Rare paire de candélabres à deux lumières en bronze très finement ciselé, moleté, patiné et doré à l’or mat ou à l’or bruni

Paris, époque Consulat, vers 1800
Chaque candélabre s’organise autour d’un fût anthropomorphe sous la forme d’un jeune personnage noir, le visage aux yeux émaillés ; il porte des anneaux d’oreilles et un double collier de perles autour du cou et est vêtu d’un pagne à bandeau de croisillons repercés retenu par des cordelettes ; il tient dans chaque main un bras de lumière en torche fuselée terminée par un bassin en vase godronné et un binet à frise moletée de cordelette ; la figure repose sur une haute base cylindrique à bandeau en frise brettée de canaux terminée en moulures à cavet ou doucine et supportée par une plinthe circulaire soutenue sur trois petites pattes léonines.
Avant la fin du XVIIIe siècle, les personnages exotiques constituent rarement un thème décoratif pour les créations des arts décoratifs français et plus largement européens. C’est véritablement à la fin de l’Ancien Régime, plus précisément dans la dernière décennie du XVIIIe siècle et dans les premières années du siècle suivant, qu’apparaissent les premiers modèles de flambeaux, de candélabres et de pendules dits « au nègre » ou « au sauvage ». Ils font écho à un nouveau courant philosophique développé dans quelques célèbres ouvrages littéraires et historiques, notamment Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre publié en 1787 qui dépeint l’innocence de l’Homme, Atala de Chateaubriand qui restaure l’idéal chrétien et surtout le chef-d’œuvre de Daniel Defoe publié en 1719 : Robinson Crusoé. Comme souvent cette littérature abondante sera une source d’inspiration fantastique pour les artisans de l’époque, particulièrement pour les bronziers ; cela aura pour conséquence la création d’œuvres élégantes mettant en scène ce type de personnages et servant ainsi de prétexte au décor des luminaires et des pendules. Dès la fin du XVIIIe siècle, certains modèles apparaissent ponctuellement chez certains grands amateurs du temps, notamment en 1789 chez l’avocat André-Marie Alix, en 1790 chez Marie-Victoire de Saint-Simon, puis quelques années plus tard, en 1808, chez François-Joseph Lelièvre de Lagrange.
La paire de candélabres que nous proposons fut réalisée dans ce contexte particulier. De nos jours, parmi les rares modèles répertoriés réalisés dans le même esprit, avec parfois des variantes notamment dans le traitement des bases, mentionnons particulièrement : une première paire, sur laquelle les figures sont coiffées de panaches de plumes, qui a été vendue chez Christie’s, à Monaco, le 5 décembre 1992, lot 87 ; ainsi qu’une deuxième qui se trouvait anciennement dans la collection du Baron Erich von Goldschmidt-Rothschild (vente à Genève, Habsburg-Feldman, le 10 mai 1988, lot 127) ; enfin, citons particulièrement que deux paires de candélabres de ce modèle appartiennent aux célèbres collections du Musée François Duesberg à Mons (illustrées dans Musée François Duesberg, Arts décoratifs 1775-1825, Bruxelles, 1998, p.60-61).