Rare pendule de cheminée de modèle lyre à mouvement apparent en marbre blanc de Carrare et bronze ciselé et doré
Le décor émaillé par Joseph Coteau
Paris, époque Louis XVI, vers 1785
Le cadran annulaire émaillé blanc, signé « Jacques Breant » et « Coteau », indique les heures en chiffres romains, les minutes par tranches de cinq et les quantièmes du mois en chiffres arabes, ainsi que les secondes par quatre aiguilles, dont deux en laiton doré et repercé. Il s’inscrit dans une lyre en marbre blanc statuaire dit « de Carrare » et bronze très finement ciselé et doré à deux tons d’or à décor d’un bouquet de feuilles d’acanthe d’où s’échappent deux montants en cornes ajourées soulignées d’enfilages de perles ou de sphères alternées de pastilles et terminées en enroulements feuillagés d’où retombent des guirlandes de pampres de vigne ; l’amortissement est centré d’un masque rayonnant surmontant un balancier fixe bimétallique. L’ensemble repose sur une base ovalisée moulurée à décor de passementeries attachées à des chaînettes, de rosaces latérales et de réserves à frises de pampres de vigne traitées en entrelacs et centrées d’urnes couvertes « à l’antique ».
Svend Eriksen considère que le modèle de la première véritable pendule lyre figure dans les collections royales suédoises (voir Early Neoclassicism in France, Londres, 1974). En France, la composition générale de la pendule lyre a peu évolué depuis sa création que l’on peut fixer raisonnablement à la fin des années 1750 ou au tout début de la décennie suivante. En revanche, si le dessin des pendules lyre changea peu, les matériaux employés, ainsi que l’ingéniosité et la complexité des mouvements, subirent des changements considérables reflétant l’évolution du goût des amateurs et démontrant l’exceptionnelle habileté de certains horlogers du temps. La grande majorité des modèles connus présente des cadrans annulaires ; l’exemplaire que nous proposons se distingue par la qualité exceptionnelle de la ciselure et de la dorure de son décor de bronze et la sobriété et la précision des inscriptions de son cadran annulaire, œuvre de Joseph Coteau, le plus talentueux émailleur parisien du dernier tiers du XVIIIe siècle.
Le modèle s’inspire plus ou moins directement d’un dessin anonyme qui est conservé au Metropolitan Museum of Art à New York (voir M.L. Myers, French Architectural and Ornamental Drawings of the Eighteenth Century, New York, 1992, p.204, n°121) ; il fut décliné avec de nombreuses variantes dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, mais relevons que les exemplaires sommés de masques rayonnants, symboles du dieu Apollon, qui déclinent les pendules « lyre » en porcelaine de la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, sont les plus aboutis. Parmi les rares horloges répertoriées réalisées dans le même esprit, citons particulièrement : un premier modèle, le cadran de « Louis-Simon Bourdier », qui est conservé au Musée François Duesberg à Mons (paru dans Musée François Duesberg, Arts décoratifs 1775-1825, Bruxelles, 2004, p.24) ; ainsi qu’un deuxième qui était anciennement conservé dans la collection de Jean-Baptiste Diette (illustré dans Tardy, La pendule française, 2ème partie : Du Louis XVI à nos jours, Paris, 1975, p.280, fig.3) ; un troisième figure dans les collections royales anglaises (reproduit dans C. Jagger, Royal Clocks, The British Monarchy & its Timekeepers 1300-1900, 1983, p.132, fig.179) ; enfin, mentionnons une dernière pendule de ce type qui a la particularité de reposer sur une base en porcelaine de Sèvres et est exposée au Musée des Arts décoratifs de Bordeaux (voir Y. et M. Gay, « Les pendules lyre », dans Bulletin de l’Association nationale des Collectionneurs et Amateurs d’Horlogerie ancienne, automne-hiver 1993, n°68, p.36, fig.69).
Jacques-Thomas Bréant (1753 - 1807)
Né à Paris, il est d’abord ouvrier libre, puis devient maître en 1783, date à laquelle il est établi à l’Enclos Saint-Martin-des-Champs. En 1783 son atelier est dans la rue Saint-Martin ; en 1786 il a ouvert une boutique dans le Palais Royal ; en 1795 il est rue du Temple. Il compte parmi ses clients le duc d’Orléans, les marquis de Laval, de la Rochebrochard, d’Aulany et d’Amenoncour, les comtesses de Faudoas et de Vascoeil, le comte de Villefranche et Messieurs Michau de Montaran et L’Espine de Granville, mais il fait faillite en 1786, et encore en 1788. En 1788, on trouve parmi ses créanciers de nombreux monteurs de boîte et d’émailleurs, tels que les bronziers P. Viel, N. Florion, E. Blavet, A. Lemire, P. d’Ecosse et J. B. J. Zaccon, les doreurs C. Galle, J. P. Carrangeot, L. Le Prince, et les émailleurs Merlet, Bezelle, Barbichon et le grand Joseph Coteau.
Joseph Coteau (1740 - 1801)
Joseph Coteau est le plus célèbre émailleur de son temps et collabora avec la plupart des grands horlogers parisiens de l’époque. Il était né à Genève, ville dans laquelle il devint maître peintre-émailleur de l’Académie de Saint Luc en 1766 ; puis il vint s’installer à Paris quelques années plus tard. A partir de 1772, jusqu’à la fin de sa vie, il est installé rue Poupée. Coteau laissa notamment son nom à une technique précieuse d’émaux en relief qu’il mit au point avec Parpette destinée au décor de certaines pièces de porcelaine de Sèvres et qu’il utilisa par la suite pour le décor des cadrans des pendules les plus précieuses ; décorés de ce décor si caractéristique, mentionnons notamment : une écuelle couverte et son plateau qui appartiennent aux collections du Musée national de la Céramique à Sèvres (Inv. SCC2011-4-2) ; ainsi qu’une paire de vases dits « cannelés à guirlandes » conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans le catalogue de l’exposition Un défi au goût, 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740-1793), Musée du Louvre, Paris, 1997, p.108, catalogue n°61) ; et une aiguière et sa cuvette dites « de la toilette de la comtesse du Nord » exposées au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (reproduites dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres, Des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.207, fig.250). Enfin, soulignons, qu’une pendule lyre de l’horloger Courieult en porcelaine bleue de Sèvres, le cadran signé « Coteau » et daté « 1785 », est conservée au Musée national du château de Versailles ; elle semble correspondre à l’exemplaire inventorié en 1787 dans les appartements de Louis XVI au château de Versailles (illustrée dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’Association nationale des collectionneurs et amateurs d’Horlogerie ancienne, automne 1993, n°68, p.32C).