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Gaudron  -  Boulle

Exceptionnelle pendule-baromètre et sa gaine en marqueterie d’écaille ou de cuivre et bronze finement ciselé ou doré

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« Gaudron à Paris »

Dans une caisse attribuée à André-Charles Boulle

Paris, fin de l’époque Louis XIV, vers 1710

Pendule :
Hauteur114 Largeur59 Profondeur23
Gaine :
Hauteur150 Largeur59 Profondeur30

Le cadran en cuivre à douze cartouches émaillés est fixé sur une platine signée « Gaudron à Paris » et indique les heures en chiffres romains et les graduations des minutes sur sa bordure extérieure par deux aiguilles en acier poli ; il surmonte un groupe en bas-relief représentant une allégorie du Temps enlevant la Vérité. Le mouvement est renfermé dans une superbe caisse architecturée reposant sur sa gaine entièrement décorées en marqueterie « Boulle » à filets de cuivre à rinceaux, fleurons et fleurettes, sur fond d’écaille brune, et à riche décor de bronze très finement ciselé et doré. L’horloge s’inscrit dans une borne à corniche arrondie surmontée d’un chapiteau en dôme, à montants en consoles à volutes et chutes de pampres, terminé par une lampe à huile « à l’antique » ; les montants sont soulignés de consoles à coquilles et se terminent, sur leurs faces latérales, en cavet à sphinx allongés coiffés de némès et supportés par des entablements feuillagés à pieds gaines. L’ensemble repose sur une base quadrangulaire centrée d’un baromètre à lunette à frise d’oves soulignée d’une course de feuillages et encadrée de deux mascarons féminins coiffés de diadèmes et de perles ; enfin, quatre forts pieds dits « en vis de limaçon » participent au support de l’horloge. Cette dernière est posée sur sa gaine fuselée à riche décor de fleuron, rinceaux, baguettes à cabochons ou oves et trophée à l’allégorie du Temps à sablier ailé noué à une faux ; la partie haute à côtés évidés est soulignée de tabliers ou de larges acanthes à enroulements ; enfin, la base à panneaux à arcades repose sur des pieds en cavet à frises finement ciselées.

Les créations horlogères, cartels, pendules de cheminées et régulateurs, occupent une place très importante dans l’œuvre d’André-Charles Boulle, puisqu’elles totalisaient environ le tiers de la production de l’artisan. Ainsi, en 1715 dans l’acte de délaissement de Boulle à ses fils étaient mentionnées 63 pendules sur un total de 300 pièces prisées, puis quelques années plus tard, en août 1720, lors de l’inventaire de l’atelier, suite à un incendie, 75 pendules sont listées sur une masse globale de 220 pièces. Comme toujours, Boulle fit preuve pour l’élaboration des compositions d’une exceptionnelle originalité et collabora pour leurs mouvements avec les plus grands horlogers de l’époque. L’exceptionnel modèle que nous proposons dérive d’un type orné de sphinx créé dans les années 1680 et qui fut l’un de ses plus célèbres modèles sur lequel l’artisan intégra un baromètre dans la partie basse. Le dessin gravé de cette pendule est reproduit sur la planche II de l’ouvrage intitulé Nouveaux Desseins de Meubles et Ouvrages de Bronze et Marqueterie Inventés et gravés par André-Charles Boulle, publié à Paris par Mariette après 1707 (voir J-P. Samoyault, André-Charles Boulle et sa famille. Nouvelles recherches. Nouveaux documents, Centre de recherches d’histoire et de philologie de la IVe Section de l’Ecole pratique des hautes études, Genève, 1979) ; cet ouvrage, certainement destiné à être largement diffusé, permettait à Boulle de dévoiler ses dernières créations, ainsi que ses chefs-d’œuvre. Le dessin porte la mention « Pendule propre pour une chambre », permettant ainsi d’établir le type de pièces dans lequel ce modèle figura dans un premier temps, avant d’être exposé au cours des décennies suivantes dans des pièces beaucoup moins intimes, hommage des grands collectionneurs du temps à l’aspect spectaculaire du modèle.

Le thème principal, traité en bas-relief sous le cadran, est directement inspiré d’un groupe sculpté entre 1675 et 1687 par Thomas Regnaudin (1622-1706) pour l’Orangerie du château de Versailles et dont le sujet était précisément l’Enlèvement de Cybèle par Saturne ou Le Temps enlevant la Vérité ; le marbre est conservé de nos jours au Musée du Louvre à Paris. Il est fortement probable que Boulle créa ce modèle en déclinant le dessin d’une pendule réalisée par lui-même vers 1680 pour le marquis de Louvois, ministre de Louis XIV et Surintendant des Bâtiments du roi. En effet, dans l’inventaire après décès du marquis, en août 1691, était brièvement décrite dans la chambre du ministre à l’hôtel de la Surintendance de Versailles : « une pendule sonnante faite par Thuret avec sa boeste d’écaille marquetterie et ornements de cuivre doré », prisée 200 livres. Quelques années plus tard, cette même pendule semble réapparaître dans l’inventaire après décès de la veuve du ministre, Anne de Souvré, sous le numéro 809 : « une grande pendule à baromètre sonnante par Thuret dans sa boete de marqueterie d’écaille et cuivre doré ornée de sphinx et autres ornements de bronze doré d’or moulu dans sa boete faite par Boulle 400 livres ».

Au XVIIIe siècle ou dans les premières décennies du siècle suivant, les exemplaires de ce modèle mentionnés dans les documents anciens sont relativement rares. Nous savons qu’une première pendule de ce type fit partie de la vente de la célèbre collection Randon de Boisset en février 1777 : « 802. Une grande pendule, de première partie, mouvement à quart fait par Rabby, le cadran orné d’un groupe de deux figures à bas-reliefs ; sa boite est de forme droite, avec chapiteau à gorge et riche socle à baromètre sur le devant, garnie du haut d’une lampe antique, et sur le pourtour de consoles, cadres et autres ornements, sur chaque côté du socle, et un sphinx supportant la boite ; le tout en bronze doré : hauteur 44 pouces, sur 21 de large » ; tandis qu’une deuxième fit son apparition lors de la dispersion de la collection du banquier Quentin Crawford en 1820 « 459. Une pendule à sonnerie, marquant les heures et les secondes, des noms de Gaudron et Janvier, dans sa boite en marqueterie, par Boulle, fond écaille, incrustation de cuivre sur son pied forme de console avec baromètre, et au-dessous cette devise : Diregit atque movet. Ladite pendule richement décorée au milieu d’un groupe de figures sujet du temps qui enlève la vérité ; de deux sphinx et d’autres ornements en bronze doré d’or moulu » ; une troisième avait été achetée 840 livres au marchand-mercier Lazare Duvaux par le Marquis de Marigny en décembre 1759 : « N°2949. Pendule et baromètre tenant ensemble, de marqueterie de Boulle, garnis en bronze doré d’or moulu » (voir L. Courajod, Livre-Journal de Lazare Duvaux, Marchand-bijoutier ordinaire du Roy, 1748-1758, p.340, n°2949) ; enfin, relevons qu’un exemplaire, peut-être celui conservé actuellement au Château de Versailles, fut livré par l’horloger Thuret à Louis XIV, puis mentionné à Versailles dans l’inventaire de 1729 et localisé dès 1751 dans le Cabinet des jeux de l’appartement du Roi au château de Compiègne (reproduit dans P. Verlet, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Paris, 1987, p.107, fig.123).

De nos jours, quelques rares pendules de ce modèle sont répertoriées : citons notamment celle du Musée national du château de Versailles précédemment citée ; une deuxième, le mouvement signé « Thuret », qui est conservée à la Frick Collection à New York (voir K. Edey, French Clocks in North American Collections, Catalogue d’exposition, Frick Collection, New York, 1982, p.41-44) ; une troisième, le mouvement de Balthazard Martinot, appartient aux collections du Cleveland Museum of Art (parue dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Band I, Munich, 1986, p.43, fig.1.3.3) ; une quatrième, le mouvement de Gaudron, appartient au Musée royal d’Art et d’Histoire de Bruxelles ; une cinquième, présentée sur son cul-de-lampe et provenant de Stoneleigh Abbey dans le Warwickshire, a été vendue lors de la dispersion de la collection Hubert de Givenchy (vente Christie’s, Monaco, le 4 décembre 1993, lot 77) ; enfin, mentionnons un dernier modèle, reposant sur son serre-papier, qui appartient aux collections du duc de Marlborough à Blenheim Palace (illustré dans le catalogue de l’exposition André-Charles Boulle 1642-1732, Un nouveau style pour l’Europe, Museum für Angewandte Kunst, Francfort, 30 octobre 2009-31 janvier 2010, p.150, fig.8).

Gaudron

L’un des ateliers parisiens d’horlogerie les plus importants qui fut actif de la seconde moitié du XVIIe siècle jusqu’au milieu du siècle suivant. Fondé vers 1660 par Antoine Ier Gaudron (vers 1640-1714), l’atelier de développa rapidement jusqu’à son association avec ses deux fils, Antoine II Gaudron de Sainte-Marthe (1675-1748) et Pierre Gaudron (vers 1677-1745), également horlogers, qui reçurent respectivement les titres prestigieux de « Conseiller, Secrétaire du Roi, Maison et Couronne de France près de la Chancellerie du Parlement de Metz » et d’« Horloger Ordinaire du duc d’Orléans ». Après de décès de leur père, les deux frères travaillèrent ensemble de 1710 à 1730. Cet atelier se distingua surtout par sa collaboration avec André-Charles Boulle pour lequel les Gaudron réalisèrent de superbes mouvements tout au long de la carrière de l’ébéniste-sculpteur.



André-Charles Boulle (1642 - 1732)

André-Charles Boulle est le plus important ébéniste-sculpteur parisien du règne de Louis XIV. Tout au long de sa carrière, cet artisan au talent inégalé fit preuve d’une exceptionnelle inventivité qui lui permit de travailler pour les plus importants collectionneurs de l’époque et surtout d’œuvrer pour Louis XIV, pour lequel il livra quelques-uns des plus grands chefs-d’œuvre de l’ébénisterie française. Ebéniste, mais également sculpteur, Boulle réalisait lui-même ses motifs de bronze avec lesquels il ornait ses créations. De nos jours, ses œuvres sont conservées dans les plus importantes collections privées et publiques internationales, notamment au musée du Louvre, au musée national du château de Versailles, au Victoria and Albert Museum à Londres, au Cleveland Museum of Art, au Metropolitan Museum of Art de New York et au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.