Importante pendule de cheminée dite « à musique » en bronze rocaille très finement ciselé et doré à l’or mat
Cadran signé « Gille L’aîné à Paris » pour Pierre Ier François Gille, dit Gille l’Aîné (1690-1765)
Mécanisme de la boite à musique signé « Gille Fils à Paris » pour Pierre II Gille « (1723-1784)
Caisse signée « Dumont » probablement pour le bronzier-fondeur Antoine-François Dumont (actif vers 1750-1760)
Paris, époque Louis XV, vers 1755
La caisse doublement insculpée « DUMONT »
Les anciens ressorts signés et datés « Buzot Debre (décembre) 1755 » par le fabricant de ressorts
Le cadran circulaire émaillé blanc, signé « Gille L’aîné à Paris », indique les heures en chiffres romains et les minutes par tranches de cinq en chiffres arabes pas deux aiguilles en cuivre repercé et doré. Le mouvement, à sonnerie des heures et des demi-heures et dont la platine est signée « Gilles L’aîné à Paris » et numérotée « 590 », est renfermé dans une caisse rocaille entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat. L’amortissement est orné d’un putto légèrement drapé assis sur une crosse à enroulement et tenant une torche étoilée ; la lunette est entourée de motifs ondés ; la caisse, richement agrémentée de branchages et feuillages à graines, repose sur des pieds en enroulements à rinceaux ; la vue dévoilant le mouvement du balancier est ponctuée d’un large motif rocaille. L’ensemble repose sur une base à pieds à enroulements feuillagés rythmée de branchages, feuillages et rinceaux et décorée de panneaux ajouré à motifs découpés sur lesquels se détachent sur la façade des branchages de chêne et un trophée allégorique à la Musique ; l’intérieur de la base renferme son mécanisme musical à douze airs différents déclenchés au passage des heures qui porte la signature « Gille Fils à Paris ». Le bronze sur lequel le putto est assis est insculpé « DUMONT » au dos de la pendule. Une seconde insculpation « DUMONT » a été réalisée au-dessus de la boîte à musique.
Réalisée dans le plus pur esprit rocaille du milieu du XVIIIe siècle, cette rare pendule se distingue notamment par sa base renfermant une boite à musique et par sa composition générale relativement proche d’un modèle créé à la même époque par le bronzier Jean-Joseph de Saint-Germain, dont un exemplaire est illustré dans G. et A. Wannenes, Les plus belles pendules françaises de Louis XIV à l’Empire, Florence, 2013, p.152 ; toutefois, soulignons que le modèle que nous proposons est nettement plus représentatif de l’esprit décoratif asymétrique.
Les deux signatures différentes d’horlogers sur cette pendule, « Gille l’Aîné à Paris » et « Gille Fils à Paris », semblent indiquer la collaboration entre le père Pierre Ier François Gille (1690-1765) et son fils Pierre II Gille (1723-1784). Le mécanisme d’horlogerie aurait donc été réalisé par le père, tandis que le mécanisme de la boite à musique aurait été conçu par le fils.
Quant aux insculpations « DUMONT », elles ont été faîtes par le créateur et propriétaire exclusif du modèle, le bronzier Dumont. En prenant en compte la datation de la présente pendule, il est très probable que le Dumont en question soit Antoine-François Dumont, sachant que celui-ci devint maître bronzier en 1753. Il ne déclina ce modèle si particulier qu’en de très rares exemplaires.
Ainsi, parmi les rares pendules identiques connues, citons deux horloges, mais dépourvus du putto sommital : la première, figurant sur la cheminée du salon de l’Hôtel de Feuquières décoré par Henri Samuel, se trouvait anciennement dans la collection de Robert Zellinger de Balkany (reproduite dans E. Evans Eerdmans, Henri Samuel, Master of the French Interior, New York, 2018, p.146-147) ; tandis que la seconde, portant la signature de l’horloger Martre à Bordeaux et du bronzier Dumont, appartient aux collections du Metropolitan Museum of Art à New York (voir H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Munich, 1986, p.126, fig.2.8.11, et E. Niehüser, Die französische Bronzeuhr, Munich, 1997, p.198, fig.39).
« Gille l’Aîné à Paris » et « Gille Fils à Paris » :
Ces deux signatures correspondent à la collaboration de deux horlogers parisiens, père et fils. En effet, jusqu’en 1765, la signature « Gille L’Aîné » est utilisée par Pierre Ier François Gille (1690-1765), tandis que son fils Pierre II Gille (1723-1784) signait ses cadrans « Gille L’Aîné Fils ».
Après son accession à la maîtrise le 18 novembre 1746, en tant que fils de maître, Pierre II Gille installe son atelier rue Saint-Martin, rue Saint-Denis et rue aux Ours. Au début de sa carrière il travaille avec son père, puis dirige son propre atelier au milieu du XVIIIe siècle et rencontre immédiatement un immense succès auprès des grands collectionneurs. A la mort de son père en 1765, Pierre II Gille reprit sa signature, apposant ainsi sur ses pièces la marque « Gille l’Aîné à Paris ».
Enfin, relevons qu’au XVIIIe siècle, des pendules portant la signature « Gille L’aîné » étaient mentionnées chez le marquis de Brunoy, le prince Charles de Lorraine, le puissant fermier-général Perrinet de Jars, le duc de Gramont, le prince de Condé et Auguste II de Saxe.
« Dumont » : la signature de ce bronzier parisien est relativement rare et peu d’informations sont connues concernant sa carrière. Pierre Verlet mentionne plusieurs fondeurs parisiens portant ce patronyme qui étaient actifs à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, particulièrement un Antoine-François Dumont, reçu maître en tant qu’apprenti le 11 avril 1753 (voir Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Editions Picard, Paris, 1999, p.415).