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Pons  -  Dubuisson  -  Schwerdfeger
Dubuisson (1731-1815)

Exceptionnel régulateur en acajou et placage acajou à échappement dit « à force constante »

APF_Régulateur012_03

Le cadran émaillé par Etienne Gobin, dit Dubuisson

Dans une caisse en acajou attribuée à Ferdinand Schwerdfeger

Paris, époque Empire, la platine signée et datée 1806

Hauteur201.5 Largeur52.5 Profondeur26.5

Le cadran principal annulaire émaillé, inscrit dans une lunette moulurée, marque les secondes par tranches de cinq, toutes les deux unités, par une trotteuse centrale ; il renferme un second cadran auxiliaire circulaire, indiquant les heures en chiffres romains et, par tranches de quinze, les graduations des minutes par deux aiguilles en acier bleui, qui se détache sur une platine en cuivre ou bronze doré inscrite « Remontoir Inventé & Exécuté par Honoré Pons 1806 » qui possède un guichet en croissant, gradué de 0 à 14, indiquant la réserve de marche de quatorze jours. Les revers des cadrans portent la marque « Dub », signature abréviative d’Etienne Gobin, dit Dubuisson, l’un des plus célèbres émailleurs parisiens de l’époque, confrère et principal concurrent de Joseph Coteau. Le mouvement est mu par un petit poids de quelques grammes qui fait office de force motrice et actionne, de fait, le lourd balancier bimétallique à gril soutenu par une suspension à couteau, dont la lentille désigne par un dard un bandeau émaillé indiquant « les degrés du cercle » par une double graduation de 0 à 2. L’ensemble est renfermé dans une superbe caisse néoclassique en acajou et placage d’acajou, à corniche débordante moulurée, surmontée d’un entablement rectangulaire reposant sur une gaine oblongue ouvrant en façade par un vantail foncé d’une glace et supportée par une base pleine à panneaux en ressaut posée sur une plinthe quadrangulaire à doucine ; sa composition architecturée, la qualité parfaite des assemblages et des feuilles d’acajou, permettent de la rattacher à l’œuvre de Ferdinand Schwerdfeger, ancien ébéniste de la reine Marie-Antoinette, qui s’était spécialisé sous l’Empire dans la création de caisses de pendules et de régulateurs.

Témoignage exceptionnel de la perfection des mécanismes et de l’inventivité d’Honoré Pons, le régulateur que nous proposons peut être considéré comme un véritable prototype horloger. Il s’inscrit dans la lignée des réalisations de cet horloger génial, élève des Lepaute et de Janvier, proche collaborateur des Berthoud et de Lépine, sans équivoque l’un des horlogers les plus brillants de son époque ; travaillant particulièrement sur les échappements, il construisit notamment une série de dix échappements de démonstration, chefs-d’œuvre pédagogiques, qui furent offerts en 1852 par le baron Armand-Pierre Seguier (1803-1876) à l’Ecole d’Horlogerie de Paris et appartiennent aujourd’hui aux collections du Musée des Techniques du Conservatoire National des Arts et Métiers. Pons déposa de nombreux brevets d’invention et de perfectionnement et participa à plusieurs grandes expositions au cours desquelles il remporta de nombreuses récompenses, telles des médailles d’argent aux expositions de Paris de 1819 et 1823 et des médailles d’or à celles de 1827, 1834, 1839 et 1844. L’exemplaire proposé témoigne de la passion de Pons pour l’horlogerie de précision héritée de son ancien maître Antide Janvier (1751-1835) ; sa date de fabrication, 1806, coïncide avec l’une des périodes les plus créatives de l’horloger au cours de laquelle il fut notamment, cette même année 1806, encensé par la critique lors de la présentation par Honoré Pons de certaines pièces à l’Exposition des Produits de l’Industrie française :

 

« M. Pons, rue de la Huchette, n°16, à Paris

   A présenté plusieurs horloges, dont le pendule composé fait des vibrations de demi-seconde avec des arcs constans, au moyen d’un mécanisme ajouté à l’échappement libre.

  Toutes les pendules présentées par M. Pons sont construites avec intelligence, et exécutées avec la plus grande perfection ; la régularité de leur marche a été constatée par des observations astronomiques.

   Le jury décerne à M. Pons une médaille d’argent de Ier classe ».

(Exposition de 1806, Rapport du jury sur les produits de l’industrie française présenté à S.E.M de Champagny, Ministre de l’intérieur, Imprimerie impériale, Paris, 1806, n°443).

Pierre-Honoré-César Pons (1773 - 1851)

Né à la fin de l’année 1773 rue Mouffetard à Paris, Honoré Pons démontre très jeune un intérêt pour l’étude des sciences et particulièrement pour la démonstration du décompte du temps qui le destine à devenir horloger. Ainsi, en 1789, après de sérieuses études chez les pères jésuites de la rue Mouffetard, il débute sa formation chez Antide Janvier, le plus brillant horloger de l’époque. Mais cette période est loin d’être propice à l’apprentissage, la Révolution éclate et les anciennes corporations d’artisans sont balayées par la tourmente révolutionnaire. Toutefois, Pons garde d’excellents rapports avec Janvier qui le recommande auprès des Lepaute ; en 1798, il entre en tant que pendulier dans cet atelier prestigieux dans lequel il va parfaire sa formation et acquérir la passion de la haute horlogerie de précision. Fort de cette expérience, il installe en 1803 son propre atelier rue de la Huchette, près de la place Saint-Michel. Les débuts son prometteurs, mais Pons est obligé financièrement de conserver une activité de sous-traitant pour certains de ses célèbres confrères installés de l’autre côte de la Seine, notamment les Berthoud, Breguet et Lépine. Ce rôle secondaire lui permet de maintenir son activité, mais surtout il lui donne les moyens de poursuivre sa quête « obsessionnelle » de la démonstration du décompte du temps en travaillant à l’invention de nouveaux échappements originaux et à la création de machines perfectionnées pour tailler les engrenages et obtenir un poli parfait des ailes des pignons. Soutenu par Ferdinand Berthoud, qui est impressionné par son génie inventif, Pons présente en janvier 1804 à l’Académie des Sciences ses Observations sur l’échappement libre ; le compte rendu du jury est élogieux et le jeune horloger reçoit les félicitations de l’Académie.

Cette première partie de carrière, particulièrement encourageante, s’effectue en parallèle avec l’écroulement de la production horlogère de Saint-Nicolas d’Aliermont, petite cité près de Dieppe, qui s’était fait une spécialité dans la production de mouvements de pendule faits en blanc pour être finis à Paris. Cet effondrement est mis en exergue dans un rapport du préfet Savoye-Rollin adressé au comte de Champagny, ministre de Napoléon chargé notamment des Beaux-arts, de l’Industrie et du Commerce. Immédiatement Champagny ordonne à l’Académie des Sciences de trouver un homme compétent pour relancer l’industrie horlogère aliermontaise et logiquement les académiciens se tourne vers Honoré Pons et son outillage perfectionné. Convoqué sur le champ, Pons est dans un premier temps sceptique, mais, pour l’encourager dans sa décision, l’Etat lui propose de racheter généreusement ses machines et de les laisser à sa disposition pour équiper ses futurs ateliers de Saint-Nicolas ; l’horloger accepte, quitte Paris avec ses huit machines et réorganise, dès son arrivée, totalement la production. Moins de deux années plus tard, en juin 1808, l’objectif de Pons de produire des mouvements d’une qualité exceptionnelle est atteint et le célèbre Breguet, chargé d’examiner au nom du Comité des Arts mécaniques un mouvement de pendule présenté à la Société des Arts par Monsieur Pons horloger, rapporte :

« J’ai examiné moi-même avec le plus grand soin, et fait visiter à fond par des penduliers honnêtes et bons praticiens, le mouvement de pendule que M. Pons a présenté à la Société. Nous avons jugé que si cet artiste peut continuer de fournir au commerce des mouvements de cette qualité pour 40 F (francs), il aura fait faire un très grand pas aux moyens d’exécution de cette partie de l’horlogerie, qui est véritablement la première à soigner pour faire de bonnes pendules.

Le mouvement de M. Pons est très supérieur à ceux de dimensions égales, qui se vendent 50 F, et il a encore sur eux l’avantage d’avoir des dentures bien formées et très égales, ce qui est fort important, et ce qu’on rencontre malheureusement trop rarement dans les ouvrages de fabrique. La cage de celui-ci est remarquablement bien montée, les pignons sont ronds et les tiges bien trempées.

Il suit de ce qui précède que M. Pons est parvenu à faire des mouvements de pendule qu’il peut livrer à environ un cinquième meilleur marché ; ils sont beaucoup mieux exécutés et d’une qualité supérieure à ceux qu’on a pu se procurer jusqu’à présent dans toutes les fabriques. En perfectionnant ainsi un art qui a tant de consommateurs, M. Pons est directement utile au commerce et au public, et mérite par là tout l’encouragement que la Société peut se permettre de lui accorder. »

Quelques mois plus tard, dans le rapport traditionnel fait à Napoléon par les Académiciens sur les progrès des sciences en France, Honoré Pons est une nouvelle fois mis à l’honneur :

« Quelques jeunes gens s’élèvent qui montrent déjà un talent distingué et qui, si le bel art de l’horlogerie n’est pas abandonné à la pente qui le menace de sa chute, remplaceront un jour les grands maîtres. Le premier de ces jeunes gens, M. Pons n’est pas loin de s’asseoir à côté d’eux. Ses échappements sont très beaux ; il aime son art ; il est penseur ; sa machine à fendre les roues et les pignons est un trait de génie ».

Ainsi, les produits réalisés par Pons à Saint-Nicolas, puis commercialisés à Paris dans le dépôt de la rue de la Barillerie sur l’île de la Cité, étaient d’une qualité sans égale et tous les grands penduliers venaient s’approvisionner dans son magasin parisien. Ils consistaient en une ébauche de mouvement dite « mouvement en blanc » ou « blancs roulants » comprenant les deux platines, la minuterie complète, le rouage de sonnerie (dépourvu du timbre), les barillets et le rouage horaire dans lequel la roue d’échappement n’est pas taillée. Achetés rue de la Barillerie, ces mouvements étaient ensuite terminés par les horlogers parisiens, qui sélectionnaient le modèle et la denture de l’échappement, assemblaient le tout et l’intégraient dans une boîte, créant ainsi une « pendule de Paris ». En l’espace de quelques années, Pons positionna la fabrique de Saint-Nicolas d’Aliermont comme la première fabrique de « blancs roulants » de France. Reconnu par ses pairs et par les grands amateurs de belle horlogerie, le roi Louis Philippe lui décerna en 1839 la croix de la Légion d’Honneur. En 1846, après une brillante carrière, il vendit son entreprise à Borromée Délépine et se retira des affaires dans son luxueux hôtel particulier parisien situé au 20, rue Cassette.



Dubuisson (1731 - 1815)

Étienne Gobin, dit Dubuisson, est l’un des meilleurs émailleurs parisiens de la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème. Vers le milieu des années 1750 il travaille à la manufacture de Sèvres, établissant par la suite son propre atelier. Il est mentionné dans les années 1790 dans la rue de la Huchette et vers 1812, dans la rue de la Calandre. Spécialisé dans les boîtes de montres et cadrans émaillées, il est réputé pour son habileté exceptionnelle et la représentation de détails.



Ferdinand Schwerdfeger (1734 - 1818)

Ferdinand Schwerdfeger figure parmi les plus importants ébénistes parisiens de la fin du XVIIIe siècle. Après son accession à la maîtrise, en mai 1786, il installe son atelier dans la capitale et connaît immédiatement une grande notoriété. Cependant, son œuvre demeure relativement méconnue ; dû à sa date de maîtrise tardive et au fait que l’artisan estampilla peu. Parmi les quelques meubles qui peuvent lui être attribués avec certitude, mentionnons un ensemble livré pour Marie-Antoinette, ainsi que quelques caisses de régulateurs et de pendules dont les cadrans sont signés par les plus grands horlogers de l’époque, particulièrement Antide Janvier, Jean-Simon Bourdier et Robert Robin (voir M-A Paulin, Schwerdfeger, ébéniste de Marie-Antoinette, in L’Estampille/L’Objet d’art, octobre 2003).



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