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Guiot  -  Cressent

Exceptionnelle pendule d’applique rocaille et son cul-de-lampe en bronze finement ciselé et doré et marqueterie de métal dite « Boulle » de laiton sur fond d’écaille teintée

Cartel à masque de femme Premier modèle

Cartel039-03_BD_MAIL

Dans une caisse réalisée par Charles Cressent

Paris, début de l’époque Louis XV, vers 1730

Hauteur129 Largeur47 Profondeur19

Provenance :

– Ancienne collection du marquis de D…vente à Paris, Galerie Georges Petit, le 17 juin 1921, lot 91.

– Vente à Paris, Maître, Galerie Charpentier, le 24 mars 1955, lot 75.

– Collection privée, Périgord (France).

 

Le cadran circulaire en cuivre, agrémenté de motifs délicatement gravés, est signé « Guiot à Paris » sur une cartouche circulaire émaillé et indique, par deux aiguilles en acier poli, les heures en chiffres romains sur douze cartouches émaillés, ainsi que les graduations des minutes par tranches de cinq sur sa bordure extérieure ; il s’inscrit dans une caisse violonée entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré. L’amortissement est orné d’une figure de putto, très légèrement drapé et assis sur des nuées, qui tend les deux bras vers sa droite ; le chérubin repose sur un chapiteau curviligne souligné d’une frise d’entrelacs centrés de cabochons se terminant en volutes et renfermant un décor repercé et rayonnant à motifs de chutes de fleurettes s’épanouissant vers une large fleur stylisée. Le mouvement, également signé « Guiot à Paris », est flanqué de crosses à enroulements, soulignées de frises godronnées et de guirlandes tombantes fleuries et feuillagées, se prolongeant vers quatre pieds sinueux décorés de larges palmes en relief reposant sur des entablements quadrangulaires supportés par des sphères. Sous le cadran, un superbe masque féminin, les cheveux se croisant sous le menton, surmonte un motif trilobé et est sommé d’une coquille qui se détache d’un cartouche à crosses dans un environnement de croisillons centrés de fleurettes. Les côtés de la caisse sont en marqueterie de métal dite « Boulle » de motifs de laiton gravé sur des fonds d’écaille de tortue teintée. La pendule repose sur son cul-de-lampe, également réalisé en bronze finement ciselé et doré à décor de motifs rocailles tels que larges coquilles déchiquetées, feuillages, crosses, volutes, dragons ailés recourbés, ondes, tournesols…le culot se termine en forme de coquillage ; le centre du cul-de-lampe est agrémenté d’un large motif rocaille centré d’un médaillon dont lequel un lion, représenté les pattes avants, semble surgir du motif stylisé.

Vers le milieu des années 1730, Charles Cressent crée un type de cartel à la composition particulièrement aboutie qui devient l’un de ses modèles à succès. Le dessin présente des pieds formés de palmes soulignées de fleurs et un masque féminin coiffé d’une coquille flanqué de motifs de croisillons ajourés. Alexandre Pradère, qui a dressé la typologie des œuvres de Cressent, le qualifie de « premier modèle », puis par la suite l’ébéniste-sculpteur le retravaillera dans un esprit plus rocaille baptisé « second modèle », dont la fabrication sera reprise quelques décennies plus tard par les bronziers Saint-Germain (voir Charles Cressent, sculpteur, ébéniste du Régent, Dijon, 2003, p.176-183). Le modèle qui nous intéresse particulièrement, puisqu’il correspond à celui que nous proposons, est le « premier modèle » qui rencontra immédiatement un immense succès auprès des amateurs du temps et qui fut décliné à quelques reprises par Cressent en l’associant avec des consoles d’applique ou culs-de-lampe lui servant de support, dont il exécuta essentiellement trois variantes.

Le premier type de socle est centré d’une tête de Borée soufflant sur ses plumes ; de ce modèle est notamment connu un premier exemplaire, le mouvement signé « Etienne Lenoir » et provenant des collections du fermier-général Marin de la Haye, qui est conservé au Musée Condé à Chantilly (reproduit Anne Forray-Carlier, Le mobilier du château de Chantilly, Editions Faton, Dijon, 2010, p.49, catalogue n°7) ; ainsi qu’un second acquis en vente publique en 1975 par le Musée national du château de Versailles (illustré dans Pierre Verlet, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Paris, 1999, p.283, fig.315), qui pourrait correspondre à l’horloge qui fut livrée au château de Versailles en février 1745 par l’horloger Jean-Baptiste Baillon pour la chambre de l’Infante Marie-Thérèse-Raphaëlle d’Espagne, épouse du Dauphin de France ; elle était décrite ainsi dans le Journal du Garde-meuble de la Couronne : « N°42. Une belle pendule en bronze doré d’or moulu faite par Jean-Baptiste Baillon, dont le cadran est d’émail et les aiguilles de bronze doré, portée sur deux consoles accompagnées de palmes, au milieu desquelles est un masque de femme : sur les côtés sont des ornements en mosaïques et deux bouquets de fleurs : le haut est terminé d’un amour tenant de sa main gauche une faulx : le pied aussi de bronze doré, orné de rocailles, fleurs, plumes, deux dragons et d’une tête de Borée, haute de 4 pieds avec le pied sur 14 pouces de large » (Archives Nationales, Maison du Roi, Série O/1/3313, folio 172).

Le deuxième type de cul-de-lampe est le plus rare dans l’œuvre de Charles Cressent puisque seuls trois exemplaires sont répertoriés, citons particulièrement : un premier, maintenant dépourvu de son mouvement et d’un masque de satyre barbu, qui appartient aux collections du Musée des arts décoratifs à Paris, don Larcade en 1938 (illustré dans Alexandre Pradère, Charles Cressent, sculpteur, ébéniste du Régent, Editions Faton, Dijon, 2003, p.180, catalogue n°202B) ; ainsi qu’un second, provenant de la Fondation Groves, qui est conservé au Minneapolis Institute of Arts (reproduit dans J-D. Augarde, « Jean-Joseph de Saint-Germain bronzier (1719-1791), Inédits sur sa vie et son œuvre », in L’Estampille/L’Objet d’art, n°308, décembre 1996, p.69, fig.9).

Enfin, le troisième type, figurant un lion paraissant surgir de motifs stylisés, qui correspond au modèle que nous proposons et semble être stylistiquement le plus ancien ; quatre exemplaires de ce type sont actuellement connus, dont un appartient aux collections du Musée des Arts décoratifs à Paris (paru dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Band I, Munich, 1986, p.79, fig.1.12.6), tandis qu’un second est conservé au Musée du Louvre à Paris (voir D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum et G. Mabille, Les bronzes d’ameublement du Louvre, Dijon, p.68, catalogue n°29) ; notons qu’une déclinaison de ce cul-de-lampe, sur lequel est substituée la figure d’un coq à celle du lion, est répertoriée (voir T. Dell, « The gilt bronze cartel Clocks of Charles Cressent », in Burlington Magazine, avril 1967, p.213, fig.36).

André-Georges Guiot

André-Georges Guiot (également orthographié Guyot) est l’un des meilleurs horlogers parisiens de l’époque Régence et du début du règne de Louis XV. Nous n’avons que peu d’informations sur sa carrière et il est possible qu’il ne travailla qu’un temps à Paris avant de partir s’installer en province. En revanche sa production est particulièrement bien documentée, car il avait noué des liens privilégiés avec l’ébéniste-sculpteur Charles Cressent pour lequel il réalisa une grande partie des mouvements des horloges créées par cet artisan de renom. Par l’intermédiaire de Cressent, Guyot participa à l’ameublement des plus grands collectionneurs des premières décennies du XVIIIe siècle et plusieurs pendules portant sa signature son mentionnées à cette époque chez de grands amateurs parisiens, citons particulièrement celles décrites chez la veuve d’Olivier du Couedic de Kerdrain, contrôleur de l’Ordre royal de Saint-Louis, chez Nicolas Judde de Grainville, Grand Maître des eaux et forêts de Soissons, chez Henry-Louis de Barberie de Saint-Contest, intendant de Limoges, ainsi que chez les financiers Antoine-Gaspard Grimod de la Reynière et Charles Savalette de Magnanville.



Charles Cressent (1685 - 1768)

Charles Cressent figure parmi les plus importants ébénistes parisiens du XVIIIe siècle et est probablement le plus célèbre artisan en meubles de l’esprit Régence qu’il véhicula dans ses réalisations d’ébénisterie et de sculpture tout au long de sa carrière. Fils d’un sculpteur du Roi, il s’exerce à la sculpture à Amiens où réside son grand-père, lui-même sculpteur et fabricant de meubles. Ses débuts sont donc dominés par l’apprentissage des techniques de la sculpture, si bien qu’en 1714, c’est en présentant une œuvre dans cette spécialité qu’il est reçu à l’Académie de Saint Luc. Il s’établit alors à Paris et commence à travailler pour certains confrères, puis épouse la veuve de l’ébéniste Joseph Poitou, ancien ébéniste du duc Philippe d’Orléans, alors Régent du royaume. Par ce mariage, il prend en charge la direction de l’atelier et continue l’activité si brillamment qu’il devient à son tour le fournisseur privilégié du Régent, puis à la mort de ce dernier, en 1723, de son fils Louis d’Orléans qui lui passe de nombreuses commandes et lui assure une grande prospérité au cours de ces années-là. Rapidement sa notoriété dépasse les frontières du royaume et certains princes et rois européens commandent des œuvres à l’ébéniste, particulièrement le roi Jean V du Portugal et l’Electeur Charles Albert de Bavière. En France, il s’était composé une riche clientèle privée comprenant des membres de la haute aristocratie, tel le duc de Richelieu, et des grands collectionneurs, notamment le puissant trésorier général de la marine Marcellin de Selle. Cressent n’aura de cesse tout au long de sa carrière de créer, à l’encontre des lois de la corporation des bronziers, ses propres modèles de bronzes fondus dans son atelier ; cette particularité, que l’on retrouve également chez André-Charles Boulle, apporte à son œuvre une grande homogénéité et démontre surtout ses talents exceptionnels de sculpteur.