Exceptionnelle pendule dite régulateur de bureau « à équation du Temps » à mouvement à complication de type squelette

Le décor émaillé par Joseph Coteau
Le ressort daté « 1783 » et signé par Etienne-Claude Richard
Paris, époque Louis XVI, vers 1783
Provenance :
– Vente Sotheby’s, Monaco, le 3 mars 1990.
– Galerie Aveline, Paris.
Le cadran annulaire émaillé blanc, signé « Coteau » et daté « 1782 », indique les heures en chiffres romains, les minutes par tranches de cinq en chiffres arabes, ainsi que le calendrier annuel, l’équation du temps, marquant la différence entre le Temps vrai, solaire, et le Temps moyen, terrestre basé sur vingt-quatre heures, et les secondes par cinq aiguilles, dont trois en cuivre doré, gravé ou repercé ; il est richement agrémenté sur sa bordure extérieure de médaillons ovalisés renfermant de fines peintures polychromes relatives aux douze signes du zodiaque reliées entre-elles par des guirlandes dorées rythmées de mascarons en bucranes et soulignées de cabochons en relief couleur vert ou corail à perles et olives alternées. Le mouvement, à sonnerie des heures et des demi-heures, supporte son balancier à compensation bimétallique terminé par une lentille circulaire guillochée à jeux ou frises de filets, ondes, canaux ou perles ; il s’inscrit dans une borne néoclassique en pilastre architecturé formé de deux plaques à panneaux vitrés entièrement réalisées en bronze très finement ciselé, moleté et doré à l’or mat ou à l’or bruni décorées de réserves géométriques encadrées de bandeaux à filets, canaux ou brettés. La partie inférieure porte la signature gravée « Lepaute de Bellefontaine Hger de Monsieur à Paris ». L’ensemble repose sur une terrasse ovale unie supportée par une base oblongue à côtés arrondis en marbre vert de mer ; enfin, quatre pieds pastilles, en toupies aplaties agrémentées de doubles cordelettes, supportent l’horloge.
La composition particulièrement épurée et élégante de cet exceptionnel régulateur de bureau est une parfaite illustration de l’aboutissement des recherches entreprises par les grands horlogers parisiens du règne de Louis XVI pour dévoiler l’ingéniosité et la perfection de leurs mouvements. En associant brillamment le modèle de type squelette à celui du régulateur de bureau, Lepaute de Bellefontaine nous livre ici une création particulièrement aboutie en mettant l’accent sur les matériaux rares et luxueux, minutieusement sélectionnés par l’horloger, et sur le perfectionnement et la précision du mécanisme. De nos jours, parmi les rares exemplaires répertoriés réalisés dans le même esprit, citons particulièrement : un premier modèle de Ferdinand Berthoud qui est illustré dans P. Heuer et K. Maurice, European Pendulum Clocks, Decorative Instruments of measuring Time, Munich, 1988, p.71 ; ainsi qu’un deuxième, à deux cadrans auxiliaires et poids moteur, qui est paru dans Tardy, La pendule française, 2ème Partie : Du Louis XVI à nos jours, Paris, 1974, p.355 ; un troisième, signé « Robin Gallerie du Louvre », présente un cadran principal et quatre petits cadrans et appartient aux collections du Musée international d’horlogerie à La-Chaux-de-Fonds (paru dans le catalogue de l’exposition La Révolution dans la mesure du Temps, La-Chaux-de-Fonds, 1989, p.40-41) ; enfin, mentionnons une dernière pendule de ce type, attribuable à Robert Robin, qui est exposée au Franklin Institute à Philadelphie (voir F.B. Royer-Collard, Skeleton Clocks, Londres, 1977, p.72).
Jacques-Joseph Lepaute (1750 - 1796)
Cette signature correspond à Jacques-Joseph Lepaute (1750-1796), dit « de Bellefontaine », l’un des plus talentueux horlogers parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Probablement apparenté à la célèbre famille Lepaute originaire de Thonne-la-Long, il naît à Bellefontaine près de Luxembourg et vient s’installer relativement jeune à Paris. Après avoir œuvré probablement en tant qu’ouvrier libre, il fait enregistrer ses lettres de maîtrise et connaît rapidement une importante notoriété auprès des amateurs d’horlogerie de luxe. Successivement installé rue Saint-Honoré, rue Neuve des Petits-Champs et rue des Gravilliers, son atelier réalise quelques-unes des plus belles créations horlogères du dernier tiers du XVIIIe siècle. Toutefois, l’horloger rencontre quelques difficultés financières à la fin des années 1770 et son fonds de commerce sera prisé listant ses principaux collaborateurs parmi lesquels figuraient les ciseleurs-doreurs ou fondeurs Robert et Jean-Baptiste Osmond, François Rémond, Michel Poisson et Joseph-Noël Turpin, ainsi que l’émailleur Joseph Coteau et le fabricant de ressorts Etienne-Claude Richard. Quelques années plus tard, Lepaute est mis à l’honneur, puisqu’il reçoit le titre convoité « Horloger de Monsieur », en l’occurrence Louis-Stanislas-Xavier de France, Comte de Provence, frère de Louis XVI et futur Louis XVIII (1815-1824). Parallèlement, il développe son activité en livrant notamment quelques horloges au Prince Charles de Lorraine et en recevant commande d’une pendule monumentale aux armes de Stanislas Augustus Poniatowski, roi de Pologne ; quelques décennies plus tard, une de ses horloges est prisée au moment de l’inventaire après décès d’Antoine-César de Choiseul-Praslin duc de Praslin, général et sénateur. Enfin, de nos jours, certaines de ses réalisations appartiennent à d’importantes collections publiques et privées internationales, citons particulièrement celles exposées ou conservées à la Wallace Collection et au Victoria & Albert Museum à Londres, au Palais royal de Varsovie, aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles et dans les collections royales britanniques.
Joseph Coteau (1740 - 1801)
Joseph Coteau est le plus célèbre émailleur de son temps et collabora avec la plupart des grands horlogers parisiens de l’époque. Il était né à Genève, ville dans laquelle il devint maître peintre-émailleur de l’Académie de Saint Luc en 1766 ; puis il vint s’installer à Paris quelques années plus tard. A partir de 1772, jusqu’à la fin de sa vie, il est installé rue Poupée. Coteau laissa notamment son nom à une technique précieuse d’émaux en relief qu’il mit au point avec Parpette destinée au décor de certaines pièces de porcelaine de Sèvres et qu’il utilisa par la suite pour le décor des cadrans des pendules les plus précieuses ; décorés de ce décor si caractéristique, mentionnons notamment : une écuelle couverte et son plateau qui appartiennent aux collections du Musée national de la Céramique à Sèvres (Inv. SCC2011-4-2) ; ainsi qu’une paire de vases dits « cannelés à guirlandes » conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans le catalogue de l’exposition Un défi au goût, 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740-1793), Musée du Louvre, Paris, 1997, p.108, catalogue n°61) ; et une aiguière et sa cuvette dites « de la toilette de la comtesse du Nord » exposées au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (reproduites dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres, Des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.207, fig.250). Enfin, soulignons, qu’une pendule lyre de l’horloger Courieult en porcelaine bleue de Sèvres, le cadran signé « Coteau » et daté « 1785 », est conservée au Musée national du château de Versailles ; elle semble correspondre à l’exemplaire inventorié en 1787 dans les appartements de Louis XVI au château de Versailles (illustrée dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’Association nationale des collectionneurs et amateurs d’Horlogerie ancienne, automne 1993, n°68, p.32C).
Etienne-Claude Richard
Etienne-Claude Richard est un fabricant de ressorts, reçu maître à Paris en 1775.