Rare pendule de cheminée à cadrans tournants en marbre blanc statuaire et bronze finement ciselé et doré
Certainement réalisée sous la supervision de Dominique Daguerre
Paris, fin de l’époque Louis XVI, vers 1785
Les deux cadrans tournants indiquent les heures en chiffres romains et les minutes en chiffres arabes sur des cartouches émaillés fond blanc de forme rectangulaire. Ils sont inscrits dans une caisse originale en forme de reliquaire cylindrique richement orné de bronze très finement ciselé et doré. L’amortissement est formé d’un dôme en marbre blanc, décoré d’enfilage de perles, de guirlandes de feuilles et de fleurs et d’un bouquet sommital à motifs de feuillages, qui est supporté par des montants ajourés en forme de lyres élancées alternées de médaillons à oiseaux et fleurettes agrémentés de branches de lauriers. Le tout repose sur une base circulaire décorée de motifs feuillagés et sur un piédouche ciselé de larges feuilles d’acanthe, lui-même posé sur un socle circulaire en marbre blanc orné de guirlandes florales attachées par des rubans. De part et d’autre, posés sur une terrasse, sont deux jeunes amours ailés, très légèrement drapés d’un voile attaché en bandoulière, qui semblent soutenir le mouvement. L’ensemble repose sur une base polylobée en marbre blanc statuaire dit « de Carrare » élégamment ornée d’enfilages de perles, de frises repercées à courses de rinceaux feuillagés et de rosaces stylisées ; enfin, quatre pieds finement ciselés de godrons ou cannelures turbinées supportent l’ensemble et participent à l’équilibre de la composition.
Le dessin particulièrement élaboré de cette pendule reprend librement un modèle de composition nettement différente, mais sur lequel les deux figures d’enfants sont identiques. Pour ce second modèle, qui rencontra un certain succès, il a été suggéré qu’il fut réalisé par un bronzier parisien, tels que François Rémond ou Pierre-Philippe Thomire, sous la supervision de Dominique Daguerre, le plus important marchand parisien d’objets de luxe de l’époque, qui devait détenir la propriété du modèle et put le faire décliner avec certaines variantes. De ce type, sont notamment connus un premier exemplaire, le cadran signé Guydamour, qui est conservé à la Frick Collection à New York (illustré dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Band I, Munich, 1986, p.280, fig.4.13.2) ; ainsi qu’un second, peut-être le même que le précédent, qui provient des anciennes collections impériales russes dispersées aux enchères à Berlin en 1928 (Rudolph Lepke, les 6-7 novembre 1928, lot 169).
Enfin, citons quelques rares autres pendules identiques à celle que nous proposons présentant parfois d’infimes variantes dans certains motifs ornementaux. Ainsi, une première pendule de ce modèle se trouvait anciennement dans la collection de Madame Brach (parue dans S. de Ricci, Le style Louis XVI, Mobilier et décoration, Paris, planche 163) ; une deuxième figura dans la vente de la célèbre collection de Florence J. Gould (vente Sotheby’s, Monaco, les 25-26 juin 1984, lot 626) ; une troisième, portant un cartouche signé par l’horloger Lenepveu, est reproduite dans P. Kjellberg, Encyclopédie de la pendule française du Moyen Age à nos jours, Paris, 1997, p.295 ; enfin, mentionnons particulièrement une dernière pendule de ce modèle qui a fait partie de la collection d’Annie Kane et appartient de nos jours aux collections du Metropolitan Museum of Art de New York (Inv.26.260.37).
Dominique Daguerre
Dominique Daguerre est le plus important marchand-mercier, comprenez marchand d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle. Ses débuts de carrière restent relativement méconnus et l’on peut considérer qu’il démarre véritablement son activité à partir de 1772, année de son association avec Philippe-Simon Poirier (1720-1785), autre marchand-mercier célèbre et inventeur des pièces d’ébénisterie agrémentées de plaques de porcelaine de la Manufacture royale de Sèvres. Lorsque Poirier se retire des affaires, vers 1777-1778, Daguerre prend la direction du magasin rue du Faubourg Saint-Honoré et garde la raison sociale « La Couronne d’Or ». Conservant la clientèle de son prédécesseur, il développe considérablement l’activité en quelques années et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque en faisant travailler les meilleurs ébénistes du temps, particulièrement Adam Weisweiler, Martin Carlin et Claude-Charles Saunier, le menuisier du Garde-Meuble de la Couronne, Georges Jacob, les bronziers ou ciseleurs-doreurs Pierre-Philippe Thomire et François Rémond et les horlogers Renacle-Nicolas Sotiau et Robert Robin. Ayant porté le luxe « à la française » à son summum, Daguerre, visionnaire et homme d’affaires hors du commun, s’installe en Angleterre vers le début des années 1780 et s’associe avec Martin-Eloi Lignereux, qui reste en charge du magasin parisien. A Londres, patronné par le prince Régent, futur roi George IV, Daguerre participe activement à l’aménagement et à la décoration de Carlton House et du Pavillon de Brighton, en faisant fonctionner à merveille son réseau d’artisans parisiens important de Paris la plupart des meubles, sièges, cheminées, bronzes d’ameublement et objets d’art et facturant, uniquement pour l’année 1787, plus de 14500£ de fournitures. Impressionnés par le talent du marchand, quelques grands aristocrates anglais font également appel à ses services, particulièrement le Comte Spencer pour Althorp où Daguerre collabore avec l’architecte Henry Holland (1745-1806). A Paris, il continue, par l’intermédiaire de son associé Lignereux, à travailler pour les grands amateurs et livre de superbes pièces d’ébénisterie au Garde-Meuble de la Couronne. Probablement très affecté par les troubles révolutionnaires et la disparition de nombreux de ses clients les plus importants, il se retire définitivement des affaires en 1793.