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Raingo

Exceptionnelle pendule-planĂ©taire Ă  musique Ă  quatre colonnes « en rotonde » en placage de loupe d’amboine ou ronce d’acajou et bronze trĂšs finement ciselĂ©, moletĂ© et dorĂ©

Pendule415-06_HD_WEB

Paris, Ă©poque Restauration, vers 1820

Hauteur74 cm DiamĂštre27 cm

Le cadran circulaire Ă©maillĂ© blanc indique les heures en chiffres romains, les minutes par tranches de quinze en chiffres arabes, ainsi que les secondes, par trois aiguilles. Il dissimule le mouvement, auquel est fixĂ© un balancier bimĂ©tallique Ă  lentille centrĂ©e d’un mascaron masculin, qui s’inscrit dans une caisse nĂ©oclassique en forme de temple en rotonde « à l’antique » en placage de loupe d’amboine ou de ronce d’acajou et bronze trĂšs finement ciselĂ©, moletĂ© et dorĂ©. Quatre colonnes, supportĂ©es par des bases carrĂ©es Ă  entablements Ă  frises fleurdelisĂ©es et sommĂ©es de chapiteaux Ă  fines cannelures torses foncĂ©es de perles, reposent sur une base circulaire posĂ©e sur un contre-socle agrĂ©mentĂ© d’une frise de palmettes stylisĂ©es et reposant sur une plinthe quadrangulaire, renfermant une boĂźte Ă  musique Ă  cylindre Ă  vingt-cinq peignes, qui porte une plaque en mĂ©tal dorĂ©, signĂ©e « Raingo Ă  Paris », proposant les rĂ©glages et le remontage de ladite boĂźte Ă  musique ; ces colonnes supportent une plate-forme annulaire, dont l’entablement est ceinturĂ© de frises de canaux ou de fleurettes, surmontĂ©e du planĂ©taire dit « tellurium ». Ce dernier tourne autour du soleil en 365 jours et peut ĂȘtre dĂ©sengrenĂ© manuellement pour les dĂ©monstrations didactiques ou pour le rĂ©glage de la date grĂące Ă  une manivelle latĂ©rale avec pommeau en ivoire tournĂ©e ; il indique sur un grand anneau en mĂ©tal argentĂ©, disposĂ© Ă  l’intĂ©rieur de la platine annulaire, un calendrier zodiacal avec les quantiĂšmes annuels et les douze mois de l’annĂ©e avec leurs signes du zodiaque traitĂ©s en bas-relief en applique ; au centre de l’axe du planĂ©taire est placĂ© le soleil en bronze dorĂ© flanquĂ© d’un cadran en mĂ©tal argentĂ© qui indique l’ñge de la lune de 1 Ă  29 Âœ et ses diffĂ©rentes phases, et supporte la Lune en ivoire, partiellement laquĂ©e noir, placĂ©e en satellite de la Terre traitĂ©e en mappemonde inclinĂ©e surmontĂ©e d’un cadran en mĂ©tal Ă  double numĂ©rotation en chiffres romains de I Ă  XII permettant de connaĂźtre l’heure qu’il est dans les diffĂ©rentes parties du Monde. L’horloge est prĂ©sentĂ©e sous un globe de verre.

Cette exceptionnelle pendule Ă  planĂ©taire peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme le parfait aboutissement technique et esthĂ©tique de ce type d’horloges Ă  complications, dont l’un des premiers modĂšles fut crĂ©Ă© dans les toutes premiĂšres annĂ©es du XVIIIe siĂšcle par l’Anglais John Rowley pour le comte d’Orrery (voir le catalogue de l’exposition SphĂšres, L’art des mĂ©caniques cĂ©lestes, Paris, 2002, p.238-239). Au dĂ©but du XIXe siĂšcle, certains horlogers français cĂ©lĂšbres s’essayĂšrent Ă  la crĂ©ation de ce type de piĂšces exceptionnelles, citons Antide Janvier qui rĂ©alisa notamment un premier exemplaire qui appartient de nos jours au MusĂ©e du Temps de Besançon (illustrĂ© dans M. Hayard, Antide Janvier 1751-1835, Horloger des Ă©toiles, 1995, p.209) et un deuxiĂšme qui est reproduit dans G. et A. Wannenes, Les plus belles pendules françaises, De Louis XIV Ă  l’Empire, Editions Polistampa, Florence, 2013, p.378-379, et mentionnons Ă©galement la Maison « Leroy et Fils » qui collabora sur une horloge parue dans P. Heuer et K. Maurice, European Pendulum Clocks, Decorative Instruments of Measuring Time, Munich, 1988, p.70, fig.122.

Toutefois, relevons que les modĂšles les plus Ă©laborĂ©s et les plus recherchĂ©s par les amateurs europĂ©ens, pour l’élĂ©gance des caisses et pour la perfection des mouvements et des mĂ©canismes, Ă©taient ceux crĂ©Ă©s par l’horloger-mĂ©canicien Zacharie-Joseph Raingo dans les premiĂšres dĂ©cennies du XIXe siĂšcle. DĂšs 1810, Raingo avait dĂ©posĂ© un brevet, annexĂ© d’un dessin, pour un modĂšle en bronze dorĂ© qui semble correspondre Ă  celui commandĂ© par Paul Arconati, baron de Gaesbeek, pour ĂȘtre offert au sultan de Turquie ; pendule jamais livrĂ©e qui demeura dans la famille Gaesbeek jusqu’à son acquisition par le MusĂ©e du Cinquantenaire de Bruxelles (illustrĂ©e dans A-M. Berryer et L. Dresse de LĂ©bioles, La mesure du temps Ă  travers les Ăąges aux MusĂ©es royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles, 1974, p.92). Enfin, citons quelques rares autres modĂšles de Raingo de composition similaire Ă  celui que nous proposons, la plupart inscrits dans des rotondes Ă  colonnes en placage d’acajou ou de loupe : un premier est illustrĂ© dans P. Kjellberg, EncyclopĂ©die de la pendule française du Moyen Age au XXe siĂšcle, Paris, 1997, p.376 ; un deuxiĂšme, entiĂšrement en bronze ciselĂ© et dorĂ©, appartient aux collections royales espagnoles (reproduit dans J. Ramon Colon de Carvajal, Catalogo de Relojes del Patrimonio nacional, Madrid, 1987, p.144, catalogue n°122) ; trois modĂšles sont parus dans Tardy, La pendule française, 2Ăšme partie : Du Louis XVI Ă  nos jours, Paris, 1975, p.418 ; enfin, mentionnons qu’une derniĂšre pendule de ce type, quasiment identique Ă  celle que nous proposons, fait partie des collections royales anglaises (voir C. Jagger, Royal Clocks, The British Monarchy & its Timekeepers 1300-1900, Londres, 1983, p.168, fig.229).

Pour terminer, relevons particuliĂšrement qu’une pendule de ce type fut longuement dĂ©crite au moment de son passage aux enchĂšres en mai 1830 lors de la dispersion de la collection de Monsieur Maneffe de Bruxelles : « Pendule scientifique. De l’invention et exĂ©cution de M. Raingo, horloger, natif de Mons. ApprouvĂ©e par les membres de l’Institut et du Conservatoire, ainsi que par les rapports honorables du ministre de l’intĂ©rieur de France. A cette pendule est annexĂ©e une sphĂšre propre par sa rotation Ă  dĂ©montrer les Ă©lĂ©ments de la cosmographie et gĂ©ographie. Elle est d’une forme nouvelle et agrĂ©able, sur 13 pouces de diamĂštre et 25 de hauteur. Les effets sont obtenus par des moyens simples et d’une invention Ă  ne pouvoir dĂ©sirer rien de plus parfait en ce genre. Son utilitĂ© est indispensable pour la dĂ©monstration de la vĂ©ritĂ© du systĂšme de Copernic, et des rĂ©volutions qui ne laissent aucun doute sur les phĂ©nomĂšnes de la nature, reprĂ©sentĂ©s avec la plus grande prĂ©cision. 1e elle rend le mouvement annuel et journalier de la terre autour du soleil dans son inclinaison parfaite de l’écliptique. 2e La terre en parcourant l’écliptique forme son mouvement elliptique, en se rapprochant et s’éloignant du soleil, selon les saisons, et indique, dans la proportion la plus exacte, la marche constante de la nature. 3e La terre, par son mouvement variĂ©, trace la marche du temps, occasionnĂ©e par les mĂȘmes causes que nous offre la nature, et sert Ă  diffĂ©rentes observations sur le globe. 4e Les cercles se meuvent autour du globe sur tous les sens, et nous donnent la croissance et dĂ©croissance des jours, selon les saisons, pour tous les pays du monde. 5e Des indicateurs mobiles dĂ©signent l’heure du lever et coucher du soleil de chaque jour, et pour tous les pays ; son Ă©lĂ©vation, sa dĂ©clinaison, quels cercles il dĂ©crit. Ces indicateurs offrent encore les quatre saisons au moment des Ă©quinoxes des solstices. 6e Un cadran mobile qui se trouve au-dessus de la terre, nous fait connaĂźtre Ă  volontĂ© l’heure de tel ou tel pays, ainsi que les heures des jours et des nuits. 7e Le mouvement journalier et annuel de la lune autour de la terre, avec ses phases. 8e La lune forme son mouvement Ă©cliptique qui donne son apogĂ©e, son pĂ©rigĂ©e et la variĂ©tĂ© des jours lunaires d’aprĂšs ses effets progressifs. 9e Un indicateur montre l’heure du lever et coucher de cette planĂšte dans tous les pays du monde. 10e La marche des jours lunaires est indiquĂ©e par la rotation mĂȘme de la lune. 11e La sphĂšre, en parcourant l’écliptique, marque les jours des mois, leur nom, les degrĂ©s et signes du zodiaque. 12e La marche des annĂ©es communes et bisextiles, indique, par son propre mouvement, l’époque Ă  laquelle il faut remonter le rouage de la sphĂšre, ce qui n’arrive que tous les quatre ans. La sphĂšre se sĂ©pare de la pendule pour en dĂ©montrer les effets, par le moyen de la manivelle d’un rouage particulier que l’on accĂ©lĂšre Ă  volontĂ©. A cette pendule est adaptĂ© un concert mĂ©canique de flĂ»te, jouant Ă  toutes les heures Ă  volontĂ©. Cette dĂ©couverte a coĂ»tĂ© Ă  l’inventeur sept annĂ©es de travail pour parvenir Ă  son entiĂšre perfection ».

Zacharie-Joseph Raingo

La vie de Zacharie Raingo est relativement peu connue ; son activitĂ© s’étend de 1795 Ă  1830 environ. NĂ© Ă  Mons en Belgique le 2 juillet 1775, Zacharie-Joseph Raingo est le fils de l’horloger Nicolas-Joseph Raingo. FormĂ© dans l’atelier paternel, il travaille Ă  Tournai de 1795 Ă  1807, puis dĂ©veloppe son activitĂ© Ă  Gand Ă  partir de 1810, enfin, il dĂ©cide de venir s’installer Ă  Paris rue de ClĂ©ry en 1813. C’est au moment de son installation dans la capitale que Raingo se spĂ©cialise dans la rĂ©alisation de pendules-planĂ©taires particuliĂšrement perfectionnĂ©es munies de mĂ©canismes de rotation des sphĂšres destinĂ©s Ă  dĂ©montrer les positions et les trajectoires des corps cĂ©lestes du systĂšme solaire connu alors Ă  l’époque ; il dĂ©pose alors un brevet afin de protĂ©ger ses recherches. Il rencontre rapidement une grande notoriĂ©tĂ© auprĂšs des grands amateurs d’horlogerie et reçoit, dĂšs 1823, le titre d’Horloger-MĂ©canicien de S.A.S Monseigneur le duc de Chartres (futur roi Louis-Philippe), puis, l’annĂ©e suivante, celui d’Horloger-MĂ©canicien du Garde-Meuble de la Couronne.

Raingo devint en l’espace de quelques annĂ©es l’horloger de prĂ©cision le plus cĂ©lĂšbre des Ă©poques Empire et Restauration. Ainsi, relevons qu’une pendule de l’horloger Ă©tait briĂšvement dĂ©crite en 1834 lors de la dispersion aux enchĂšres de la collection de Jacques Laffitte (l’un des conseillers financiers de NapolĂ©on et surnommĂ© le Roi des Banquiers) : « Une pendule sur colonnes en acajou, ornĂ©e de cuivres dorĂ©s, mouvement mĂ©canique de M. Raingo. »

Quatre de ses fils, Adolphe-Hubert-Joseph, Charles-François-Victor, Denis-Lucien-Alphonse et Dorsant-Emile-Joseph, suivent la carriĂšre de leur pĂšre et la Maison « Raingo FrĂšres » est fondĂ©e en 1823, l’atelier est transfĂ©rĂ© quelques annĂ©es plus tard au 8 de la rue de Touraine. Lors de l’Exposition des Produits de l’Industrie de 1844, le jury rĂ©compense la SociĂ©tĂ© en la citant avec Ă©loge :

« MM. Raingo frĂšres, Ă  Paris, rue Saintonge, 11. Avant de parler de leurs produits, disons un mot de ces fabricants : c’est une famille d’industriels composĂ©e de quatre frĂšres dont l’intelligence est constamment acquise Ă  la prospĂ©ritĂ© de leur Ă©tablissement, Ă  Paris et Ă  l’étranger. La partie commerciale domine, et le chiffre de leur exportation est considĂ©rable. Dans la grande quantitĂ© d’objets exposĂ©s, nous avons remarquĂ© une pendule Louis XIV, le char de Neptune, accompagnĂ©e de deux candĂ©labres et de deux vases trĂšs riches ; une pendule, forme Renaissance, ornĂ©e de porcelaines peintes, et des potiches garnies de bronzes ; deux groupes, sujets de chasse ; une pendule, la PoĂ©sie et l’Eloquence, avec candĂ©labres Ă  enfants, sont des tĂ©moignages du zĂšle et de l’activitĂ© qui rĂšgnent dans cette fabrique. En considĂ©ration de l’importance de cette maison et des services rendus au commerce, le jury dĂ©cerne Ă  MM Raingo frĂšres la mĂ©daille de bronze » (Rapport du jury central, Exposition des produits de l’industrie française en 1844).

De nos jours, certaines rĂ©alisations de la Maison Raingo appartiennent aux plus importantes collections privĂ©es et publiques internationales, citons notamment les pendules conservĂ©es dans les collections royales anglaises au chĂąteau de Windsor, au Kelvin Grove Museum de Glasgow, au Science Museum de Londres, au MusĂ©e Poldi Pezzoli de Milan, au MusĂ©e d’Art et d’Histoire Ă  Bruxelles et au MusĂ©e des Arts et MĂ©tiers Ă  Paris.