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Fol  -  Saint-Germain
Fol
Jean-Joseph de Saint-Germain (1719-1791)

Rare pendule de cheminée « à l’éléphant barrissant » en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat

Pendule408-04_BD_MAIL

« Fol à Paris »

L’arrière de la base insculpée : S. GERMAIN

Paris, époque Louis XV, vers 1750

Hauteur50 Largeur38 Profondeur16

Le cadran circulaire émaillé indique les heures en chiffres romains et les minutes par tranches de cinq en chiffres arabes par deux aiguilles en cuivre ciselé, repercé et doré. Il est renfermé dans une caisse entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat. Le mouvement, dont la platine arrière est signée « Fol à Paris », est inscrit dans une boite circulaire agrémentée de guirlandes fleuries et feuillagées et surmontée, à l’amortissement, d’un putti ailé, assis sur un drapé et un enrochement, qui tient une tablette dans sa main gauche et lève un cadran rayonnant de l’autre main ; la lunette ceinturant la vitre est ouvragée de joncs soulignés de feuilles d’acanthe, tandis que le mouvement est protégé à l’arrière par une plaque en cuivre à motifs découpés de branchages feuillagés animés de fleurettes ; l’ensemble est harnaché sur le dos d’une superbe figure d’éléphant, campé sur ses quatre pattes et représenté la trompe levée et la gueule ouverte dans l’attitude du barrissement ; le pachyderme repose sur une base contournée à décor rocaille composé de crosses, d’enrochements et feuillages stylisés, d’enroulements et de motifs ondés.

Le milieu du XVIIIe siècle est une période particulièrement féconde pour les arts décoratifs français. En effet, tout était mis en œuvre pour assister à l’émergence de talents exceptionnels et pour attirer les meilleurs artistes et artisans européens de l’époque désireux de travailler pour les grands collectionneurs parisiens. La pendule que nous proposons fut réalisée dans ce contexte particulier. Sa composition originale, formée d’un animal exotique, en l’occurrence un éléphant, est révélatrice de l’extraordinaire attrait que suscitaient les contrées asiatiques, américaines et africaines, auprès d’une clientèle de riches amateurs français fascinés par les mystères dévoilés le plus souvent par les récits de voyageurs et par les gravures tirées d’ouvrages sur ces terres lointaines.

Dans le domaine particulier de l’horlogerie, l’on assista rapidement à l’intégration de ces motifs « exotiques », ce qui aboutit vers le milieu du XVIIIe siècle à la création de luxueuses pendules dont les mouvements, supportés par des éléphants, des rhinocéros ou des lions, étaient surmontés d’échassiers, de singes, d’Indiens ou de putto ailés. Citons notamment une pendule à l’éléphant surmontée d’un singe, tenant à l’origine une ombrelle, qui appartient aux collections royales espagnoles (parue dans J. Ramon Colon de Carvajal, Catalogo de Relojes del Patrimonio nacional, Madrid, 1987, p.23, catalogue n°4) ; ainsi qu’une deuxième de même modèle qui fait partie de la célèbre collection des princes de Hesse au château de Fasanerie à Fulda (illustrée dans le catalogue de l’exposition Gehäuse der Zeit, Uhren aus fünf Jahrhunderten im Besitz der Hessischen Hausstiftung, 2002, p.59) ; enfin, mentionnons un modèle « au rhinocéros » surmonté d’un jeune Indien qui est illustré dans P. Kjellberg, Encyclopédie de la pendule française du Moyen Age au XXe siècle, Les éditions de l’Amateur, Paris, 1997, p.129.

La composition de l’exemplaire que nous proposons, due au bronzier Jean-Joseph de Saint-Germain, rencontra un grand succès auprès des grands collectionneurs parisiens du XVIIIe siècle. De nos jours, parmi les rares modèles identiques connus, parfois reposant sur des bases renfermant des boîtes à musique, mentionnons notamment : une première pendule, le cadran de « Moisy à Paris » et la base insculpée « St Germain », qui se trouvait anciennement à la Galerie Caroll à Munich (voir R. Mühe et Horand M. Vogel, Horloges anciennes, Manuel des horloges de table, des horloges murales et des pendules de parquet européennes, Fribourg, 1978, p.107, n°131, et H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Band I, Munich, 1986, p.123, fig.2.8.3) ; ainsi que deux exemplaires passés en vente aux enchères : l’un, provenant de la collection de Florence J. Gould, a été vendu chez Sotheby’s, à Monaco, le 25 juin 1984, lot 715, l’autre, ayant appartenu au comte François de Salverte, a été proposé sur le marché de l’art à Dijon en novembre 1997 ; citons également deux pendules de ce type qui sont conservées dans les collections publiques françaises ou belges : la première, le cadran signé « Viger à Paris », a été offerte par les princes de Ligne au Trésor de la Cathédrale de Tournai (illustrée dans P. Verlet, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Editions Picard, Paris, 1999, p.192, fig.219) ; la seconde, dépourvue de son cadran d’origine, a été acquise par le Garde-meuble impérial en 1865 pour le Château de Fontainebleau (reproduite dans Tardy, La pendule française, Ire Partie : De l’Horloge gothique à la Pendule Louis XV, 1967, p.173). Enfin, soulignons particulièrement qu’une pendule, très certainement de modèle identique, fut prisée 108 livres dans l’inventaire après décès de la duchesse de Brancas en 1784 : « Une pendule en cartel du nom de Jean-Baptiste Baillon montée sur un éléphant surmontée d’un petit amour ».

Fol

La signature « Fol à Paris » semble correspondre à Jean Fol, l’un des plus célèbres horlogers du règne de Louis XV actif à Paris dans le deuxième tiers du XVIIIe siècle. Sa carrière est relativement méconnue, toutefois certaines de ses pendules sont répertoriées dès la seconde moitié du XVIIIe siècle chez de grands amateurs parisiens, notamment chez Antoine-Pierre Maussion de Montbré, Claude-Louis comte de Saint-Germain et Antoine-Louis Rouillé comte de Jouy. Vers la fin des années 1760 ou le début de la décennie suivante, il semble laisser la direction de l’atelier familial à son fils, Jean II, dit « Fol fils », qui recevra le titre de Valet de Chambre-Horloger Ordinaire du Roi. Enfin, il est intéressant de relever qu’en 1767, au moment de l’inventaire après décès de la veuve du puissant comte de Peyre, deux montres, l’une signée « Fol père », l’autre « Fol fils », étaient prisées dans l’acte notarié.



Jean-Joseph de Saint-Germain (1719 - 1791)

Est probablement le plus célèbre bronzier parisien du milieu du XVIIIe siècle. Actif à partir de 1742, il est reçu maître en juillet 1748. Il est surtout connu pour la création de nombreuses caisses de pendules et de cartels qui firent sa notoriété, notamment le cartel dit à la Diane chasseresse (voir un exemplaire conservé au Musée du Louvre), la pendule supportée par deux chinois (voir un modèle de ce type aux Musée des Arts décoratifs de Lyon), ainsi que plusieurs pendules à thématiques animalières, essentiellement à éléphants et rhinocéros (exemple au Musée du Louvre). Vers le début des années 1760, il joue également un rôle primordial dans le renouveau des arts décoratifs parisiens et dans le développement du courant néoclassique, en réalisant notamment la pendule dite au génie du Danemark sur un modèle d’Augustin Pajou pour Frédéric V du Danemark (1765, conservée à l’Amalienborg de Copenhague). Saint-Germain crée plusieurs pendules inspirées par le thème de l’Etude, sur un modèle de Louis-Félix de La Rue (exemples au Louvre, à la Fondation Gulbenkian, Lisbonne, et au Musée Metropolitan de New York).

Parallèlement à ses créations horlogères, Saint-Germain réalise également de nombreux bronzes d’ameublement – y compris chenets, appliques, et candélabres – en faisant toujours preuve de la même créativité et démontrant ses talents exceptionnels de bronzier. Il se retire des affaires en 1776.