodion. Le tout est supporté par un socle à doucine en marbre blanc bordé de frises d’enfilage de perles, lui-même posé sur un contre-socle profilé en marbre griotte d’Italie et sur six pieds toupies en bronze finement ciselé et doré.
C’est véritablement à la fin de l’Ancien Régime, plus précisément dans la dernière décennie du XVIIIe siècle, qu’apparaissent les premiers modèles de pendules dites « au nègre » ou « au bon sauvage ». Elles font écho à un courant philosophique développé dans quelques ouvrages littéraires et historiques, particulièrement dans le célèbre roman de Bernardin de Saint-Pierre publié en 1787 : Paul et Virginie, qui décrit l’histoire de deux enfants vivant sur l’Île de France qui, bien que de deux familles différentes, furent élevés ensemble comme frère et sœur et tombèrent éperdument amoureux.
Quelques pendules de la fin du XVIIIe siècle reprennent le thème de Paul et Virginie, auquel parfois est associé l’esclave Domingue, confident des deux jeunes héros. Parmi les rares exemplaires répertoriés citons particulièrement un modèle, figurant Virginie et Domingue sous un limonier, qui est conservé au musée François Duesberg à Mons (illustré dans E. Niehüser, Die französische Bronzeuhr, Munich, 1997, p.153). La pendule proposée, certainement unique, offre une thématique relativement proche de celle de l’exemplaire du musée Duesberg, mais son matériau, le marbre blanc statuaire, ainsi que sa composition particulièrement élaborée, en font l’un des plus beaux modèles à ce jour répertoriés. De plus, son cadran émaillé porte la signature Kinable, qui correspond à l’un des meilleurs artisans parisiens de l’époque.
Dieudonné Kinable (actif vers 1790 - 1810)
Dieudonné Kinable figure parmi les plus importants horlogers parisiens de la fin du XVIIIe siècle. Installé au n°131 du Palais Royal, il fut notamment l’un des plus importants acheteurs de caisses de pendules en porcelaine de type lyre auprès de la manufacture de Sèvres en faisant l’acquisition de vingt-et-un boîtiers de ce modèle dans différentes couleurs. Il sut également s’entourer des meilleurs collaborateurs, en faisant particulièrement travailler pour les cadrans de ses pendules les célèbres émailleurs Joseph Coteau (1740-1801) et Etienne Gobin, dit Dubuisson (1731-1815). Sous l’Empire, certaines de ses réalisations sont mentionnées chez les plus grands collectionneurs, notamment chez la duchesse de Fitz-James et chez André Masséna prince d’Essling duc de Rivoli, ancien maréchal de Napoléon.