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Robin  -  Coteau  -  Thomire

Exceptionnel régulateur de bureau à « remontoir d’égalité »

« Modèle royal »

APF_PENDULE63_06

Dans une caisse attribuée à Pierre-Philippe Thomire

L’ensemble probablement réalisé sous la supervision de Dominique Daguerre

Paris, époque Louis XVI, vers 1780-1785

Hauteur41.2 Largeur22.4 Profondeur17.5

Cette exceptionnelle pendule, de type régulateur «  de bureau » ou « de cheminée », figure parmi les réalisations horlogères parisiennes les plus luxueuses de la fin du règne de Louis XVI. Son mouvement à complications perfectionné, à échappement Graham et à remontoir d’égalité dit « à force constante », est actionné par un balancier à gril bimétallique oscillant signé « Robin » et par deux poids-moteurs, dont le sens de remontage est indiqué à l’arrière de la porte de façade sur une platine inscrite : « Remonté à gauche faite passer le quantième ». L’ensemble est renfermé dans une superbe caisse architecturée en forme de borne néoclassique « à l’antique » entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat pourvue sur l’ensemble de ses faces et sur son recouvrement de panneaux vitrés destinés à visualiser la complexité et la perfection du mouvement et son fonctionnement. Cette caisse, reposant sur quatre pieds quadrangulaires, est richement agrémentée de motifs à décor d’un cavet à frise alternée de canaux et feuillages ceinturant le chapiteau, de frises à enfilages de perles soulignant la corniche légèrement débordante et la lunette, d’écoinçons à feuilles d’acanthe et de laurier, d’encadrements en baguettes de feuilles stylisées, d’une frise de feuilles d’eau stylisées rythmant la base et, suivant le dessin curviligne du cadran, d’une superbe draperie tombante agrémentée de franges et d’une guirlande feuillagée.

Le cadran, signé « Robin à Paris », est un véritable chef-d’œuvre et porte également la signature du plus célèbre émailleur de l’époque : Joseph Coteau. Il indique les heures en chiffres romains, les minutes par tranches de cinq en chiffres arabes, les secondes, les quantièmes du mois, les mois de l’année, l’équation du temps, marquant la différence entre le Temps vrai et le Temps moyen, enfin, il indique sur sa bordure extérieure les douze signes du zodiaque représentés en camaïeu de gris dans des médaillons ovalisés inscrits dans une course d’entrelacs de fins branchages fleuris et feuillagés polychromes. Quatre aiguilles marquent les indications : une en cuivre repercé et doré ponctuée d’un soleil destinée à l’indication de l’équation du temps et trois en acier poli et bleui.

Cette pendule doit être considérée comme la quintessence de l’horlogerie parisienne de luxe du règne de Louis XVI qui se destinait à quelques grands amateurs, souvent des personnalités proches de la famille royale. Certains documents anciens nous permettent de mieux tenter de connaître le type de collectionneurs susceptibles de posséder de tels chefs-d’œuvre. C’est ainsi qu’une première pendule de ce type était brièvement prisée dans l’inventaire après décès de Denis-Pierre-Jean Papillon de la Ferté, directeur des Menus Plaisirs du Roi, puis figura dans la vente de sa collection en février 1797 : « 305. Une pendule de forme quarrée, avec panneaux de glace, mouvement à mi-seconde, à équation, à remontoire & a sonnerie, faite par Robin » ; tandis qu’une seconde était décrite quelques années auparavant, peu après la Révolution, dans un inventaire de la collection d’horlogerie de la reine Marie-Antoinette entretenue par Robin, dans lequel figurait un modèle quasiment identique à celui que nous présentons : « 28. Une pendule quarrée en ordre d’architecture à pannaux de glace, en cuivre doré en or mat, avec un pendul de compensation, mouvement à heures, minutes, seconde, à sonnerie, quantième du mois, jour de la semaine, les figures du zodiaque peintes en mignature sur le cadran, du nom de Robin » (voir P. Verlet, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Paris, 1999, p. 466).

Aujourd’hui seuls quelques régulateurs similaires sont connus, la plupart portent les signatures de l’horloger Robin et de l’émailleur Coteau qui collaborèrent sur le modèle probablement à la demande de l’un des grands marchands-merciers de l’époque, tels Simon-Philippe Poirier et son associé Dominique Daguerre, les deux plus grands pourvoyeurs parisiens d’objets de luxe. Parmi ces rares modèles répertoriés, citons notamment un premier exemplaire conservé dans une collection privée qui est reproduit dans D. Roberts, Precision Pendulum Clocks, 2004, p. 32 ; et mentionnons particulièrement les deux régulateurs de Robin, anciennement dans la collection Winthrop Kellogg Edey, qui appartiennent à la Frick Collection à New York et dont les caisses sont attribuées au célèbre bronzier Pierre-Philippe Thomire (Inv. 1999.5.150 et 1999.5.151) (respectivement illustrés dans Tardy, La pendule française, 2ème Partie : Du Louis XVI à nos jours, Paris, 1975, et dans C. Vignon, The Frick Collection Decorative Arts Handbook, New York, Scala, 2015).

Robert Robin (1741 - 1799)

Robert Robin est l’un des plus importants horlogers parisiens du dernier tiers du XVIIIe siècle. Honoré des titres de Valet de Chambre-Horloger Ordinaire du Roi et de la Reine en 1783 et 1786, il eut une carrière hors du commun et se distingua par sa contribution exceptionnelle à l’amélioration des instruments de la mesure du temps.

En 1778, l’Académie des Sciences approuva deux de ses inventions, dont l’une mena à la construction d’une pendule astronomique représentant une méridienne tracée sur une pyramide qui fut acquise par les Menus Plaisirs pour Louis XVI cette même année ; Robin publia une Description historique et mécanique très détaillée de cette pendule. Il créa également des régulateurs de cheminée à indications astronomiques et à balancier compensé, dont le marquis de Courtanvaux, homme de science et grand connaisseur d’horlogerie de précision, fut l’un des premiers acquéreurs. Au cours des troubles révolutionnaires, il réalisa des montres et des pendules à heure décimale. On le retrouve successivement Grande rue du faubourg Saint-Honoré (1772), rue des Fossés-Saint-Germain l’Auxerrois (1775), rue Saint-Honoré à l’Hôtel d’Aligre (1778) et aux Galeries du Louvre en 1786.

Pour ses régulateurs de bureau, Robin fit le choix de boîtes architecturées d’une grande sobriété, qui nous paraissent aujourd’hui d’une remarquable modernité. Il collabora toujours avec les meilleurs artisans de son temps, parmi lesquels les bronziers ou ciseleurs Robert et Jean Baptiste Osmond, Pierre Philippe Thomire, François Rémond et Claude Galle, les ébénistes Jean-Henri Riesener, Ferdinand Schwerdfeger et Adam Weisweiler, les émailleurs Barbezat, Dubuisson, Merlet et Coteau pour les cadrans, et les Richard et Montginot pour les ressorts.

Les deux fils de Robert Robin, Nicolas Robert (1775-1812) et Jean-Joseph (1781-1856), étaient également d’excellents horlogers et poursuivirent brillamment l’activité de l’atelier paternel.



Joseph Coteau (1740 - 1801)

Joseph Coteau est le plus célèbre émailleur de son temps et collabora avec la plupart des grands horlogers parisiens de l’époque. Il était né à Genève, ville dans laquelle il devint maître peintre-émailleur de l’Académie de Saint Luc en 1766 ; puis il vint s’installer à Paris quelques années plus tard. A partir de 1772, jusqu’à la fin de sa vie, il est installé rue Poupée. Coteau laissa notamment son nom à une technique précieuse d’émaux en relief qu’il mit au point avec Parpette destinée au décor de certaines pièces de porcelaine de Sèvres et qu’il utilisa par la suite pour le décor des cadrans des pendules les plus précieuses ; décorés de ce décor si caractéristique, mentionnons notamment : une écuelle couverte et son plateau qui appartiennent aux collections du Musée national de la Céramique à Sèvres (Inv. SCC2011-4-2) ; ainsi qu’une paire de vases dits « cannelés à guirlandes » conservée au Musée du Louvre à Paris (parue dans le catalogue de l’exposition Un défi au goût, 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740-1793), Musée du Louvre, Paris, 1997, p.108, catalogue n°61) ; et une aiguière et sa cuvette dites « de la toilette de la comtesse du Nord » exposées au Palais de Pavlovsk à Saint-Pétersbourg (reproduites dans M. Brunet et T. Préaud, Sèvres, Des origines à nos jours, Office du Livre, Fribourg, 1978, p.207, fig.250). Enfin, soulignons, qu’une pendule lyre de l’horloger Courieult en porcelaine bleue de Sèvres, le cadran signé « Coteau » et daté « 1785 », est conservée au Musée national du château de Versailles ; elle semble correspondre à l’exemplaire inventorié en 1787 dans les appartements de Louis XVI au château de Versailles (illustrée dans Y. Gay et A. Lemaire, « Les pendules lyre », in Bulletin de l’Association nationale des collectionneurs et amateurs d’Horlogerie ancienne, automne 1993, n°68, p.32C).



Pierre-Philippe Thomire (1757 - 1843)

Pierre-Philippe Thomire est le plus important bronzier parisien du dernier quart du XVIIIe siècle et des premières décennies du siècle suivant. À ses débuts, il travaille pour Pierre Gouthière, ciseleur-fondeur du roi, puis collabore dès le milieu des années 1770 avec Louis Prieur. Il devient ensuite l’un des bronziers attitrés de la manufacture royale de Sèvres, travaillant au décor de bronze de la plupart des grandes créations du temps. Après la Révolution, il rachète le fonds de commerce de Martin-Eloi Lignereux et devient le plus grand pourvoyeur de bronzes d’ameublement pour les châteaux et palais impériaux. Parallèlement, il travaille pour une riche clientèle privée française et étrangère parmi laquelle figure notamment quelques maréchaux de Napoléon. Enfin, il se retire des affaires en 1823.



Dominique Daguerre

Dominique Daguerre est le plus important marchand-mercier, comprenez marchand d’objets de luxe, du dernier quart du XVIIIe siècle. Ses débuts de carrière restent relativement méconnus et l’on peut considérer qu’il démarre véritablement son activité à partir de 1772, année de son association avec Philippe-Simon Poirier (1720-1785), autre marchand-mercier célèbre et inventeur des pièces d’ébénisterie agrémentées de plaques de porcelaine de la Manufacture royale de Sèvres. Lorsque Poirier se retire des affaires, vers 1777-1778, Daguerre prend la direction du magasin rue du Faubourg Saint-Honoré et garde la raison sociale « La Couronne d’Or ». Conservant la clientèle de son prédécesseur, il développe considérablement l’activité en quelques années et joue un rôle de premier plan dans le renouveau des arts décoratifs parisiens de l’époque en faisant travailler les meilleurs ébénistes du temps, particulièrement Adam Weisweiler, Martin Carlin et Claude-Charles Saunier, le menuisier du Garde-Meuble de la Couronne, Georges Jacob, les bronziers ou ciseleurs-doreurs Pierre-Philippe Thomire et François Rémond et les horlogers Renacle-Nicolas Sotiau et Robert Robin. Ayant porté le luxe « à la française » à son summum, Daguerre, visionnaire et homme d’affaires hors du commun, s’installe en Angleterre vers le début des années 1780 et s’associe avec Martin-Eloi Lignereux, qui reste en charge du magasin parisien. A Londres, patronné par le prince Régent, futur roi George IV, Daguerre participe activement à l’aménagement et à la décoration de Carlton House et du Pavillon de Brighton, en faisant fonctionner à merveille son réseau d’artisans parisiens important de Paris la plupart des meubles, sièges, cheminées, bronzes d’ameublement et objets d’art et facturant, uniquement pour l’année 1787, plus de 14500£ de fournitures. Impressionnés par le talent du marchand, quelques grands aristocrates anglais font également appel à ses services, particulièrement le Comte Spencer pour Althorp où Daguerre collabore avec l’architecte Henry Holland (1745-1806). A Paris, il continue, par l’intermédiaire de son associé Lignereux, à travailler pour les grands amateurs et livre de superbes pièces d’ébénisterie au Garde-Meuble de la Couronne. Probablement très affecté par les troubles révolutionnaires et la disparition de nombreux de ses clients les plus importants, il se retire définitivement des affaires en 1793.



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