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Bertrand  -  Coteau

Rare pendule lyre à mouvement apparent dit « squelette » en bronze très finement ciselé et doré à deux tons d’or à l’or mat et à l’or bruni et porcelaine de Sèvres imitant le lapis-lazuli

Pendule437-04_BD_MAIL

Cadran signé « Charles Bertrand, Horloger de l’Académie Royale des Sciences » par  Joseph-Charles-Paul Bertrand

Le cadran émaillé par Joseph Coteau

Paris, époque Louis XVI, vers 1780-1785

Hauteur55 cm Largeur24 cm Profondeur13 cm

Provenance :

Ancienne collection de la famille La Rochefoucauld au Château de Verteuil (Charente).

 

Le cadran annulaire émaillé blanc, à décor d’émaux polychromes à guirlandes de cabochons rouges et turquoises et flèches entrecroisées enrubannées, indique les heures en chiffres romains, les minutes par tranches de cinq et le quantième du mois en chiffres arabes par trois aiguilles, dont deux en cuivre repercé et doré en forme de lyre ; il marque les secondes par une trotteuse centrale et présente également dans sa partie haute un motif émaillé en lambrequin à fond bleu lapis signé « Ch. Bertrand Hr. de l’Ace. Rle. Des Sciences ». Le mouvement supportant son balancier bimétallique s’inscrit dans une superbe caisse en lyre entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à deux tons d’or à l’or mat ou à l’or bruni. Les montants, s’échappant d’une large couronne feuillagée nouée d’une corde, se présentent en torsades de perles, joncs ou cordelettes, et se raccordent à la partie supérieure à un entablement à feuilles d’eau surmonté d’un pinacle feuillagé à graine encadré de deux têtes de poules dites « de Houdan » retenant une guirlande fleurie et feuillagée ; le motif sommital en couronne de roses. L’ensemble repose sur une base ovalisée à cavet en porcelaine bleu profond à l’imitation du lapis-lazuli ; enfin, un socle ovale, ceinturé d’une frise de feuilles d’eau et porté par quatre pieds à frises feuillagés, supporte l’horloge.

Svend Eriksen considère que le modèle de la première véritable pendule lyre figure dans les collections royales suédoises (voir Early Neoclassicism in France, Londres, 1974). En France, la composition générale de la pendule lyre a peu évolué depuis sa création que l’on peut fixer raisonnablement à la fin des années 1750 ou au tout début de la décennie suivante. En revanche, si le dessin des pendules lyre changea peu, les matériaux employés, ainsi que l’ingéniosité et la complexité des mouvements, subirent des changements considérables reflétant l’évolution du goût des amateurs et démontrant l’exceptionnelle habileté de certains horlogers du temps.

La grande majorité des modèles connus offre un cadran inscrit dans une lyre en bronze surmontée d’un masque solaire ou de têtes d’aigle ou dans des caisses en porcelaine de Sèvres (voir notamment plusieurs pendules de ce type illustrées dans P. Kjellberg, Encyclopédie de la pendule française du Moyen Age au XXe siècle, Paris, 1997, p.224-227 ; et dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’association nationale des collectionneurs et amateurs d’horlogerie ancienne, 1993, n°68, fig.53 et 62).

Associant harmonieusement les modèles lyre et squelette, la pendule que nous proposons est d’une extrême élégance et se distingue de la plupart des autres exemplaires connus par la qualité de la ciselure et de la dorure à deux tons d’or de son décor de bronze doré et par l’originalité de ses motifs sommitaux en têtes de poules dites « de Houdan », peut-être une allusion à l’origine du commanditaire de l’horloge.

Joseph-Charles-Paul Bertrand (1746 - 1789)

Joseph-Charles-Paul Bertrand, dit Charles Bertrand (Nettancourt 1746-Paris 1789) figure parmi les plus importants horlogers parisiens du règne de Louis XVI. Après avoir effectué son apprentissage chez Eustache-François Houblin, il reçoit ses lettres de maîtrise le 20 février 1772 et installe son atelier rue Montmartre. En l’espace de quelques années, il acquiert un grande notoriété pour la perfection de ses mouvements et est nommé « Horloger de l’Académie Royale des Sciences ». Spécialisé dans la réalisation de pendules squelettes ou à complication, il collabore avec les meilleurs artisans du temps pour la création des caisses de ses horloges, notamment avec Knab pour les boîtiers, Barbichon, Coteau et Borel pour les cadrans, et Jean-Joseph de Saint-Germain et François Vion pour les bronzes. Il se compose une riche clientèle issue du monde de la finance et de la haute aristocratie, parmi laquelle figuraient la marquise de Lambertye et Harenc de Presle ; pour ce dernier il réalisa une belle pendule vase décrite en avril 1795 lors de la vente de la collection de cet amateur : « Un riche vase, de belle forme, enrichi d’anses à double rinceau, avec couvercle, à guirlandes de roses, surmonté d’une pomme de pin, dans le milieu du vase et sur le bandeau on a placé un rond entouré de pierres fausses, avec cadran de montre émaillé de Charles Bertrand, le culot du vase est à côtés saillants de piédouche, élevé sur fût de colonne cannelée, dont la base à tores de laurier. Hauteur 14 pouces, diamètre 8 ».

Enfin, signalons que de nos jours certaines pendules de cet horloger sont conservées dans les plus grandes collections publiques internationales, citons particulièrement celles qui sont exposées au Metropolitan Museum of Art de New York, au Musée national des Techniques à Paris et à la Walters Art Gallery de Baltimore.



Joseph Coteau (1740 - 1801)

Joseph Coteau est le plus célèbre émailleur de son temps et collabora avec la plupart des grands horlogers parisiens de l’époque. Il était né à Genève, ville dans laquelle il devint maître peintre-émailleur de l’Académie de Saint Luc en 1766 ; puis il vint s’installer à Paris quelques années plus tard. A partir de 1772, jusqu’à la fin de sa vie, il est installé rue Poupée. Coteau laissa notamment son nom à une technique précieuse d’émaux en relief qu’il mit au point avec Parpette destinée au décor de certaines pièces de porcelaine de Sèvres et qu’il utilisa par la suite pour le décor des cadrans des pendules les plus précieuses ; décorés de ce décor si caractéristique, mentionnons notamment : une écuelle couverte et son plateau qui appartiennent aux collections du Musée national de la Céramique à Sèvres (Inv. SCC2011-4-2) ; ainsi qu’une paire de vases dits « cannelés à guirlandes » conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans le catalogue de l’exposition Un défi au goût, 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740-1793), Musée du Louvre, Paris, 1997, p.108, catalogue n°61) ; et une aiguière et sa cuvette dites « de la toilette de la comtesse du Nord » exposées au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (reproduites dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres, Des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.207, fig.250). Enfin, soulignons, qu’une pendule lyre de l’horloger Courieult en porcelaine bleue de Sèvres, le cadran signé « Coteau » et daté « 1785 », est conservée au Musée national du château de Versailles ; elle semble correspondre à l’exemplaire inventorié en 1787 dans les appartements de Louis XVI au château de Versailles (illustrée dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’Association nationale des collectionneurs et amateurs d’Horlogerie ancienne, automne 1993, n°68, p.32C).



Manufacture Royale de Sèvres

Patronnée par Louis XV et la marquise de Pompadour, la Manufacture de Vincennes voit le jour en 1740 pour concurrencer les créations de la Manufacture de Meissen, se positionnant ainsi comme sa principale rivale européenne, et sera transférée à Sèvres en 1756, devenant la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres. De nos jours toujours en activité, elle connaîtra tout au long de son histoire d’exceptionnelles périodes de création en faisant appel aux meilleurs artistes et artisans français et européens. Rattachée aux souverains et aux empereurs, elle sera la vitrine du savoir-faire français et la plupart des créations sorties de ses ateliers seront destinées à être offertes en cadeaux diplomatiques ou à participer au décor et au faste des nombreux châteaux et palais royaux et impériaux des XVIIIe et XIXe siècles.